Littératures anglophones

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lundi, mars 2 2015

Claire Keegan - Les Trois Lumières

Il y a eu aussi la très brève lecture d’une belle nouvelle de Claire  Keegan, conseillée à la librairie par Véronique y croisée : Foster, titre anglais, traduit par Les Trois Lumières, au passage nouvelle éditée séparément par 10/18 pour le prix modeste de 6,10€, ce qui est, disons-le, exorbitant. Et pendant que j’y suis avec les réserves, il y a dans la traduction quelque chose qui, pour moi, grippe à la lecture. Certes, je n’ai pas vu le texte anglais, mais c’est ainsi que je le sens.

Inishturk.JPG

Très brève histoire, toute en suggestion et en sous-entendus : c’est le récit, vu à travers les yeux de la jeune héroïne, d’une éphémère « adoption », car tel est le plus ou moins le sens du titre anglais. L’enfant est déposée à la hâte par son père, pour l’été, chez un couple de fermiers du Wexford, en Irlande. D’une famille nombreuse absorbée, au détriment de toute attention et de toute tendresse, par l’urgence des tâches quotidiennes de la ferme, elle se retrouve seule enfant choyée avec une distance pleine de tact par ce couple vigilant, secret et plein de bonté. Joie de la communion avec la nature, de la douceur des gestes et des mots (« Longues jambes », l’appelle son hôte qui l’entraîne à la course, ou « Pétale »), du partage des gestes et des activités de la ferme, Les Trois Lumières (sur la mer nocturne, au cours d’une très belle scène au bord de la plage) est le récit d’une initiation, brève et définitive, à l’amour des hommes et du monde.

Vue d'Inishturk, Par Manon M.

dimanche, décembre 22 2013

Washington Irving - La Légende du Cavalier sans tête

Je viens de lire, au hasard d'une découverte de table de nuit, la toute petite nouvelle de Washington Irving qui a inspiré le film de Tim Burton : La Légende du cavalier sans tête. Pas le genre de texte vers lequel je serais allée spontanément, étant peu portée sur les histoires gothiques. Aussi ai-je découvert avec un plaisir sans mélange l'allègre et malicieux récit dont Ichabod Crane, anguleux instituteur et maître de chant dans la paisible communauté hollandaise du Val Dormant (Sleepy Hollow), sur les bords de l'Hudson, état de New York, est le plaisant héros. Rien de gothique dans cette histoire, où les croyances aux créatures maléfiques font partie du tissu même d'une vie au demeurant rustique et bon enfant : autour de la jolie et coquette Katrina Van Tassel, riche héritière, se joue la rivalité entre Brom Bones et Ichabod Crane, dont les noms sont si pittoresquement drôles ! (crane est la grue en anglais, et Ichabod est une sorte d'échassier humain, mais c'est aussi, à peu de chose près, le crâne (cranium). Quant à Bones... chacun en comprend le sens). Il y en a pour une demi-heure de lecture, avec le sourire.
Je crois avoir offert à mon neveu, il y a quelque temps,
Rip Van Winkle, du même, dans la belle édition illustrée par Arthur Rackham. C'est ma prochaine lecture, dès demain, I hope !


Illustration de F.O.C. Darley (1849) pour Le Magasin pittoresque (source Wikipédia)

dimanche, septembre 15 2013

Pension de famille de Margaret Durrell

J’ai trouvé « Pension de famille » - Whatever happened to Margo – de Margaret Durrell, préface affectueuse de son frère Gerald, à la bibliothèque municipale. Je ne sais plus comment j’avais récemment, en musardant sur la toile, découvert l’existence de cette branche de la saga familiale, sorte de greffe, d’excroissance anglaise au récit des années corfiotes de la famille telles que les conte Gerald. Je l’ai lu entre hier soir et ce matin, avec, je dois le dire, une déception immédiate. Margaret Durrell est un personnage certes éminemment sympathique, et le récit de ses aventures de… « logeuse » ? le terme est trop vulgaire, ne parlons pas de « tenancière »… patronne ? taulière ? curieux comme cette profession appelle des vocables douteux. Bref, suivant avec enthousiasme la suggestion faite par sa riche tante Patience (qui, sinon les Anglo-saxons, peut se prévaloir de tantes Patience ?) d’ouvrir une pension pour gens respectables, la jeune et déjà divorcée Margaret s’est lancée incontinent  dans l’aventure, laissant cependant le versant bohème de sa nature l’emporter sur le penchant à la respectabilité. Très vite, la pension se remplit de personnages interlopes et hétéroclites, sans parler des pensionnaires laissés là par Gerald au hasard de ses visites, singes ou python, ou souris blanches élevées plus ou moins officiellement par le gras et terrible Nelson, compagnon de jeux des deux garçons de Margo, Gerry et Nicholas.

Couple de musiciens de jazz, peintres figuratif ou pas, jeunes femmes canon aux mœurs plus ou moins libres, bébé braillard, variétés diverses de folles, d’escrocs ou d’excentriques, voisin(e)s venimeux ou bienveillants, rivalités sentimentales, et « mère » encore, toujours présente et attentive aux frasques de sa tribu… Il y avait là les ingrédients d’une comédie familiale et humaine endiablée. Hélas, si Margo est dotée du sens du cocasse, son récit passablement débraillé et confus manque d’un élan directeur, et surtout, du sens du rythme et du dialogue qui font des anecdotes contées par Gerald des scènes si drolatiques. 



Quoi qu’en dise la quatrième de couverture – amusante couverture chez Nil éditions – cet ouvrage n’est ni « hilarant », ni « un trésor d’humour », et il faut bien ajouter que la traduction en est une filandreuse catastrophe. Whatever happened to Margo, elle n’a ajouté aux écrits de la tribu Durrell qu’un ouvrage éminemment « dispensable ».

mardi, août 20 2013

Ma Famille et autres animaux, suite...

Un commentaire de Molène m'informait de l'impossibilité de trouver en vente cet ouvrage par moi encensé. De fait, il est épuisé chez Gallmeister, et indisponible sinon à un prix exorbitant.

Info prises auprès de l'éditeur, il est bel et bien épuisé, mais en voie de republication avec l’œuvre complète par les éditions de La Table Ronde, en 2014. Hantez les bibliothèques, en attendant, et précipitez-vous dès la parution!

J'ai découvert du coup que la sœur de Gérald et Larry, Margo Durrell, avait elle aussi écrit un bouquin Pension de famille / Whatever happened to Margo, récemment publié chez Robert Laffont (Pavillons poche 2012). En suivant le lien, on découvre la troisième laronne de la famille, célébrée pour sa joie de vivre, en anglais dans le texte^^. Elle est morte en janvier 2007.

Voilà. Il me reste à le lire. Bonnes découvertes à tous!

vendredi, août 16 2013

Aimée Bender, La Singulière tristesse du gâteau au citron

... aux éditions de l’Olivier. Très étrange roman, surprenant, où « dans l’un des nombreux centres-ville de Los Angeles », un quartier résidentiel agréable et verdoyant quoique enserré entre diverses autoroutes, vit une famille américaine apparemment normale : le père, Paul Edelstein, avocat, la mère, au foyer, Lane, et les deux enfants, Joseph et Rose, Rosie lorsqu’elle est petite. Famille apparemment normale, mais de plus en plus, comment dire ? mécanique et fantomatique au fur et à mesure que le temps passe. C’est que Joseph, enfant brillant, lointain, passionné d’astronomie et de physique, devient chaque jour plus insaisissable, plus absent au sens le plus physique du terme. Mais surtout que Rosie a eu depuis les premières pages du roman, à l’âge de 9 ans, une sorte de révélation : elle peut sentir, jusqu’à la terreur ou à la nausée, à travers les aliments qu’elle consomme, outre leur origine la plus précise, l’humeur de ceux qui les ont confectionnés. La mélancolie et le sentiment d’étouffement de sa mère, par exemple, qui va au cours des années suivantes se vouer à l’apprentissage de l’ébénisterie et à la confection de meubles. Il y a encore la grand-mère maternelle, la seule survivante des quatre ascendants. Elle habite au nord de l’état de Washington, ne se déplace jamais pour aller rendre visite aux siens, auxquels elle adresse de plus en plus fréquemment des colis remplis d’objets hétéroclites, inutiles, une tasse ébréchée, un vieux torchon orné d’un motif de roses aux couleurs réversibles destiné à Rosie qui s’en éprend incontinent, comme Joseph s’éprendra plus tard des chaises pliantes d’aluminium gris Morehead assorties à une table de jeu, qu’il emportera dans sa chambre d’étudiant.

L’histoire est contée à travers le regard de Rosie, qui en grandissant comprend de plus en plus de choses. Que chacun a un don, par exemple, dans sa famille. Un don dont on comprend bien qu’il est aussi un héritage, bien difficile à saisir, et encore plus à affronter. Certains y parviennent, d’autres non. Cela donne une étrange histoire de monde perçu à travers la cuisine et les saveurs, assorti d’un éloge paradoxal de l’insipidité de la nourriture industrielle aussi bien que de la cuisine savoureuse d’un couple de Lyonnais expatriés à L.A. Roman construit et conté avec talent, traduit avec fluidité à une ou deux réserves près, dont les personnages, dans leur perplexité si humaine, sont très attachants. Je l’ai, quant à moi, lu d’un trait, avec surprise et curiosité.

samedi, juin 1 2013

Relecture : Thomas Savage, La reine de l'Idaho

Ce n’est pas que l’on manque de livres à la maison. Ni que j’aie lu tout ce que soutiennent et recèlent dans un ordre relatif les étagères, les appuis de fenêtre, les escaliers, les diverses chambres. Ni d’ailleurs que j’aie le temps de lire, en ce moment. C’est pourquoi Aurélien en édition de la Pléiade emprunté à la bibliothèque avec son énorme notice en postface et ses kilomètres de notes (pour lesquelles je l’ai emprunté, précisément), c’est pourquoi donc Aurélien attendra des temps moins occupés. C’est pourquoi aussi sans doute j’ai attrapé hier sur le dossier du canapé La Reine de l'Idaho, récemment rendu par Odile. Si la fatigue m’a empêchée de tout lire avant de m’endormir, il y a eu aujourd’hui deux salles d’attente, et un peu de soleil…

Après relecture, et avant de rédiger cette note, je suis allée relire aussi ce que j’en avais écrit, il y a plus de cinq ans, ici même. J’y parlais d’« urgence » à lire, et à propos du Pouvoir du chien, de « gratitude ». Eh bien, tel est exactement l’effet que m’a fait cette relecture. Le bonheur de ces textes qui résistent à la redécouverte, dont la surprise se renouvelle, dont l’écriture donne un tel sentiment de justesse. D’où la question, posée aux deux libraires : pourquoi seuls trois romans parmi les treize écrits par Savage sont-ils traduits en français ? si Savage, couronné de prix aux USA –

  • Honorary M.F.A. from Colby College, 1952
  • Guggenheim Fellowship, 1979
  •  Pacific Northwest Booksellers Association Award, 1989 for The Corner of Rife and Pacific -

si Savage donc est « considéré comme un classique », pourquoi diable Belfond n’en fait-il pas traduire d’autres ? En voici la liste, pêchée sur wikipedia en anglais :

  •  The Pass (1944)
  • Lona Hanson (1948)
  • A Bargain with God (1953)
  • Trust in Chariots (1961)
  • The Power of the Dog (1967) – Le Pouvoir du Chien
  • The Liar (1969)
  • Daddy's Girl (1970)
  • A Strange God (1974)
  • Midnight Line (1976)
  • I Heard My Sister Speak My Name (1977) (now published as The Sheep Queen) – La Reine de l’Idaho
  • Her Side of It (1981)
  • For Mary with Love (1983)
  • The Corner of Rife and Pacific (1988) – Rue du Pacifique

Pourquoi encore La Reine de l’Idaho est-il épuisé, et trouvable seulement d’occasion sur un site de vente sur la toile, de 3 à 88 euros !!!!

-    Écris à Belfond, m’ont dit les libraires.

-   J’écris ici, en attendant. Lisez Savage, et faites-le connaître.

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jeudi, mai 2 2013

Back to Jack London - L'Aventureuse

J’ai adoré lire – et presque aussitôt relire, faute de munitions – L’Aventureuse de Jack London, trouvé, lui aussi, sur les étagères de ma nièce. Relire, incontinent, et avec un plaisir égal. Il y avait si longtemps que je n’avais pas remis le nez dans London, dont Croc-Blanc a été, je crois, ma première lecture de « grande ». Il y avait très peu de livres pour les enfants chez nous, et à peine ai-je su lire que je suis passée de quelques albums illustrés – une histoire de castor, une histoire de courlis et de poupée de paille - à Alice au Camp des Biches. Après la déception d’un livre sans images, le frisson de l’aventure, de l’enquête, et des mots inconnus, « masure, bicoque, avoué, course contre la montre »... J’étais ferrée. Croc-Blanc, c’était juste après, chez Hachette ‘Idéal Bibliothèque’. Un cartonnage étoilé sous la jaquette illustrée d’un attelage de chiens de traîneau, avec trappeur. Peu d’images, typographie minuscule pour une toute jeune lectrice, et je m’en souviens comme si c’était hier, les considérations sur la loi du Wild (comment lire ce mot étrange ?), très vite apprise par le louveteau : « Mange ou sois mangé ».  Ça m’avait frappée, je crois que j’y découvrais, tout simplement, la fonction éducative du roman. Et l’immensité, la variété, la diversité du monde. J’en ai lu bien d’autres, et puis, entre la 4ème et la 3ème, à la bibliothèque du lycée Montgrand, d’énormes volumes des œuvres complètes. Il m’en reste, entre autres, l’image saisissante d’un brutal marchand d’esclaves, sur les îles lointaines de l’Océanie (peut-être les îles Salomon, encore ?), littéralement écorché vif de la tête aux pieds par ses esclaves avec le gant de peau de requin abrasive qu’il utilisait pour les châtier, et s’écroulant, en plein soleil, dans le sable. Une image de la cruauté absolue. Je ne sais plus du tout quel était le titre de cette nouvelle.   

Bref, L’Aventureuse - en anglais, Adventure, ce qui met l’accent sur l’action plus que sur le personnage féminin. Car il y a deux héros dans ce roman très exotique, qui se déroule aux îles Salomon, dans les premières années du XXe siècle. Sheldon, un planteur anglais, dont on ne connaîtra pas le passé, au début du roman brûlé par la fièvre au milieu de sa plantation pleine d’ouvriers eux aussi malades, mais surtout terriblement frustes et passablement inquiétants puisque cannibales. Et puis, surgie des eaux telle une moderne Vénus, la jeune et insaisissable Joan Lackland, une Américaine rompue à tous les exercices physiques et au sens pratique ultra-développé. C’est un roman d’aventures qui, à travers ses personnages eux-mêmes, s’interroge sur l’aventure et sur le romanesque. Car  si  Joan en est grande amatrice, l’expérience de la vie aux îles va la conduire à quelques ajustements parfois douloureux, alors que Dave, qui au départ se pense un homme pratique, va se laisser gagner, troubler, séduire par le bouleversement apporté dans sa vie par cette lumineuse jeune femme.

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mardi, avril 23 2013

Rosamond Lehmann - Poussière

Le bonheur de lire les romancières anglaises. Jane Austen, les sœurs Brontë - les trois -, George Eliot (il faudra que je relise Le Moulin sur la Floss), Mary Webb, Daphné du Maurier, Elizabeth Goudge, Shirley Hazzard… Et entre hier et aujourd’hui, Rosamond Lehmann, Poussière (Dusty Answer).  Je suis sûre que ce bouquin devait être à la bibliothèque du lycée Montgrand, tant son titre accolé au nom de son autrice – le traducteur de Poussière écrit « autoresse », why not ? - m’est familier. Mais je suis sûre de ne l’avoir jamais lu, jusqu’à aujourd’hui, où je l’ai dévoré.

Il y a les cinq cousins de la maison voisine : les garçons : Julien (Julian ? most probably), Martin, Charlie et Roddy – et leur cousine Mariella, et puis l’héroïne, Judith, enfant solitaire et incertaine d’elle-même, méditative et studieuse, intensément proche de la nature aussi, de la splendeur de son jardin, dans une intimité sensuelle avec la rivière, où elle nage la nuit, l’étang, où elle patine à perdre haleine, ou les arbres, qu’elle est capable d’escalader jusqu’à leur faîte. Cette merveilleuse façon qu’ont les Anglais(e)s d’évoquer la nature, dans une langue riche, charnue, foisonnante.

« C’était un jour sans soleil. Une lumière voilée tombait sur la campagne comme à travers une vitre faiblement teintée de bleu, sous laquelle le printemps se tenait immobile, retiré, aussi fixe qu’une peinture. Le vert tendre de la prairie où ils étaient réunis s’entourait du vert ardent et doux de la petite haie ; sur cette haie, l’épine noire jetait, en larges éparpillements, son tissu de neige fragile. Au-delà du pré, une coupe de mélèzes était tout illuminée de panaches de feu vert ; et sur sa bordure, purs contre le brun-violet des tronc enchevêtrés, un ou deux arbres juvéniles déployaient leurs feuilles nouvelles, comme un vol de phalènes arrêté dans son essor. Partout régnait le vert prodigue et débordant, étouffé, accablé sous le poids de la vie, et paisible, replié sur lui-même consumant son propre cœur. Partout la floraison blanche, dans son ascension légère, se libérait de ses attaches avec la terre et son enfantement douloureux : et flottant par les airs, ne gardait qu’un secret, celui de la beauté, ignorant tout, n’exprimant rien. »

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dimanche, avril 14 2013

Jonathan Coe - La Vie très privée de Mr Sim

Si tout s'est bien passé pour lui – et n'en déplaise à son arrogant créateur - Maxwell Sim a aujourd'hui 52 ans, et j'espère que pour lui la vie s'est ouverte et apaisée. Il en avait quarante-huit en 2009, au cours de ce long hiver de dégringolade et de découvertes que conte le roman de Jonathan Coe, La Vie très privée de Mr Sim, en anglais : The Terrible Privacy of Maxwell Sim, traduit, très honorablement, par Josée Kamoun. 'Terrible intimité' qui le laisse toujours plus seul avec lui-même, jusqu'à l'habitacle de la Toyota Prius où il est découvert, dès le premier chapitre du roman – un entrefilet de presse -, quasi nu et quasi gelé, au Nord-Est de l’Écosse, à proximité d'Aberdeen.

C'est sa voix qui conte son histoire, relayée de place en place par des récits enchâssés, eux aussi majoritairement écrits à la première personne, mais pas la même. D'abord, celle de l'oncle Clive de Poppy-rencontrée-à-l'aéroport-de-Singapour, une longue lettre où est narrée l'histoire de Donald Crowhurst, le navigateur solitaire mystificateur parti en octobre 68 sur l'océan en quête de gloire, de rêve, de la racine carrée de -1, jusqu'à la folie complète.

Puis une nouvelle très autobiographique écrite – à la troisième personne cette fois - en atelier d'écriture, par Carolyn, l'ex-femme de Max : La Fosse-aux-orties, qui le renvoie nommément à un épisode indigne de son passé pas si ancien (2002 ?). A quoi fait suite le récit, sous forme d'un essai de psycho sur le viol de l'intimité, écrit par la sœur de l'un des protagonistes du récit précédent (Alyson, sœur de Chris), essai concernant à la fois Max lui-même et son père (1976/1980).

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mardi, avril 2 2013

Joe Dassin - Cadeau pour Dorothy

Goguenards, mes enfants m’ont tendu un paquet enveloppé de papier rouge. Suffisamment peu épais pour que je distingue à travers le nom de Joe Dassin. « Il est temps que tu assumes tes goûts » a été le commentaire sarcastique. Je les assume, mes goûts ! j’adore les chansons de Joe Dassin, j’en connais un paquet par cœur, et je me suis rendu compte il y a déjà quelques années, dans les bouchons de l’été méridional, au cours d’une émission à icelui vouée par France Inter, que mon goût pour ces chansonnettes allègres ou mélancoliques n’était pas seulement une sorte de complaisance d’intellectuelle, mais un plaisir réel. Elles sont fichtrement bien ficelées, paroles et musiques, et elles ont tant accompagné ma jeunesse et mes colonies de vacances que je les porte en moi. Bref.

Il s’agissait en l’occurrence d’un recueil de nouvelles, Cadeau pour Dorothy, titre posthume attribué par les éditeurs – la sœur de Joe Dassin et un sien ami, le physicien Alain Giraud – sur le modèle de Breakfast at Tiffany’s. Ce titre, qui n’est pas celui de l’une des nouvelles, est lié à la réapparition de l’une d’entre elles, offerte par le tout jeune Joe, étudiant à Ann Arbor, à sa petite amie d’alors, prénommée Dorothy. Laquelle ayant retrouvé le texte, l’a adressé via facebook à l’un des fils du chanteur. Il y a une histoire de famille d’émigrants, transposée des juifs ukrainiens aux Italiens du sud, une scène de racisme ordinaire dans une petite ville où se côtoient noirs et blancs, une variation sur Des Souris et des hommes, et une histoire méditerranéenne, le choc entre les membres d’une équipe de tournage et les autochtones, sur une île grecque, années 50. On sent dans ces textes les lectures qui les sous-tendent, un goût pour la notation réaliste, et le souci émouvant d’un travail littéraire. Mais dans l’ensemble, c’est trop long, assez verbeux, et maladroit. Bref, si ce recueil est une louable manifestation de piété sororale, la lecture en est, hélas, superflue. Revenons sans réserves aux chansonnettes dont chacune est, à sa façon, une brève histoire, bien mieux rythmée.

jeudi, février 21 2013

Shalom Auslander - La Lamentation du prépuce

Tiens, c’est bizarre, si c’est bien la cathédrale de Limoges qu’on aperçoit du quai de la gare – j’en ai un souvenir, mais c’était à pied et côté face -, ils ont dû la trouver trop sombre – ainsi était-elle dans mon souvenir – alors ils ont collé une sorte de rubixcube vertical le long de la paroi est. Le fond du chœur, quoi, qui a dû être coupé à un moment ou à un autre, parce qu’il est tout plat. Mais non, ce n’est-ce pas la cathédrale, finalement.

Quoi qu’il en soit, c’est la première chose que j’aie vue en levant le nez de mon bouquin, La Lamentation du prépuce, de Shalom Auslander, qui équivaut donc à un Paris-Limoges, 3 heures et demie, plus ou moins.

Car oui, j’ai voulu voir ce que donnait le premier livre, réputé hilarant, d’Auslander. Dans un compartiment SNCF, avec à peine un embryon de table où s’appuyer, et plus jamais les petites photos en noir et blanc accrochées qui faisaient découvrir la France.

Eh bien, La Lamentation du prépuce. J’ai bien ri - pas à gorge déployée dans mon compartiment d’ « Intercités » - mais j’ai sacrément pouffé. C’est une sorte de grand flashback de Shalom le pessimiste englué dans ses conversations avec Dieu, aux alentours – avant, après, pendant – de la naissance de son fils Pax (un Shalom laïcisé). A certains égards, ce texte a constitué pour moi une sorte de revers comique – juif, et excessif – d’Emmaüs de Baricco. Même frénésie religieuse, même angoisse de la chair, mais en pire côté juifs orthodoxes. Un univers d’interdits et de ratiocinations. De subtilités byzantines pour baliser entièrement les bizarreries du monde, par exemple dans le domaine alimentaire. Et au milieu, des enfants pleins d’obsessions et de terreurs, destinés, si tout va bien (mal ?) à perpétuer de génération en génération interdits et subtilités byzantines, au mépris de toute souplesse, de toute fantaisie, de toute bienveillance, de toute ouverture.

             Seuls remèdes, seules révoltes : l’injure / le juron, la scatologie, l’humour.

 Un petit échantillon :

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dimanche, février 17 2013

Shalom Auslander - L'espoir, cette tragédie

     Passer de Stefansson à Shalom Auslander, c’est un exercice de grand écart particulièrement acrobatique. C’est passer d’un lyrisme habité par le sens de la beauté du monde et de la dignité de l’homme à un déluge grinçant, grimaçant, fulminant, de dérision désespérée et de misanthropie radicale. Loin des vastes étendues de nature sauvage, on se retrouve dans une petite ville américaine bobo, Stockton, ville absolument sans Histoire, détail essentiel pour l’installation de Sol(omon) et Bree Kugel, accompagnés de leur fils Jonas, et, - hélas – de l’hystériquissime mère de monsieur, subclaquante mais bien vivace, et confite en déploration accréditée des malheurs du peuple juif depuis la Shoah. [Kugel, dont le Reverso m’apprend que ce terme allemand signifie « boule », « balle », « bille », ce que je n’interprète pas plus que cela, ignorante que je suis des usages de ce terme dans la langue allemande.] Ayant donc quitté New York, sa frénésie et ses miasmes pour vivre dans une fermette à la campagne une nouvelle vie rédimée, expert en bagout et slogans efficaces pour la promotion de machines à compost, Solomon, fils sans père et père éperdu d’anxiété, meuble ses insomnies à se réciter des litanies de dernières paroles célèbres, dans le souci de laisser à son propre fils des mots dignes, drôles et définitifs. Sauf que ça pue atrocement dans la fermette, où vit aussi un locataire rageur, et que les tap-tap-tap qui semblent via la tuyauterie de l’aération émaner du grenier vont amener Sol à une découverte renversante. Tout le monde l’a déjà écrit partout, je peux donc vendre la mèche : dans le grenier de cette fermette de Stockton est installée, rampante, rageuse, hideuse, hirsute, griffue, borgne, bossue, puante, tempêtante, despotique ET authentifiée d’un tatouage, Anne Frank soi-même, rescapée de Bergen-Belsen mais vouée à la mort par son éditeur pour raisons commerciales (que faire d’une Anne Frank vivante, alors que la morte est tellement « vendeuse » ? – « Restez morte » !), réfugiée de grenier en grenier de l’Europe à l’Amérique, et occupée depuis soixante ans à écrire un roman digne en termes de tirages de son Journal.

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lundi, février 11 2013

Découverte matinale

En ce petit matin enneigé, puisque de Walt Whitman il a été question hier, puisque le gamin a découvert avec passion "l’énergie pure et indomptée" de cette poésie neuve, un distique dédicatoire, traduit par Jules Laforgue.

THOU reader throbbest life and pride and love the same as I,
Therefore for thee the following chants.

TOI LECTEUR

Toi lecteur, palpitante vie et fierté et amour, tout comme moi,
Pour toi donc les chants que voici.

Je ne connaissais de Whitman que la mention du récit totalement fantaisiste – canularesque – que Cendrars aurait fait de ses funérailles à Apollinaire, il en est question dans la bio de Myriam, laquelle est restée dans ma voiture, et je renâcle à la perspective de traverser la cour tout enneigée. Later on. En tout cas, je le situais de façon tout à fait erronée au début du XXe siècle... 1819 – 1892 !

samedi, septembre 1 2012

Sweet tooth, 'Bec sucré' ? de McEwan

Sweet Tooth, le dernier McEwan, un roman d'espionnage et de littérature, vient de paraître en Angleterre. On trouve ici les liens vers les premiers articles critiques.

Et le dernier volet de la trilogie de Stefansson, c'est pour quand ????

mardi, août 7 2012

Karoo, de Steve Tesich, enfin !

« J’allume une cigarette et je remonte vers le nord. J’ai l’impression que ma barbe est comme un chien que je dois promener. Elle me précède, comme si elle connaissait le chemin jusqu’à mon appartement. »

Il y a cinq parties : New York, Los Angeles, Sotogrande, Pittsburg, Ici et là, où l’on voit que si Saul Karoo a envisagé de faire disparaître des librairies une bonne partie de la littérature y compris les écrits de voyage, son histoire n’est elle-même pas exempte d’une dimension géographique. Chacune des parties est subdivisée en un nombre inégal de chapitres, eux-mêmes subdivisés en sous-chapitres de nombre et de longueur inégaux. Les quatre premières sont écrites à la première personne. La dernière, où Saul, qui a joué à Dieu, s’efface progressivement, à la troisième personne.

Karoo est un roman absolument singulier. Comme objet d’abord, belle couverture en mince cartonnage « natural sable de 350 grammes imprimé en offset, puis méchamment frappé pour lui faire payer », comme l’indique son colophon ( ?). Où l’on voit que l’éditeur ne manque pas d’une sorte d’humour à la Vian, jusque dans les plus petits détails. Ladite couverture est sobrement et bellement illustrée d’un couple d’hommes sans tête face à face, un couple de doubles saisi en plan italien, plus ou moins, et en train d’échanger des coups (Saul et Paul, le mauvais et le bon fils dans le délire pre mortem du père Karoo). Outre le titre, le nom de l’auteur et les nom et emblème de l’éditeur : un cheval ailé pour Monsieur Toussaint Louverture, le dos porte une citation du roman sur les rapports respectifs de la vérité et du mensonge avec la condition de l’homme moderne. Si je consacre autant de temps à décrire le livre, c’est que cela fait partie du plaisir de la lecture, et que cela tranche avec une tendance actuelle de l’édition française aux couvertures les plus calamiteuses. Je projetais de mettre Karoo en regard d’Une seconde vie, de Dermot Bolger, qui dans le genre peut prétendre au prix de la couverture la plus moche et la plus hors de propos. Mais je n’ai plus d’appareil photo…

Comme texte, ensuite. Il est étrange de rester suspendu(e) aux pensées et aux aventures d’un personnage aussi absolument antipathique.

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samedi, juillet 21 2012

Jeanette Winterson - Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? est une variété de texte autobiographique complètement foutraque, irrigué par une énergie et une ardeur à vivre et à aimer d’autant plus intenses que l’auteur a connu une enfance difficile, incohérente, violente, placée sous le signe d’une mère adoptive possédée par l’Apocalypse. Il en résulte un texte absolument inclassable, protéiforme, tressant récits d’épisodes douloureux ou heureux avec des réflexions sur la vie familiale, sociale, politique, truffé d’aphorismes divers. Le texte d’une moraliste (au sens d’observatrice des mœurs) qui a dû entre autres son salut au commerce obstiné des livres dans les bibliothèques, où elle avait entrepris de lire méthodiquement « la littérature anglaise en prose de A à Z », poètes exceptés, les poètes pouvant être abordés sans passer par l’ordre alphabétique, à la suite de la découverte incidente de Meurtre dans la cathédrale de T.S. Eliot (encore, juste après Pierre Magnan, coïncidence).

J’y reviendrai quand j’aurai plus de temps, mais j’en extrais le passage ci-dessous, parce qu’il évoque selon moi une expérience humaine essentielle, et universelle.

« Plus je lisais, plus je me battais contre le présupposé selon lequel la littérature serait destinée à une minorité – instruite ou issue d’une classe particulière. J’avais moi aussi droit aux livres. Je n’oublierai pas mon excitation à la découverte du premier poème répertorié de la langue anglaise, composé par un berger de Whitby vers 680 après J.-C. (« l’hymne de Caedmon ») à l’époque où l’abbaye de la ville était dirigée par sainte Hilda.

Imaginez un peu… une femme au pouvoir et un garçon vacher illettré qui crée un poème d’une si grande beauté que les moines instruits l’ont couché sur le papier et l’ont raconté aux visiteurs et aux pèlerins.

C’est une bien belle histoire que raconte ce poème – Caedmon préfère la compagnie des arbres à celle des gens et ne connaissant ni poésie ni chanson, il retourne bien vite à ses vaches et à sa tranquillité à la fin des festivités organisées par l’abbaye où tous sont invités à chanter ou à réciter des poèmes. Mais cette nuit-là, un ange apparaît et lui demande de chanter – s’il peut chanter pour l’ange. Caedmon lui répond tristement qu’il ne connaît pas de chanson, mais l’ange lui dit de chanter quand même – de chanter la création du monde. Caedmon ouvre alors la bouche et il en sort une chanson. (allez jeter un coup d’œil à l’un des premiers récits qu’en donne Bède le vénérable dans L’Histoire ecclésiastique du peuple anglais.)

Plus je lisais, plus je me sentais liée à travers le temps à d’autres vies et éprouvais une empathie plus profonde. Je me sentais moins isolée. Je ne flottais plus sur mon petit radeau perdu dans le présent ; il existait des ponts qui menaient à la terre ferme. Oui, le passé est un autre pays, mais un pays que l’on peut visiter et dont on peut rapporter ce dont on a besoin.

La littérature est un terrain d’entente. »

 

jeudi, juin 21 2012

Anthony Trollope back ! Le Docteur Thorne

Le Docteur Thorne a été acquis par la bibliothèque municipale sans doute début mai. Le temps que je m’en aperçoive et qu’il soit enregistré – on ne peut pas réserver une ‘nouveauté’ - il était sorti ! je ne sais pas qui est mon (ma) rival(e) en Trollope à Amiens… Le fait est que ce roman ardemment attendu n’est revenu qu’à la date dite – le 15 juin ! -. Aussitôt lu, 507 pages plus les notes, terminé ce matin. C’est chez Fayard, février 2012.

Le Docteur Thorne est le troisième volume des Barchester novels, après Le Directeur et Les Tours de Barchester chroniqués autour de Noël dernier. Je m’étais arrêtée en pleins Palliser novels, mais pour l’instant pas d’Antichambres de Westminster (Phineas Redux), ni de Premier Ministre disponible à l’achat – du moins à la bibli, parce que Trollope, c’est une rente !). Retour donc dans le Barsetshire, et d’ailleurs, le duc d’Omnium fait deux brèves apparitions, et l’on aperçoit le docteur et Mrs Proudie, et la belle Eleanor devenue Mrs Arabin, à la toute fin du roman.

Il paraît que Le Docteur Thorne (1858) a été du vivant de Trollope l’un de ses plus grands succès, trente-quatre fois réimprimé entre 58 et 82, date de la mort de l’auteur. Je crois que je ne partage pas cet enthousiasme. Non que le roman m’ait déplu, puisque je l’ai lu d’une traite ou presque. Mais il me semble que Trollope n’y est pas au mieux de sa forme : le début  - la situation des familles Gresham et Thorne à la majorité de Frank, le jeune héros - est trop long, un peu filandreux, et somme toute pas très utile. On sent pointer le dénouement beaucoup trop longtemps à l’avance, sans qu’il y ait de péripétie ou de rebondissement, et surtout, et quel que soit mon goût pour la verve satirique de Trollope, il y a trop de scènes comiques en quelque sorte ‘collées’ dans le fil de l’action, et qui la ralentissent en vain. Des figures caricaturales aperçues dans d’autres romans de la série y prennent à mon avis une place excessive, sans pour autant y acquérir d’épaisseur : le docteur Fillgrave au nom si suggestif (‘Combletombe’ ?) fait sourire si on le croise au détour d’une allusion. S’il devient un personnage à part entière, et qu’on le croise à plus d’une reprise, il y a conflit entre la caricature et le personnage. D’autant qu’il est flanqué d’une cohorte de confrères aux noms tout aussi cocasses comme les docteurs Century (‘Siècle’), ou Omicron Pie.

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jeudi, avril 26 2012

Autre madeleine...

Non qu’il soit dans mes habitudes de commenter la littérature dite « jeunesse ». Mais j’ai repris hier soir avant de m’endormir sur l’étagère de ma nièce un des bouquins que j’ai lus et relus dans mon enfance : Daddy-long-legs, de Jean Webster. A l’époque, c’était dans un volume relié de toile avec la silhouette dégingandée du héros éponyme sur la couverture, et le titre en était « Papa Faucheux », car en anglais « daddy-long-legs » est le nom de cette araignée aux immenses pattes fines. Aujourd’hui, on le traduit par « Papa-longues-jambes » et j’aime moins, car on y perd l’araignée. C’est essentiellement un roman épistolaire, à tel point que j’avais oublié que le premier chapitre en était narratif. C’est pourtant dans ce premier chapitre que l’on rencontre Jerusha Abbott, l’aînée des enfants de l’orphelinat John Grier, vêtue de sa robe de guinguan à carreaux. Le guingan est devenu du vichy dans la nouvelle traduction Folio junior, je suis très déçue, même si ça ressemble, au fond. Le guinguan à carreaux fait partie de ma mythologie de lectrice.

Bref, ce roman est constitué de la correspondance à sens unique de Jérusha devenue par choix Judy, adressée à son bienfaiteur Mr John Smith, qui lui a offert d’entrer à l’Université, afin qu’elle puisse y cultiver son talent pour l’écriture. Seule condition, écrire une lettre par mois à son bienfaiteur pour lui rendre compte de ses études. Judy a beaucoup de verve et d’impertinence, et elle baptise incontinent son bienfaiteur plus qu’anonyme ‘papa Faucheux’ à cause de l’immense silhouette dégingandée qu’elle a aperçue au moment de son départ de l’orphelinat. C’est une chronique pleine d’allant de la vie d’un collège de filles aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle ou au tout début du XXe, et une très jolie histoire sentimentale. Une histoire d’émancipation par l’écriture.

Quant à Jean Webster, l’autrice, issue de trois générations de femmes militantes (pour les droits des femmes, ou des Noirs) et petite-nièce de Mark Twain dont son père fut l’éditeur avant que leurs relations ne se rompent et qu’il finisse par se suicider, elle a mené à son tour une vie engagée dans des luttes pour les femmes, les orphelins, les prisonniers, avant d’épouser en 1915 un homme divorcé, et de mourir, un an après son mariage, à la naissance de sa fille, de fièvre puerpérale. Une très belle femme, sur la photo Wikipedia. Et un roman à découvrir. Il y a une suite, d’ailleurs, Dear Ennemy, disponible ici sur le project Gutenberg.

mardi, avril 10 2012

McEwan, ça faisait longtemps

Un nouveau McEwan est sur le point de paraître, fin août, en Angleterre.  Une histoire d’espionnage, de littérature et d’amour. Sweet Tooth en est le titre. Bec Sucré ? un rapide coup d’œil au dictionnaire ne confirme pas l’existence en français de cette expression, qui pour moi va de soi. On verra bien et je ne sais pas si je vais attendre la traduction - au moins un an - quoique je ne sache pas non plus si je suis capable de lire McEwan en anglais. Wait and see, la perspective est en tout cas vivifiante.

samedi, février 25 2012

Thomas Hardy à la radio

Ce n’est pas un Gallienne du meilleur cru (la lecture est un peu précipitée, le résumé approximatif, et les épisodes pas forcément les mieux choisis), mais c’est quand même un Gallienne très honorable, et il est consacré à Thomas Hardy : Tess d’Urberville et Jude l’Obscur.

C’est le « Ça peut pas faire de mal »  de ce soir, et il doit être réécoutable un bon bout de temps.
(Le fils aîné de Jude et Sue est appelé « le petit père le Temps », je ne sais pas pourquoi il ne l’a pas dit, c’est un nom – et un personnage - si étrange !)

lundi, février 20 2012

Trollope - Phinéas Finn, et après "pouce!"

Et voilà. Troisième volume de la série des Palliser novels (seulement ?), je viens de finir Phinéas Finn, lecture volée sur quelques nuits de sommeil. Parce que c’est encore un sacré pavé. Et celui-là, carrément politique. Sur les cinq ou six années de la carrière du jeune "cygne" irlandais Phinéas Finn, il s’agit des luttes intestines entre les whigs et les tories (depuis que je lis Trollope, je SAIS que ce sont les tories les conservateurs, et non les whigs, malgré leur nom de perruques. Je sais aussi que les whigs en question sont une frange de l’aristocratie tout ce qu’il y a de plus aristocratique - leur plus illustre représentant est Plantagenêt Palliser -, et que ces distinctions n’ont donc rien à voir avec une quelconque perspective fût-ce sub-marxiste de la vie sociale. Comme quoi, il aurait suffi lorsque je faisais mes études, il y a bien longtemps, de quelques extraits judicieusement choisis pour lever toute ambiguïté. De l’utilité de la littérature romanesque. Mais quel élève aujourd’hui apprend quoi que ce soit des spécificités de la culture du pays dont il apprend la langue ? Plutôt le ressassement inlassable et épuisant des similitudes les plus triviales du comportement adolescent, et des tartes à la crème idéologiques du moment : développement durable, racisme, violence, traitées sur le mode le plus creux, le moins historique et le plus consensuel possible. Mais je m’égare.)

Phinéas donc. Arrivé à Londres pour y poursuivre son droit chez Mr et Mrs Low, des gens pleins de bon sens, tories au demeurant, qui l’accueillent sinon comme un fils, du moins comme un très cher neveu, et ne voient pas du tout d’un bon œil qu’il soit en son jeune âge entraîné dans le tourbillon de la vie politique. Le voici, avec une veine insolente, élu député de son coin d’Irlande quasi sans coup férir ni débourser grand-chose, grâce au soutien inespéré du lord local, patient de Mr Finn père, un médecin de famille en charge, outre son cygne de fils, de sept filles, dont la jeune Barbara – la seule, en tant qu’amie de la douce Mary Flood-Jones, à émerger comme individu(e) de la masse bourdonnante des femmes Finn.

Phinéas est grand et beau. Un jeune homme brun aux yeux bleus de six pieds de haut ; il a de l’aisance et de l’éducation, et le souci de se comporter en gentleman. Il a surtout une sorte de souplesse humaine sans aspérités qui le fait s’adapter aux êtres et aux situations avec une bonne grâce presque inaltérable, quelles que soient les circonstances.

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dimanche, janvier 22 2012

Trollope - Les Diamants Eustace

      Voilà mon huitième Trollope éclusé : 796 pages, cette fois. Ce sont Les Diamants Eustace, qui sont bel et bien les très volatils héros du roman, tombés entre les petites mains rapaces de Lady Eustace, née Elizabeth Greystock, Lizzie pour les intimes. Délicate et ravissante orpheline d’un amiral insolvable, sorte d’Emma Bovary à la mémoire farcie de poésie romantique – et Trollope a des accents à la Marcel Aymé  dans Le Confort Intellectuel pour évoquer les brumeuses envolées à la Byron ou à la Shelley – Lizzie a ferré et très vite expédié ad patres son aristocratique premier époux, Sir Florian Eustace, qui, quoique mort désabusé, a légué à sa veuve l’usufruit d’un château écossais avec toutes ses terres, et une coquette rente. Mais lui a-t-il donné ou non une parure de diamants de famille d’une valeur de dix mille livres, et avait-il le droit de le faire ? Le lecteur sait bien, dès le début, puisque le romancier joue avec lui cartes sur tables, que Lizzie s’est emparé de ces diamants, et que, « biens meubles ou non », elle usera de tous les mensonges pour ne pas les restituer à l’honorable et sourcilleux Mr Camperdown, avoué de la famille Eustace, et très soucieux des intérêts d’icelle.

       L’intrigue repose donc à la fois sur une minutieuse étude de cas juridique – la qualité ou non de « biens meubles » des diamants, et les conséquences sur leur éventuelle restitution - et sur une non moins minutieuse étude psychologique : celle des tortueux méandres de l’intelligence, du sentiment, de la morale ? d’une moderne Célimène, en pire. Car en vérité, la jeune Lady Lizzie Eustace est totalement dénuée du moindre sens moral. Habitée par une passion de vivre et de résister à l’adversité qui la submerge, et qui est en elle la seule force authentique, elle ne cesse au fil du roman de mentir, y compris à elle-même, et de réécrire sans cesse, à s’en étourdir, le roman de sa vie. Autour d’elle, de « ses » diamants, de sa rente, gravitent de nombreux personnages, de l’attachante et sincère Lucy Morris à la très cassante – et moustachue - Lady Linlithgowe, en passant par la toute bonne Lady Fawn entourée de ses sept filles à marier, de deux aventurières, Mrs Carbuncle (‘Escarboucle’, variété de pierre précieuse d’un rouge sombre, considérée comme maléfique, mais aussi, en anglais, ‘furoncle’ !!) et sa nièce la hautaine, glaciale Lucinda Roanoke emplie de fureur. Et encore la très huppée lady Glencora Palliser et son cercle, laquelle assure le lien avec le cycle romanesque auquel appartiennent Les Diamants Eustace, les Palliser novels, dont Glencora est l’une des héroïnes (et en vérité j’ai un peu de mal à comprendre dans quel ordre il convient de lire ces romans, le site Trollope n’est pas très clair à ce sujet). Mais surtout, Lizzie est entourée d’une guirlande de soupirants plus ou moins officiels : le maussade Lord Fawn, frère des sept filles à marier, le cousin versatile de Lizzie, Frank Greystock, le ténébreux Lord Georges de Bruce Carruthers – est-il le « Corsaire » dont elle a toujours rêvé ? -, l’éloquent révérend Emilius aux incertaines origines…. Personnages récurrents (on n’en a pas fini avec Lizzie à la fin du roman, quoiqu’elle y ait fait une fin), vaste fresque de la société victorienne, étude scrupuleuse des mécanismes politiques, juridiques, financiers… l’hommage à Balzac devient à chaque lecture plus patent. J’ai d’ailleurs trouvé sur la toile la citation suivante extraite d’une biographie du romancier par John Hall (Oxford 1993) : « Trollope a un jour salué Balzac comme “l’homme qui a inventé le genre de fiction dans lequel j’ai essayé d’inscrire mon oeuvre ” ».

Il y a deux scènes de chasse à courre en Ecosse particulièrement réussies - et Lizzie n’a-telle pas quelque chose du renard que l’on traque ? - des scènes de voyage, d’auberges, de réunions mondaines, de vie familiale, des domestiques, des détectives et des policemen. Et des déclarations d’amour et de rupture verbales ou écrites à foison, de quoi constituer les prémices d’un guide du savoir-dire et écrire dans de telles situations. Il y a, aussi, une réflexion sur la littérature : celle qui égare - les divagations et autres frénésies romantiques dont se repaît Lizzie - celle qui guide et qui oriente, et qu’offre Trollope à son lecteur – sa lectrice – averti (e). Laquelle n’est pas encore lasse de ses quatre mois et quelque 3000 pages avalées, puisqu’elle n’a qu’une envie : lire la suite, à moins que ce ne soit le début ?

Au prochain volume, donc ! dans l’espoir que mon opiniâtre labourage du champ trollopéen fasse des émules…

mardi, janvier 17 2012

Euh.... Trollope, encore ! La Vendée (dans le texte)

J’ai eu du mal à venir à bout de La Vendée (titre anglais, l’article a sauté en français, pourquoi ?), premier (seul ?) roman historique, et troisième opus de Trollope, alors âgé de 35 ans. C’est un terrible pavé (577 pages grand format), que des lectures nocturnes ne m’ont pas permis de mener à bien rapidement. Et puis, ce n’est certes pas un chef-d’œuvre, comme le reconnaît avec esprit son auteur dans son Autobiographie :

« L'histoire est certainement inférieure à celles qui ont été publiées auparavant [les Macdermots de Ballycloran (1847) et Les Kellys et les O'Kellys (1848)] - principalement parce que je ne connaissais... en vérité, rien de la vie en pays vendéen et aussi parce que mes talents de conteur sont plus accordés avec les faits du présent qu’avec ceux du passé .... La  conception des sentiments des gens est, me semble-t-il, juste. Les personnages sont bien individualisés. Et l’histoire n’est pas ennuyeuse. Pour autant que je me souvienne, ce morceau de critique est le seul qui ait jamais été écrit sur ce livre. »

L’action commence en 1793. Il s’agit, sur fond de mort de Louis XVI, de l’évocation des premières guerres de Vendée, autour des personnages tout à fait historiques d’Henri de la Rochejacquelein, de Charles (en réalité Louis-Marie) de Lescure, et de Cathelineau, tous trois généraux en chef de l’armée vendéenne. Les deux premiers étaient cousins, et aristocrates, le troisième un jeune roturier au charisme puissant. Surnommé le Saint de l’Anjou à cause de sa grande piété, il fait pendant au Saint du Poitou, Charles de Lescure. Dans une brève préface, Trollope cite la source de son inspiration : les « délicieux Mémoires de Mme de la Rochejacquelein », épouse dans le roman – comme dans l’Histoire – de Charles de Lescure.

C’est un drôle de bouquin. Plein d’aventures, de batailles, d’héroïsme et de piété, dont les aristocratiques protagonistes sont tout auréolés de perfections diverses, physiques et morales. Malgré la multitude des morts et des blessés, on y respire souvent un air un peu trop pur, en particulier dans le voisinage d’Agathe de La Rochejacquelein, sœur fictive du jeune et héroïque Henri (qui fut en effet généralissime des armées vendéennes, stratège génial, et mourut à 21 ans !), jeune fille au teint d’albâtre dont la douceur, la piété et la fermeté ont parfois quelque chose d’un peu minéral…

Henri de La Rochejacquelein par le baron Guérin sur Wikipedia

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mardi, janvier 3 2012

Trollope, pour ouvrir l'année : Le Directeur

Une pile de Trollope, ce n'est pas de la rigolade, comme on peut voir... (désolée pour les reflets). C'est celle qui m'attend!

J’ai donc entrepris, et achevé, le plus mince des cinq Trollope empruntés à la bibliothèque : Le Directeur, The Tenant en anglais, que l’on trouve aussi traduit sous le titre La Sinécure. Très médiocrement traduit, au demeurant, chez Aubier, 1992. Avec des passages d’assez bonne venue, mais une copieuse  moisson de fautes de langue et de coquilles de tout poil. C’est le premier volume des Chroniques du Barsetshire, celui qui précède Les Tours de Barchester évoquées ci-dessous. Et c’est donc le récit des malheurs et misères de Mr Harding le doux violoncelliste, maître de chapelle de la cathédrale de Barchester, et, après dix années d’exercice, directeur désormais contesté de la maison de retraite Hiram, fondation de bienfaisance remontant au XVe siècle, et destinée à des ouvriers de Barchester devenus invalides ou nécessiteux.

Contesté par John Bold, jeune et brillant médecin généraliste installé depuis quelque temps dans la ville  et tôt reconverti dans le donquichottisme social. Porté par la vague de mise en cause de l’église anglaise qui fait florès à l’époque sous l’influence des idées libérales, John  Bold ne s’est pas aperçu que le  pavé qu’il lançait dans la mare locale au sujet des revenus excessifs ou prétendus tels du directeur de l’hospice – un ami de sa famille au demeurant – risquaient de mettre en péril ses propres tendres sentiments pour la jeune et charmante fille cadette du Directeur (avec majuscule car tel est le titre sous lequel tous le désignent), Eléanor. Mes lecteurs savent donc déjà, et je sais aussi, pour avoir lu le tome II, qu’Eléanor deviendra Mrs Bold, et bientôt veuve, puisque nous l’avons trouvée telle au début des Tours de Barchester. Je ne suis pas sûre que Trollope ne se soit pas ainsi débarrassé d’un personnage plus utile que véritablement intéressant.

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mardi, décembre 27 2011

Trollope - les Tours de Barchester

Les 700 et quelques pages des Tours de Barchester d’Anthony Trollope racontent en détail toutes les petites intrigues et manigances mises en œuvre autour de la nomination d’un nouvel évêque dans cette paisible cité épiscopale et néanmoins fictive du sud de l’Angleterre, puis, à la suite de la nomination de Mgr Proudie (ou plutôt de sa femme, car la digne dame porte la culotte dans le couple et son pouvoir d’agir sur les décisions de son mari est immense !) sur les menées et autres manœuvres souterraines pour l’attribution des postes de directeur de la maison de retraite et de doyen (le décanat ?). Pas grand-chose de très séduisant, si l’on s’en tient à un tel résumé. Mais c’est un Trollope, et Trollope sait donner à la vie la plus provinciale des couleurs et une vivacité incomparables.

C’est donc encore une très plaisante comédie qui se développe, pli après pli, sous les yeux du lecteur. L’intrigue s’organise autour de la figure pateline et cauteleuse de Mr Obadiah Slope, chapelain privé du nouvel évêque et éminence grise de madame, avant que leurs relations ne se dégradent jusqu’à la guerre ouverte. Comme le nouvel évêque, Mr Obadiah Slope est un évangéliste, variété d’ecclésiastiques de la Basse Eglise fort peu goûtée par Trollope, et brocardée à tout va au fil de ses différents romans. C’est, dans celui-ci, une incarnation explicite de Tartuffe, dont il partage, outre l’ambition sociale, les très charnels désirs. Or Mrs Eleanor Bold, jeune mère veuve d’un adorable Johnny, Mrs Eleanor Bold est si désirable lorsqu’on la surprend échevelée en plein « office d’adoration du bébé » que la nature tortueuse et calculatrice de Mr Slope se laisse malgré lui entraîner à des rêveries et à des projets imprévus. Et comment garder la tête froide quand le révérend Stanhope, quittant la douceur de l’Italie où il s’était installé, rejoint Barchester avec ses étranges enfants, parmi lesquels l’ensorcelante, quoique infirme, Mrs Madeline Vesey Neroni ? Voilà Slope en proie à deux intrigues sentimentales, et en butte à la haine déclarée de son ex-protectrice, la terrible Mrs Proudie. Mrs Bold est en outre la fille de Septimus Harding, le vieux musicien paisible autour duquel tournait l’intrigue du Directeur, le précédent volume de la série des Chroniques du Barsetshire, dont ce roman est le second épisode. C’était déjà, dans ce premier opus que je n’ai pas encore lu, le poste de directeur de la maison de retraite (douze pensionnaires) qui avait suscité toutes sortes d’intrigues, et la démission de Mr Harding. Comment ne pas embrouiller mon lecteur, ni lui en dire trop, sans avoir évoqué pourtant en son presbytère de Plumstead (Pruneraie ?) la famille Grantly, dominée par Mr, fils évincé du défunt évêque, et beau-frère fort offusqué de Mrs Bold qu’il soupçonne d’inavouables intrigues sentimentales ? ni la famille Quiverful (Trembleur ?) de Puddingdale (la puddinguerie ?) qui aspire si ardemment à la direction de la maison de retraite, pour pouvoir nourrir et vêtir décemment ses sept enfants ? ni enfin le docte et chaste Mr Arabin venu d’Oxford pour affronter Slope, et éphémère occupant de la cure d’Ullathorne sous la tutelle attentive de l’inénarrable vieille Miss Thorne, vierge et romanesque, et de son frère ? je n’ai plus le volume sous la main pour retrouver qui affirme dans la postface qu’il n’y a pas d’érotisme dans cette très victorienne littérature. Je suis bien sûre du contraire : la scène où Slope surprend Mrs Bold en pleine bêtification débridée avec son bébé est au contraire un moment intensément suggestif et particulièrement réussi. Quant aux moyens de pression… nocturnes de Mrs.sur Mr. Proudie, quels peuvent-ils bien être ? Ils sont en tout cas  redoutables.

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