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mercredi, janvier 29 2014

Son nom, je me souviens qu'il est doux et sonore...

Tristan Klingsor. Quel beau nom, mélancolique, exotique et sonore, rencontré – quand ? - dès l'enfance. Retrouvé au détour d'une conversation amicale, puis d'un recueil, Humoresques, feuilleté sur Gallica.

Léautaud l'a ainsi évoqué, amicalement, dans son Journal, en 46 : « Rencontré Klingsor (que je n'avais pas vu depuis le début de la guerre) au carrefour Buci, à cinq heures, c'est à dire à l'heure des queues devant les étalages des commerçants. Combien de gens aujourd'hui savent le délicieux, charmant, pittoresque poète, qu'est Tristan Klingsor, parfait musicien des mots et des rythmes, plein d'une fantaisie aussi vive et colorée comme une suite de petits ballets, et nullement dénuée d'émotion pour cela, et de plus écrivain probe, sans étalage ni vanité. »
Merci  à Laurent, qui est ma source. Que dire de plus ?

Son nom est plein des brumes wagnériennes (Klingsor est le magicien de Parsifal), mais sa poésie est française, délicieusement, délicatement française : légère, chantante, dansante, cocasse, raffinée, populaire, gaillarde, paillarde, mélancolique. J'ai eu la surprise, au fil de ces humoresques, de croiser d'explicites hommages à Verlaine, qu'on en juge :
 

LES AUDACIEUX

Froissons les jupes!

Que le jet d'eau mélancolique jette
Au clair de lune ses volutes
Tant qu'il voudra;
Poussons la fenêtre
Et prenons la belle en nos bras:
C'est l'heure, messieurs,
C'est l'heure ou jamais d'être
Audacieux.

Plus n'est besoin des cordes aux lucarnes
Ni des airs langoureux de flûtes
Dans la bise des carrefours:
Voleurs d'amour
N'ont point peur du gendarme!
Voici les jolies roses dans le linge blanc;
Il ne faut plus de flûtes,
Ni de guitares, ni d'aveux tremblants,
Car où sont les galants cérémonieux
Que vous fûtes,
Messieurs ?...

Froissons les jupes !

 

Où j'entends un double écho. Celui des Ingénus, des Fêtes galantes, et celui d'En bateau, le plus plaisamment libertin, jusque dans sa métrique, des poèmes du recueil. Sans parler du clair de lune et du jet d'eau, sanglotant d'extase à l'orée du recueil.

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samedi, mars 16 2013

Terre et neige

Dans l'interminable
ennui de la plaine, la neige
se retire
Sculptant le paysage

(Après Verlaine)

dimanche, janvier 27 2013

La neige incertaine ...


Tout a fondu aujourd’hui, et le paysage a perdu cette beauté que lui donnait la blancheur continue de la neige, qui unifie jusqu’aux laideurs. Désormais « la couche de neige ... fond et se transforme en une insupportable soupe pendant quelques jours »  - c'est ce que se dit le gamin, réveillé dans la maison du médecin, à Sléttueyri, de son interminable chute. Quant à moi, je me suis laissée dépasser par le temps, mais depuis les premiers et abondants flocons m’accompagne le poème de Verlaine qui suit (appris il y a si longtemps, au CM1, école de la Figone, à Marseille, dans la classe de Mme Margat), lequel accompagne a punto « La Neige », le tableau de Daubigny dont j’emprunte au Musée d’Orsay la reproduction d’ensemble et de détail, avec ici le commentaire 

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme les nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la Lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive?

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable

Paul Verlaine – Romances sans paroles (1874)

 

samedi, avril 28 2012

Beaux livres

Une balade au L.A.M de Villeneuve d’Ascq nous a permis entre autres de découvrir à la bibliothèque de ces beaux livres – d’artistes, ou de dialogue, selon le terme d’Yves Peyré -. Moment de merveilles, devant ces livres qui sont comme les manuscrits enluminés des XIXe et XXe siècles.

« Le livre est si bien fait pour être orné ; il porte avec tant de bonheur toutes les élégances ! Eh ! quelle merveille, après tout, un bel exemplaire d'une bonne édition qui représente un chef-d’œuvre de l'esprit humain ! Quelle joie et quelle fête à le tenir dans ses mains, tremblantes d'une émotion ineffable ! On le regarde, on le contemple, on le retourne, on l'ouvre enfin, et voilà que soudain le véritable amateur, grâce au livre, entre en des ravissements infinis. »


Comme Verlaine, illustré par Bonnard. Des lithographies sépia, qui donnent le sentiment d'avoir été tracées par le peintre sur les pages mêmes du livre.


Ou encore l'inventivité graphique et typographique étourdissante de La Fin du monde filmée par l'ange de Notre-Dame de Cendrars (auteur et éditeur, à La Sirène) et Léger.


lundi, janvier 30 2012

« 'Les Coquillages' ! Quel bijou que le dernier vers ! »

Les Coquillages

Chaque coquillage incrusté
Dans la grotte où nous nous aimâmes
A sa particularité.

L'un a la pourpre de nos âmes
Dérobée au sang de nos cœurs
Quand je brûle et que tu t'enflammes ;

Cet autre affecte tes langueurs
Et tes pâleurs alors que, lasse,
Tu m'en veux de mes yeux moqueurs ;

Celui -ci contrefait la grâce
De ton oreille, et celui-là
Ta nuque rose, courte et grasse ;

Mais un, entre autres, me troubla.

Verlaine – Les Fêtes galantes, 9

Petite merveille de poème érotique, avec une ellipse à peine suggérée en son centre. Savourer  la construction en guirlande des rimes, et la chute. Le commentaire qui me sert de titre est un hommage du grand Victor soi-même, et l’illustration, Nature morte à la baigneuse, un dessin de Louis Thibaudet (XXe), conservé au Musée des Ursulines de Mâcon.

samedi, janvier 28 2012

Verlaine encor...

                        
                            Clair de lune

      Votre âme est un paysage choisi
                  Que vont charmant masques et bergamasques
                  Jouant du luth et dansant et quasi
                  Tristes sous leurs déguisements fantasques.

       Tout en chantant sur le mode mineur
                  
L’amour vainqueur et la vie opportune,
                  
Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
                  
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

       Au calme clair de lune triste et beau,
                  
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
                  
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
                  
Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.

 (Les Fêtes Galantes, 1)

Verlaine et Rimbaud ont tous les deux cherché de nouvelles voies pour la poésie, mais pas du tout dans la même direction. Rimbaud a brisé ou étiré, il a « dérythmé » le vers, en particulier l'alexandrin, jusqu'à lui donner l'air de la prose (il n’y a qu’à voir pour cela Ma Bohême, qui est beaucoup plus qu’un petit poème d’école primaire, et qui, dit à voix haute, est un très prosaïque poème aux allures de prose - et la prose, selon Valéry, c’est la marche) et puis il est passé au poème en prose. Il a aussi exploré la route des images obscures, riche en virtualités futures, en particulier chez les surréalistes, mais dont on trouvait les germes chez Hugo et Baudelaire.

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vendredi, janvier 27 2012

Rien qu'une voix, ... qui appelait Verlaine ! dans la brume

Ce n'est pas que j'aie une passion pour Claudel, je le connais mal.
Mais ce poème des Feuilles de Saints, recueil que d'ailleurs je n'ai jamais eu l'occasion de feuilleter, est une évocation saisissante de Verlaine, poète que j'aime tant. Je l'ai rencontré il y a bien longtemps, dans l'anthologie de Seghers, Le Livre d'or de la poésie française, chez Marabout (le Claudel, parce que Verlaine, c'était au CM1, dans la classe de Mme Margat, école de la Figone, à Marseille. Dans l'interminable / Ennui de la plaine / La neige incertaine/ Luit comme du sable....). Pour moi la porte ouverte à toute la poésie. J'avais quinze ou seize ans.



             
VERLAINE

I.             Le faible Verlaine

L'enfant trop grand, l'enfant mal décidé à l'homme, plein de secrets et plein de menaces,
Le vagabond à longues enjambées qui commence, Rimbaud, et qui s'en va de place en place,
Avant qu'il ait trouvé là-bas son enfer aussi définitif que cette terre le lui permet,
Le soleil en face de lui pour toujours et le silence le plus complet
Le voici pour la première fois qui débarque et c'est parmi ces horribles hommes de lettres et dans les cafés,
N'ayant rien autre chose à révéler sinon qu'il a retrouvé l'Éternité.
N'ayant rien autre chose à révéler sinon que nous ne sommes pas au monde !
Un seul homme dans le rire et la fumée et les bocks, tous ces lorgnons et toutes ces barbes immondes,
Un seul a regardé cet enfant et a compris qui c'était,
Il a regardé Rimbaud et c'est fini pour lui désormais
Du Parnasse Contemporain et de l'échoppe où l'on fabrique des sonnets qui partent tout seuls comme des tabatières à musique !
Rien ne lui est plus de rien, tout cassé ! ni sa jeune femme qu'il aime
Pourvu qu'il suive cet enfant et qu'est-ce qu'il dit au milieu des rêves et  blasphèmes ?
Comprenant ce qu'il dit à moitié mais cette moitié suffit.
L'autre regarde ailleurs d'un œil bleu innocent de tout ce qu'il entraîne après lui.
Faible Verlaine ! maintenant reste seul car  tu ne peux aller plus loin
Rimbaud part, tu ne le verras plus, et ce qui reste dans un coin,
Écumant, à demi-fou et compromettant pour la sécurité publique,
Les Belges l'ont soigneusement ramassé et placé dans une prison en briques.
Il est seul. Il est en parfait état d'abaissement et de dépossession.
Sa femme lui notifie un jugement de séparation.
La Bonne Chanson est chantée, le modeste bonheur n'est plus
A un mètre de ses yeux, il n'y a plus que le mur qui est nu.
Dehors le monde qui l'exclut, et, au-dedans, Paul Verlaine,
La blessure, et le goût en lui des choses qui sont autres qu'humaines.
La fenêtre est si petite là-haut qu'elle ne permet de voir que l'azur
Il est assis du matin jusqu'au soir et regarde le mur :
L'intérieur où il est de ce lieu qui le préserve du danger,
De ce château par qui toute misère humaine est épongée.
[....]

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lundi, octobre 31 2011

Déclaration d'amour ferroviaire



Le paysage dans le cadre des portières

Court furieusement, et des plaines entières

Avec de l'eau, des blés, des arbres et du ciel

Vont s'engouffrant parmi le tourbillon cruel

 

Où tombent les poteaux minces du télégraphe

Dont les fils ont l'allure étrange d'un paraphe.

Une odeur de charbon qui brûle et d'eau qui bout,

Tout le bruit que feraient mille chaînes au bout

 

Desquelles hurleraient mille géants qu'on fouette ;

Et tout à coup des cris prolongés de chouette.

- Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux

La blanche vision qui fait mon cœur joyeux,

 

Puisque la douce voix pour moi murmure encore,

Puisque le Nom si beau, si noble et si sonore

Se mêle, pur pivot de tout ce tournoiement,

Au rythme du wagon brutal, suavement.

Verlaine - La Bonne chanson, 1870

dimanche, août 30 2009

Zweig, considérations perplexes

Toujours inconfortable, pour moi, la lecture de Stefan Zweig. Ainsi du « Voyage dans le passé » emporté à la plage, et lu d’un trait. Variations sur un poème de Verlaine (Colloque Sentimental, l’ultime et fantomatique poème des « Fêtes Galantes »), nourrie de références à la littérature française – en fait de fantômes, celui du Flaubert de l’ « ''Éducation Sentimentale'' » y est palpable, comme ceux des jeunes ambitieux de Balzac, et sans doute aussi le Julien Sorel de Stendhal – cette nouvelle retrouvée dans les années 90 et récemment publiée en traduction française suivie du texte allemand, rassemble puis sépare l’épouse d’un puissant patron d’industrie, vieux et malade, et l'homme de confiance de celui-ci, un jeune ingénieur ambitieux et tout empreint de rancœur sociale. L’épouse est belle, attentive, pleine de tact. Ludwig (pourquoi avoir traduit le prénom par Louis ?) et elle découvrent à l’annonce de leur séparation (il est envoyé pour une mission de confiance au Mexique) qu’ils sont liés par une passion réciproque. Las ! au lieu des deux ans prévus, ils demeurent neuf ans séparés, la guerre de 14 est passée par là. La nouvelle est le récit avec flashes-back de leurs retrouvailles.

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