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samedi, octobre 11 2014

Pride, without prejudice

On commence à sourire dès les premières images, lorsque Mark, saisi d’une brusque inspiration en regardant les infos, quitte son appart un seau à la main, en quête d’autres seaux – what for ? – et qu’il rive son clou avec esprit et désinvolture au vieux… compère ? - quel est le masculin de commère ? - qui, penché à sa fenêtre, s’en prend à ses mœurs sexuelles. C’est un jour de gay pride, 1984. Et les 20 ans de Joe, le blondinet bien propre sur lui, qui au sortir du métro se trouve enrôlé sans le vouloir comme porteur de banderole. Avec lequel le spectateur se trouve, lui aussi, embarqué dans cette histoire de gays, puisque tel est le terme, décidés à apporter leur soutien à la grève des mineurs de 84-85, sous le « règne » de Thatcher.

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Ce film est d’un entrain irrésistible. D’une drôlerie profonde, jamais lourde, toujours spirituelle. C’est une histoire de fraternité humaine sans une ombre de mièvrerie, d’où irradie à chaque image – belle image, paysages et gens sont filmés avec amour – une joyeuse énergie. Les femmes y sont merveilleuses, aussi bien Steph la lesbienne à la crête carotte  (« I am the L in LGSM[1] ») que les meneuses du club des mineurs gallois en grève, Siân, Hefina et Gwen. Il y a dans ce film inspiré par des faits bien réels un tel élan de vie que, toute réticence remisée, on rit à pleine gorge (on rit « avec », et non pas contre !), on se laisse parfois submerger par l’émotion, en particulier dans la scène magnifique – bande-son peut-être un poil tonitruante – où la communauté des mineurs en grève chante en chœur « Bread and roses ». La catharsis par le rire joue à plein dans cette comédie au meilleur sens du terme, qui interroge notre rapport au monde, aux autres, à la politique et à la morale, à la sexualité évidemment, sans une once de militantisme. Les femmes galloises ont une telle santé bienveillante, une telle inventivité malicieuse que c’est sans doute cela le plus étrange du film (le plus queer, puisque le film a reçu la Queer Palm à Cannes), le meilleur signe, envers et contre tout, de l’échec de Thatcher, du fait qu’elle n’a – malgré les désastres sociaux qu’elle a engendrés – pas réussi à réduire, à uniformiser ni à asservir les gens.

Pourquoi les Anglais ont-ils un talent si singulier pour les comédies sociales ? Les acteurs – il y a une bonne douzaine de rôles principaux, et sans doute n’est-ce pas étranger à l’énergie communicative du film, cet esprit d’équipe, sans star – sont tous magnifiques. Citons, parce qu’ils sont tout jeunes, Ben Schnetzer, qui incarne Mark avec une présence rayonnante, tout comme Faye Marsay incarne Steph. Et puis le timide Joe, que l’aventure révèle à lui-même. Mais je pourrais aussi bien citer le casting complet, avec ses stars, Bill Nighy ou Dominic West, sans oublier la bande son, qui donne une terrible envie de chanter – et de danser.

Et les seaux, dites-vous ? Pourquoi les seaux ? Courez-y, et vous saurez.

Pride de Matthew Warchus, scénario de Stephen Beresford, musique de Christopher Nightingale (2014).

Une interview du scénariste et du réalisateur ici.



[1] Lesbians and Gays Support the Miners

samedi, septembre 21 2013

More Lubitsch

Depuis j’ai vu deux autres Lubitsch : Le Ciel peut attendre (1943), avec Don Ameche et Gene Tierney, et One Hour with you, avec Jeanette MacDonald et Maurice Chevalier, film réalisé en collaboration avec Cukor, qui se serait très mal entendu avec l’acteur français (1932). Le second, c’est-à-dire le premier dans le temps, en noir et blanc, est, sinon une comédie musicale, du moins une comédie avec pauses chantées.

Eh bien, ce sont des films très enlevés, réalisés au petit poil, mais les personnages masculins sont si falots, si veules, malgré leur passion, dans un cas des femmes, dans le second de sa femme, et les femmes si dépendantes (quoique Gene Tierney, malgré des robes atrocement monochromes et surchargées de dentelles et autres froufrous, et une coiffure ahurissante, soit particulièrement chic à tous les sens du terme) que je n’ai pas adopté l’histoire, comme j’avais pu le faire pour Sérénade à trois. Il y a dans ces films du rythme, de l’esprit, une science vaudevillesque, mais elle se borne à répéter une sorte d’immoralité sociale figée depuis le XIXe, réduisant à une mécanique somme toute désuète et peu engageante les histoires de trios qu’elle met en scène.

Une raison majeure sans doute à cette différence de ton, et de philosophie : les scénarios des deux films que je viens d’évoquer sont de Samson Raphaelson – un scénariste d’une longévité extrême, mort à 99 ans ! - alors que celui de Sérénade à trois est de Coward, habité, semble-t-il, par un mordant bien plus acerbe que son collègue new-yorkais. Il n’empêche, ce Raphaelson devait être un type cultivé et amateur de littérature française. L’épouse d’André Bertier-Maurice Chevalier se nomme Colette, et sa garce de « very best friend » Mitzi. Cela évoque furieusement le personnage scandaleux de Colette et sa longue liaison avec la baronne Mathilde de Morny, dite Missy. Il y a aussi une scène presque inutile et très amusante où le « meilleur ami » d’André, Adolphe, amoureux de Colette, s’aperçoit que le bal auquel il est invité N’EST PAS un bal masqué et qu’il doit donc se dépouiller de sa tenue de Roméo. Interpellé avec hargne à ce sujet, le maître d’hôtel auteur du canular s’incline suavement en disant « Le collant va si bien à Monsieur ». Il s’appelle… Marcel.^^

Voilà. J’ai raté me dit-on un Billy Wilder merveilleux de légèreté, passé dimanche sur Arte, Ariane (Love in the afternoon, 1957), avec Gary Cooper, Audrey Hepburn et Maurice Chevalier, excusez du peu ! Wilder est un digne héritier de la « Lubitsch touch ». Je vais me mettre en quête, et vive la comédie !.

 

mercredi, septembre 18 2013

Ernst Lubitsch - Sérénade à trois... une idée de la grâce

Regarder Sérénade à trois de Lubitsch, emprunté presque par inadvertance à la médiathèque, un soir de mélancolie, où le soleil picard, selon son habitude, se lève pour une petite heure vers 7h du soir… soleil dehors, donc, lumière chaude sur les arbres jaunissants, et sur l’écran, en noir et blanc, le rythme, la légèreté, le charme d’une comédie qui très vite, fait sourire de bonheur. Je n’avais, je crois, jamais vu Miriam Hopkins, ingénue libertine émouvante de naturel, de grâce, d’une sorte de saisissante aisance physique, une manière d’habiter son corps délié sans la moindre afféterie, d’adresser son sourire lumineux à faire fondre de reconnaissance. Aussi les deux inséparables amis que sont George (Gary Cooper) et Tom (Fredric March), artistes dans la dèche (un peintre, un dramaturge), tombent-ils sous le charme dès leur rencontre – ensommeillée -  dans un wagon de troisième classe entre Marseille et Paris. Inspiratrice, pomme de discorde, impresario improvisée non moins que sourcilleuse de la carrière de l’un comme de l’autre, Gilda Farrell s’installe et les installe dans un trio amoureux parfaitement licencieux qui, malgré les tribulations inhérentes à ce genre de situation, apparaît comme la seule issue possible, et, presque, morale. Il y a aussi le sentencieux  et bien-pensant Mr Plumket, homme d’affaire américain qui se voudrait le protecteur, le  mentor de Gilda, à défaut de mieux… il y a des dialogues en français avec un accent irrésistible, des gamins de Paris, des logeuses et des cabaretières, et cette histoire, libertine au meilleur et au plus libre sens du terme, entre trois « hooligans » (voyous), selon les critères et les termes de Mr Plumket, et qui se réclament comme tels. C’est encore, comme Easy Virtue, un film adapté d’une pièce de Noël Coward, où une immoralité spirituelle, élégante, insoucieuse du qu’en dira-t-on apparaît en somme comme la seule attitude possible face aux embûches et aux difficultés de la vie et de l’amour, un art de vivre. Une histoire, sans flonflons ni discours, de femme et d’hommes profondément libres.
Juste une question : comment comprendre – au-delà de la simple évidence, Gilda fait du dessin publicitaire -  le titre anglais, Design for living ?

mardi, février 19 2013

Philippe Le Guay - Alceste à bicyclette

Ça y est.  Je suis allée voir Alceste à bicyclette, au MK2 Bastille, une petite salle avec sortie sur la rue, on ne voit plus ça, en province... Il y a eu une avalanche de bandes-annonces, telle qu’on en perd aussitôt le souvenir et le désir de voir les films. Mais pas de pubs. La salle était modérément occupée, avec à l’ouest des rangées centrales une femme qui, au cours de la projection, protestait bruyamment à chaque éclat de rire !!! – C’est une comédie, madame...

Je me suis régalée pendant les 8/10èmes du film. Les visages et les silhouettes des deux acteurs, puis de l’actrice sont filmés avec amour, et même le petit rôle de Zoé, la jeune actrice de porno, est transfiguré par sa lecture, d’abord hésitante, puis affermie, du texte de Molière.

Mais la jubilation vient du texte. Le Misanthrope, acte I, scène 1, dit, répété, modulé, ressassé, distillé, sur tous les tons, dans toutes les postures, dedans, dehors, sur fond de planches bleu délavé ou de vieux murs, de jardin ou de plage, à pied ou à bicyclette.... une incantation du texte, qui court dans les veines jusqu’à l’enchantement, celui des comédiens, celui du spectateur. La danse des alexandrins, l’allégresse de la misanthropie.

Gauthier Valence (Lambert Wilson), à la télévision le docteur Morange (!) est venu débusquer de sa retraite de l’île de Ré son ami Serge Tanneur, comédien en rupture de ban, retiré dans la vieille maison léguée par son oncle, où refoule une fosse septique défaillante. Un misanthrope déjà retiré en son désert, où pour meubler sa solitude, il peignotte des culs et des cuisses de femmes en noir et blanc, mi-B.D., mi-croûtes. Mais un furieux de Molière, imbibé de Jouvet, qui va pousser son alter ego à distiller comme lui l’alexandrin en des duos toujours plus fluides, plus ardents, plus virtuoses. C’est une ivresse de Molière, communicative, électrisante, au milieu de laquelle vient se prendre Francesca, une belle Italienne en rupture de mariage.

L’entrain, la légèreté comique, et surtout une forme de fraternité par le dire du texte – car le défi est, non seulement que Serge revienne à la scène, mais que les deux comédiens alternent les deux rôles principaux comme ils le font à pile ou face à chaque nouvelle répétition – l’entrain donc, la légèreté et la fraternité vont croissant tandis que se lève sur les paysages lumineux de l’île un printemps qui libère les corps, les cœurs et les sourires.

C’est pourquoi je suis tellement déçue par la chute du film, car c’en est une, brutale. Lucchini y reprend le rôle – le cabotinage, avec ce sourire de requin – non plus d’Alceste, ni même d’un Serge misanthrope, mais de lui-même. Et sa victoire finale, au désert, sur la plage solitaire, est pour moi une défaite. Car tout se passe comme s’il dérobait à un Lambert Wilson lui aussi toujours plus habité, plus animé par le texte, le pouvoir de le transmettre. Comme si la rupture d’amitié-par-le-texte que cette joute d’egos devenue duo avait construite, avait coupé au second comédien l’herbe sous le pied. Ce Serge-Alceste-Fabrice final est fat et mesquin. Il n’est pas blessé, il blesse. Nulle élégance en lui, nulle fragilité, mais un grincement péremptoire que soulignent les aigus criards de la voix de Lucchini. Jouvet n’avait pas joué Alceste par passion du rôle. Lucchini le refuse, se le refuse, nous le refuse par vanité. Il répudie le théâtre au profit de la vie en ce qu’elle a de plus étriqué, éteint l’émulation jubilatoire qu’il avait lui-même suscitée. Et l’on se dit que Lambert Wilson, qui semble souvent gêné aux entournures par la place qui lui est faite - ou non - dans le film, a donné ici au réalisateur et au comédien et co-scénariste une sacrée preuve d’amitié et de modestie. Car c’est là que le bât blesse. Si le film est né d’une idée de Lucchini, Philippe Le Guay n’a pas su in fine y imposer sa propre marque. Le Misanthrope quintessencié qu’il avait fait naître, ce film à la gloire d’un théâtre échappé de la scène pour s’ébrouer sur les routes et le ciel, accompagné par  les notes alertes de la chanson de Pierre Barouh, ce Misanthrope comique au sens le plus noble du terme s’effondre, réduit au silence, dans le dernier quart d'heure du film, d’Alceste devenu histrion.

mercredi, octobre 31 2012

Molière - Le Bourgeois Gentilhomme, mis en scène par Denis Podalydès à la MCA

La semaine écoulée a été particulièrement endiablée. Le Bourgeois gentilhomme, mardi soir, mis en scène par Denis Podalydès à la Maison de la Culture d’Amiens, jeudi, balade à Beauvais pour les Photaumnales, et le soir, Que ma joie demeure, ou Bach selon Alexandre Astier, à l’espace Jean Legendre de Compiègne.

Le Bourgeois d’abord. Quel bonheur de voir Molière en costumes, Molière où l’on rit aux éclats, non pas des excroissances greffées par tel ou tel metteur en scène enragé à imposer au spectateur SA lecture de la pièce, mais de l’énergie d’une langue inventive, d’un regard acéré sur les « vices du temps », mis en œuvre par le jeu débridé de comédiens en pleine possession de leur métier. Que j’étais heureuse de voir mes élèves rire sans retenue, d’entendre la salle se gondoler aux balourdises de monsieur Jourdain postillonnant ses syllabes, « Daaa, da, Faaa, fa », découvrant éperdu la différence entre la prose et les vers, ou bondissant avec une grâce éléphantesque aux assauts du maître d’armes. Pascal Rénéric. J’ignorais tout de ce comédien qui allie avec brio lourdeurs ou boursouflure et la joie naïve de découvrir les beautés de l’Art et de la science.
Il y a de magnifiques costumes chatoyants et baroques de Christian Lacroix, des perruques à tout casser, un beau décor en étage à échelles et à rideaux, la musique de Lully par l’ensemble baroque de Limoges et Christophe Coin sur scène, et encore les chorégraphies sinueuses de Kaori Ito, qui gagnent jusqu’à la charmante scène de dépit amoureux qui oppose Cléonte et Lucile, auxquels font écho Covielle et Nicole.
J’ai regretté comme une baisse de folie au moment crucial de la turquerie qui voit l’adoubement de monsieur Jourdain en grand Mamamouchi. Le clin d’œil à Starwars était amusant, mais pourquoi si peu de costume justement à ce moment pour un Jourdain quasi en chemise ? regretté aussi à la fin le retour d’une musique trop bellement interprétée au détriment d’un rythme, d’une apothéose plus délirants. Regretté enfin les voix trop faibles – mal réglées sur les autres – des deux jeunes premiers, Cléonte et Lucile. Mais c’étaient des défauts véniels. Le spectacle, enlevé, chaleureux, jubilatoire nous a laissés hilares, béats, bienheureux, bien au-delà du bus du retour.

vendredi, juin 29 2012

Ken Loach, The Angels' share


Allez voir La Part des Anges ! C’est un film aussi savoureux que l’excellentissime whisky qui détend les visages et allume les regards, et devient l’enjeu de la réhabilitation sociale de Robbie, le jeune délinquant balafré au visage en lame de couteau et au regard d'un bleu si profond. C’est, en plus ancré socialement sans doute, et dans une réalité encore plus brutale et chaotique, un pur Westlake. Les dialogues sont enlevés, quoique littéralement criblés de « fucking », avec un accent et une diction qui donnent le sentiment d’entendre parler un dialecte d’Océanie ou de qui sait quelle contrée exotique. La bande de bras cassés dont Ken Loach a fait ses héros m’évoque irrésistiblement Dortmunder, ses plans, ses complices, sa poisse….

 La Part des Anges  est une comédie au meilleur sens du terme, rythmée, cocasse, inventive, et qui, au détour d’une réplique ou d’une mimique, en dit bien plus long sur la confusion de certaines vies que bien des films à message. Après l’excentricité gentiment ennuyeuse (défaut de rythme !!!) d’Adieu Berthe,  ce film-ci conte sur un mode fort peu orthodoxe le retour à l’humanité d’un voyou. Une histoire tout sauf bien pensante. Parfaitement anar’, en fait.

mardi, mai 29 2012

Pause ciné : Un mariage de rêve

Easy Virtue (Un mariage de rêve), directed by Stephan Eliott. Un monument de délectation perfide. Avec deux monstres sacrés, Colin Firth, le père, sombre, désabusé, sardonique, intérieurement détruit par les séquelles morales de la guerre de 14, et Kristin Scott Thomas, la mère, amère, blessée, tyrannique, fielleuse, dressée dans l’obsession de perpétuer la propriété familiale, contre vents et marées. Je ne connaissais pas les deux jeunes gens : Jessica Biel, radieuse, provocatrice, voluptueuse, et Ben Barnes, charmant et attendrissant, naïf, un peu désarmé, dans les rôles de Larita et John Whittaker, les jeunes mariés. Ces deux-là se sont rencontrés au Grand Prix de Monte Carlo, dont Larita aurait été déclarée vainqueur (- queuse ? –crice ? – queure ? Aargh !) si elle n’avait pas été une femme. L’accueil fait à l’aventurière dévoyeuse de fils de famille dans la demeure familiale est glacial, à tous les sens du terme. Outre madame mère, flanquée de Poppy, sa chihuahua teigneuse, il y a les deux sœurs de John, (alias Panda^^), Hilda et Marion, toutes deux sérieusement menacées de devenir vieilles filles. Il y a aussi Sarah, fille du lord et ami voisin, qui aima John et lui était tacitement promise. Très classe, quant à elle. Et puis Furber, l’inénarrable ‘butler’.

Le réalisateur est canadien*, mais le film terriblement anglais. C’est une adaptation récente d’une pièce de Noël Coward datant de 1924, qu’Hitchcock avait déjà transposée à l’écran en 1928, un film muet.

Dans cette version-ci tout sauf muette, les dialogues sont éblouissants et il y a aussi beaucoup de musique, dès le sirupeux générique de début sur fond de soleil couchant dégoulinant. Très dansante - et très dansée, entre rocks et tango - elle est au petit poil, et certains des airs sont interprétés par les acteurs eux-mêmes.  « Let’s misbehave », «Conduisons-nous mal» ou  «Soyons inconvenants !», telle pourrait bien être la devise de ce film allègrement – et pourtant mélancoliquement – immoral.

NB : Surtout ne pas regarder la bande-annonce. C'est une vérole, elle contient, comme toujours, les meilleurs moments du film, et surtout ses surprises ! Haro sur les bandes-annonce, qui sont au film ce que sont désormais les quatrièmes de couv' aux livres, pour le plus grand désespoir de l'amateur.

* Non, Australien.

samedi, février 25 2012

'A funny thing', unfortunately unknown

Qui connaît même le titre (consternant en français, et qui fait craindre le pire) du film de Richard Lester, Le Forum en folie ? un film de 1966, d’inspiration latine comme le suggère le titre. Je l’ai quant à moi découvert – MERCI à eux ! - grâce aux élèves et anciens élèves de la rue d’Ulm fondateurs des Journées ‘Découverte de l’Antiquité’ à destination des collégiens et des lycéens. Il s’agit de la version filmique d’une comédie musicale jouée à Broadway en 1962, A Funny Thing Happened on the Way to the Forum, combinaison particulièrement réussie de trois (au moins !) pièces de Plaute soi-même, (Titus Maccius Plautus, IIIe – IInd siècle avant Jésus-Christ) : Pseudolus, l’esclave trompeur, la Mostellaria, la comédie du fantôme, et Miles Gloriosus, le soldat fanfaron, le matamore.

L’histoire est un imbroglio invraisemblable d’ingrédients traditionnels de la comédie latine : un jeune benêt décoratif, Hero dans le film, est tombé amoureux d’une courtisane du bordel voisin, Philia, laquelle, encore vierge, a été achetée par un général triomphant, Miles Gloriosus, auquel elle doit être remise incessamment. En échange de sa liberté, l’esclave d’Héro, Pseudolus, se fait fort de récupérer et d’enlever la belle et d’organiser la fuite des deux amoureux. Mais la situation se complique rapidement avec le retour des parents d’Héro, l’acariâtre Domina et son époux Senex qui n’est pas insensible aux charmes de Philia, celui du voisin depuis longtemps absent, Erronius, incarné par un inénarrable Buster Keaton vêtu de violet et coiffé d’un fort seyant chapeau rond, sorte de plat à barbe sans l’encoche, lequel est en quête de ses deux enfants depuis longtemps perdus. S’y ajoutent le maquereau, Marcus Lycus, l’intendant de Senex, Hysterium, des soldats, des gladiateurs et une pléiade de prostituées très appétissantes parmi lesquelles une géante muette à laquelle Pseudolus est particulièrement sensible. Les péripéties s’enchaînent et se multiplient, assorties de travestissements et de quiproquos en cascades (Lycus et Hysterium en blondes à perruques…), d’une maison à l’autre, dans les rues et les bains, les marchés et les temples d’une Rome de fantaisie passablement syncrétique mais qui s’en soucie ? le rythme est endiablé, sans le moindre temps mort, les dialogues brillants et drôlissimes, les décors et costumes très réussis, les clins d’œil érudits foisonnent. On y rit aux éclats, par salves, on voit pointer les gags et on se délecte à les voir advenir. Quant à l’acteur principal, Zéro Mostel ( !), il porte génialement le film, et il faut le voir imiter la grimace du masque de comédie, il mériterait l’oscar de la mimique ! il y a une course de chars à faire pâlir Ben Hur, et - j’allais oublier – la musique et les « lyrics » sont de Steven Sondheim, excusez du peu. La version française, dialogues et chansons, est excellente. Même le générique est une merveille graphique, où s’immobilise, en motif de fresque mauve sur rouge et or délavés, Buster Keaton en son ultime course.

mercredi, juillet 20 2011

Dans La Vie, de Philippe Faucon


Quel plaisir j’ai eu, nous avons eu, à regarder Dans La Vie de Philippe Faucon et Yasmina Nini-Faucon, emprunté hier à la médiathèque !

Porté au début par la grâce de Sabrina ben Abdallah, l’essentiel de ce bref film (2008, 1h 13) est illuminé par l’aura des deux personnages principaux, toutes deux comédiennes improvisées pour la circonstance, dans le film Halima et Esther. L’histoire, très sobrement contée, d’une bourgeoise juive impotente prise en charge par une femme du peuple, illettrée, musulmane ; avec tout ce que cet attelage improbable en pleine crise entre Israël et le Hezbollah, peut créer de remous dans l’entourage d’Halima, accusée de ne pas être une bonne croyante.

Avec la cuisine, la musique, la danse, et l’amour du verbe, du mot qui épingle, cet humour méditerranéen tellement plus efficace contre les préjugés que tous les discours édifiants qui nous submergent.  Qu’on ne se méprenne pas : ce que donne à voir le film avant tout, me semble-t-il, c’est une fraternité (sororité ?) dans l’exil. Le regret commun d’un « là-bas » fait de partage malgré les barrières entre communautés, qui devient « ici » reconnaissance mutuelle d’un art de vivre partagé et retrouvé. Une histoire de langue(s) aussi, arabe ponctué de français, français parlé avec cet accent entre tous reconnaissable, et signe de reconnaissance. Une comédie, au meilleur sens du terme, par petites touches, sans insister, sans souligner, rayonnante de générosité, nimbée d’une belle lumière dorée.

samedi, avril 30 2011

Du ciné, aujourd'hui - Les Femmes du 6ème étage

Je n’ai pas l’habitude de parler cinéma sur Convolvulus, je n’ai aucun goût particulier pour Fabrice Lucchini qui en général m’exaspère (pas cette fois), mais Les Femmes du 6ème étage de Philippe Le Guay est une si aimable comédie, enlevée, légère, composée avec tant de brio et de virtuosité - les dialogues y sont épatants, la bande son inspirée - et l’actrice principale (Natalia Verbeke) si illuminée par la grâce, sans parler de la tapageuse joie de vivre de ses compagnes d’exil dans leur sordide sixième des chambres de bonnes, que je fais une entorse. Si ce film passe dans vos parages, allez le voir. C’est une comédie, au vrai sens du terme, ancrée de façon très contemporaine (enfin, 1962) dans les plus anciennes racines du genre.