La Reine de l'Idaho - Thomas Savage - 10/18

La Reine de l’Idaho, en anglais The Sheep queen - et auparavant, ce si beau titre qu’explique la toute fin du roman : I Heard my sister speak my name. Troisième roman publié en français de Thomas Savage, dont j’ai déjà évoqué ici Le Pouvoir du chien et Rue du Pacifique.
Lu avec la même urgence - acheté hier, après le marché, un de mes rituels les plus anciens et les plus essentiels, (dieu merci, il y a toujours eu jusqu’ici dans les villes que j’ai habitées une librairie à côté du marché), et avalé entre hier et ce matin – avec la même urgence donc, que les précédents.

Et ce n’est pas une question de connaître la fin de l’histoire, que l’on connaît dès le début. C’est plutôt le milieu qui manque, et que restaure, dans le plus apparent désordre, un vrac de fragments de récits et de lettres, une chronologie aussi fermement bouleversée que peut l’être celle des pensées du narrateur, malgré l’obstination du grand-père à faire sonner ensemble les sept pendules de la vaste ferme de l'Idaho, cœur vivant de la famille.

Il a donc eu désobéissance de la fille aînée, belle, accomplie, chérie de tous, abandon d’une petite fille devenue autre, ailleurs, car instantanément adoptée, il y eu divorce et reconstruction d’une famille, ou tentative de reconstruction - on voit passer, tissés autrement, des éléments de l’intrigue du Pouvoir du chien - il y a des grands-parents, des tantes en pagaille, des cow-boys et des Indiens, des destins avortés et d’autres accomplis, et l’Amérique qui se construit avec ses Territoires et ses États, ses banquiers, ses représentants, ses moutons et ses bœufs, son aristocratie, ses pensionnats pour jeunes filles, ses théâtres et ses saloons, ses fleurs et ses oiseaux… et au bout d’une quête à contre-cœur, à contre-courant des années et des silences, une sœur qui rencontre un frère.

J’ai rarement lu un auteur aussi sobre, aussi éloigné de tout pathos, aussi purement classique dans son apparent désordre, qui fasse entendre combien justement la vérité de ses personnages. J’ai envie de le lire en anglais. Envie de lire les dix autres romans de Savage. Et je salue cette écriture et cette éthique romanesque, qui affirme, malgré les douleurs, la cruauté et les silences, la dignité, et l’amour des hommes.

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