Aimée Bender, La Singulière tristesse du gâteau au citron

... aux éditions de l’Olivier. Très étrange roman, surprenant, où « dans l’un des nombreux centres-ville de Los Angeles », un quartier résidentiel agréable et verdoyant quoique enserré entre diverses autoroutes, vit une famille américaine apparemment normale : le père, Paul Edelstein, avocat, la mère, au foyer, Lane, et les deux enfants, Joseph et Rose, Rosie lorsqu’elle est petite. Famille apparemment normale, mais de plus en plus, comment dire ? mécanique et fantomatique au fur et à mesure que le temps passe. C’est que Joseph, enfant brillant, lointain, passionné d’astronomie et de physique, devient chaque jour plus insaisissable, plus absent au sens le plus physique du terme. Mais surtout que Rosie a eu depuis les premières pages du roman, à l’âge de 9 ans, une sorte de révélation : elle peut sentir, jusqu’à la terreur ou à la nausée, à travers les aliments qu’elle consomme, outre leur origine la plus précise, l’humeur de ceux qui les ont confectionnés. La mélancolie et le sentiment d’étouffement de sa mère, par exemple, qui va au cours des années suivantes se vouer à l’apprentissage de l’ébénisterie et à la confection de meubles. Il y a encore la grand-mère maternelle, la seule survivante des quatre ascendants. Elle habite au nord de l’état de Washington, ne se déplace jamais pour aller rendre visite aux siens, auxquels elle adresse de plus en plus fréquemment des colis remplis d’objets hétéroclites, inutiles, une tasse ébréchée, un vieux torchon orné d’un motif de roses aux couleurs réversibles destiné à Rosie qui s’en éprend incontinent, comme Joseph s’éprendra plus tard des chaises pliantes d’aluminium gris Morehead assorties à une table de jeu, qu’il emportera dans sa chambre d’étudiant.

L’histoire est contée à travers le regard de Rosie, qui en grandissant comprend de plus en plus de choses. Que chacun a un don, par exemple, dans sa famille. Un don dont on comprend bien qu’il est aussi un héritage, bien difficile à saisir, et encore plus à affronter. Certains y parviennent, d’autres non. Cela donne une étrange histoire de monde perçu à travers la cuisine et les saveurs, assorti d’un éloge paradoxal de l’insipidité de la nourriture industrielle aussi bien que de la cuisine savoureuse d’un couple de Lyonnais expatriés à L.A. Roman construit et conté avec talent, traduit avec fluidité à une ou deux réserves près, dont les personnages, dans leur perplexité si humaine, sont très attachants. Je l’ai, quant à moi, lu d’un trait, avec surprise et curiosité.

Commentaires

1. Le samedi, août 17 2013, 19:54 par S. Brice

En effet ça a l'air ... spécial! :)

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