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jeudi, février 21 2013

Shalom Auslander - La Lamentation du prépuce

Tiens, c’est bizarre, si c’est bien la cathédrale de Limoges qu’on aperçoit du quai de la gare – j’en ai un souvenir, mais c’était à pied et côté face -, ils ont dû la trouver trop sombre – ainsi était-elle dans mon souvenir – alors ils ont collé une sorte de rubixcube vertical le long de la paroi est. Le fond du chœur, quoi, qui a dû être coupé à un moment ou à un autre, parce qu’il est tout plat. Mais non, ce n’est-ce pas la cathédrale, finalement.

Quoi qu’il en soit, c’est la première chose que j’aie vue en levant le nez de mon bouquin, La Lamentation du prépuce, de Shalom Auslander, qui équivaut donc à un Paris-Limoges, 3 heures et demie, plus ou moins.

Car oui, j’ai voulu voir ce que donnait le premier livre, réputé hilarant, d’Auslander. Dans un compartiment SNCF, avec à peine un embryon de table où s’appuyer, et plus jamais les petites photos en noir et blanc accrochées qui faisaient découvrir la France.

Eh bien, La Lamentation du prépuce. J’ai bien ri - pas à gorge déployée dans mon compartiment d’ « Intercités » - mais j’ai sacrément pouffé. C’est une sorte de grand flashback de Shalom le pessimiste englué dans ses conversations avec Dieu, aux alentours – avant, après, pendant – de la naissance de son fils Pax (un Shalom laïcisé). A certains égards, ce texte a constitué pour moi une sorte de revers comique – juif, et excessif – d’Emmaüs de Baricco. Même frénésie religieuse, même angoisse de la chair, mais en pire côté juifs orthodoxes. Un univers d’interdits et de ratiocinations. De subtilités byzantines pour baliser entièrement les bizarreries du monde, par exemple dans le domaine alimentaire. Et au milieu, des enfants pleins d’obsessions et de terreurs, destinés, si tout va bien (mal ?) à perpétuer de génération en génération interdits et subtilités byzantines, au mépris de toute souplesse, de toute fantaisie, de toute bienveillance, de toute ouverture.

             Seuls remèdes, seules révoltes : l’injure / le juron, la scatologie, l’humour.

 Un petit échantillon :

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dimanche, février 17 2013

Shalom Auslander - L'espoir, cette tragédie

     Passer de Stefansson à Shalom Auslander, c’est un exercice de grand écart particulièrement acrobatique. C’est passer d’un lyrisme habité par le sens de la beauté du monde et de la dignité de l’homme à un déluge grinçant, grimaçant, fulminant, de dérision désespérée et de misanthropie radicale. Loin des vastes étendues de nature sauvage, on se retrouve dans une petite ville américaine bobo, Stockton, ville absolument sans Histoire, détail essentiel pour l’installation de Sol(omon) et Bree Kugel, accompagnés de leur fils Jonas, et, - hélas – de l’hystériquissime mère de monsieur, subclaquante mais bien vivace, et confite en déploration accréditée des malheurs du peuple juif depuis la Shoah. [Kugel, dont le Reverso m’apprend que ce terme allemand signifie « boule », « balle », « bille », ce que je n’interprète pas plus que cela, ignorante que je suis des usages de ce terme dans la langue allemande.] Ayant donc quitté New York, sa frénésie et ses miasmes pour vivre dans une fermette à la campagne une nouvelle vie rédimée, expert en bagout et slogans efficaces pour la promotion de machines à compost, Solomon, fils sans père et père éperdu d’anxiété, meuble ses insomnies à se réciter des litanies de dernières paroles célèbres, dans le souci de laisser à son propre fils des mots dignes, drôles et définitifs. Sauf que ça pue atrocement dans la fermette, où vit aussi un locataire rageur, et que les tap-tap-tap qui semblent via la tuyauterie de l’aération émaner du grenier vont amener Sol à une découverte renversante. Tout le monde l’a déjà écrit partout, je peux donc vendre la mèche : dans le grenier de cette fermette de Stockton est installée, rampante, rageuse, hideuse, hirsute, griffue, borgne, bossue, puante, tempêtante, despotique ET authentifiée d’un tatouage, Anne Frank soi-même, rescapée de Bergen-Belsen mais vouée à la mort par son éditeur pour raisons commerciales (que faire d’une Anne Frank vivante, alors que la morte est tellement « vendeuse » ? – « Restez morte » !), réfugiée de grenier en grenier de l’Europe à l’Amérique, et occupée depuis soixante ans à écrire un roman digne en termes de tirages de son Journal.

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