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mardi, juillet 23 2013

Que lire ?...

En attendant de rédiger de nouveaux billets, j’en fais remonter quelques anciens, à l’intention des lecteurs et lectrices de l’été.

Thomas Savage, tiens. Je l’ai redit il y a peu : lisez donc Le Pouvoir du chien, et ensuite La Reine de l’Idaho. Outre qu’il s’agit de deux très beaux textes, vous verrez, à la lecture du second, ouvertement autobiographique, comment le matériau de l’histoire familiale s’insère, autrement, mais nettement reconnaissable, dans le tissu de  la fiction romanesque. Comment deux formes se répondent pour affronter, différemment, les démons d’une psyché blessée.

McEwan. C’est beaucoup plus inquiétant, plus noir. Plus pervers, morbide, souvent, comme dans Le jardin de ciment, si brève et si terrible histoire d’enfants, variation urbaine sur Sa Majesté des mouches. La lecture des Chiens Noirs et d’Un Bonheur de rencontre ne laisse pas indemne, et le malaise persiste après la lecture. Mais Expiation  est une merveille, de composition, d’invention, de littérature. Et Sur la plage de Chesil, je crois, un chef d’œuvre. Tout Mc Ewan est ici.

Après quoi, il importera de se décrisper. Et c’est là que Ma Famille et autres animaux – y a-t-il encore des visiteurs de ce blog qui ne l’aient pas lu ?!! – s’impose. C’est extrêmement bien écrit, littérairement c’est beaucoup plus inventif qu’il n’y paraît, et comme c’est drôle ! à lire, seul ou en tribu, à voix haute, le soir, à la fraîche, avec les enfants.

Et puisque l’on est dans les excentriques anglais, pourquoi ne pas revenir au dernier Louis de Bernières : Un Immense asile de fous. Fragments éclatés, sombres ou éblouis, d’un village d’enfance bien plus imaginaire, plus intime, que réel.

Et encore, parce moi, je vais le relire – et quel dommage que le film ne soit pas à la médiathèque ! – Dona Flor et ses deux maris. Roman lointainement familier, dont la saveur me manque.

Voilà pour aujourd’hui, au boulot avant qu'il ne fasse trop chaud, et à bientôt.

samedi, juin 1 2013

Relecture : Thomas Savage, La reine de l'Idaho

Ce n’est pas que l’on manque de livres à la maison. Ni que j’aie lu tout ce que soutiennent et recèlent dans un ordre relatif les étagères, les appuis de fenêtre, les escaliers, les diverses chambres. Ni d’ailleurs que j’aie le temps de lire, en ce moment. C’est pourquoi Aurélien en édition de la Pléiade emprunté à la bibliothèque avec son énorme notice en postface et ses kilomètres de notes (pour lesquelles je l’ai emprunté, précisément), c’est pourquoi donc Aurélien attendra des temps moins occupés. C’est pourquoi aussi sans doute j’ai attrapé hier sur le dossier du canapé La Reine de l'Idaho, récemment rendu par Odile. Si la fatigue m’a empêchée de tout lire avant de m’endormir, il y a eu aujourd’hui deux salles d’attente, et un peu de soleil…

Après relecture, et avant de rédiger cette note, je suis allée relire aussi ce que j’en avais écrit, il y a plus de cinq ans, ici même. J’y parlais d’« urgence » à lire, et à propos du Pouvoir du chien, de « gratitude ». Eh bien, tel est exactement l’effet que m’a fait cette relecture. Le bonheur de ces textes qui résistent à la redécouverte, dont la surprise se renouvelle, dont l’écriture donne un tel sentiment de justesse. D’où la question, posée aux deux libraires : pourquoi seuls trois romans parmi les treize écrits par Savage sont-ils traduits en français ? si Savage, couronné de prix aux USA –

  • Honorary M.F.A. from Colby College, 1952
  • Guggenheim Fellowship, 1979
  •  Pacific Northwest Booksellers Association Award, 1989 for The Corner of Rife and Pacific -

si Savage donc est « considéré comme un classique », pourquoi diable Belfond n’en fait-il pas traduire d’autres ? En voici la liste, pêchée sur wikipedia en anglais :

  •  The Pass (1944)
  • Lona Hanson (1948)
  • A Bargain with God (1953)
  • Trust in Chariots (1961)
  • The Power of the Dog (1967) – Le Pouvoir du Chien
  • The Liar (1969)
  • Daddy's Girl (1970)
  • A Strange God (1974)
  • Midnight Line (1976)
  • I Heard My Sister Speak My Name (1977) (now published as The Sheep Queen) – La Reine de l’Idaho
  • Her Side of It (1981)
  • For Mary with Love (1983)
  • The Corner of Rife and Pacific (1988) – Rue du Pacifique

Pourquoi encore La Reine de l’Idaho est-il épuisé, et trouvable seulement d’occasion sur un site de vente sur la toile, de 3 à 88 euros !!!!

-    Écris à Belfond, m’ont dit les libraires.

-   J’écris ici, en attendant. Lisez Savage, et faites-le connaître.

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dimanche, mars 9 2008

La Reine de l'Idaho - Thomas Savage - 10/18

La Reine de l’Idaho, en anglais The Sheep queen - et auparavant, ce si beau titre qu’explique la toute fin du roman : I Heard my sister speak my name. Troisième roman publié en français de Thomas Savage, dont j’ai déjà évoqué ici Le Pouvoir du chien et Rue du Pacifique.
Lu avec la même urgence - acheté hier, après le marché, un de mes rituels les plus anciens et les plus essentiels, (dieu merci, il y a toujours eu jusqu’ici dans les villes que j’ai habitées une librairie à côté du marché), et avalé entre hier et ce matin – avec la même urgence donc, que les précédents.

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mercredi, juin 20 2007

Lisez Le Pouvoir du chien

de Thomas Savage (ce n'est même pas un pseudo) !
C'est magnifique de tension, de justesse, de cruauté, c'est admirablement écrit : le roman confronte dans un ranch de l'Utah et dans les environs deux frères quadragénaires richissimes, un lourdaud taciturne, un brillant beau-parleur. Unis comme les doigts de la main, ils constituent un couple de frères célibataires et complémentaires, que va fissurer le mariage du premier avec une petite veuve fragile et souriante, mère d'un adolescent silencieux, secret, très intelligent et assez inquiétant.
Tout est bien : l'évocation des paysages, les relations des hommes avec la nature et entre eux, la tension cruelle qui croît à l'intérieur du ranch entre les personnages, la menace qui plane. C'est écrit et construit, passionnant. Le roman est de 67, et c'est chez 10/18.

Et aussi : Rue du Pacifique, chez Belfond, ce n'est pas encore en poche chez 10/18.
Autre histoire de l'Ouest : Grayling, petite ville en pleine expansion, un couple de ranchers unis, Lizzie et John Metlen et leur fils Zack, qui grandit au cours du roman, autre enfant silencieux et "différent" que son père maladroit, impulsif et imprévoyant a du mal à comprendre, malgré tout l'amour qu'il lui porte. À nouveau la fin des Indiens, qui quittent leurs terres ancestrales pour aller rejoindre leurs réserves. Mais ce roman est plus urbain que Le Pouvoir du chien. En contrepoint de l'ascension sociale irrésistible de leur rival le banquier Connor, un type arrogant et cynique, le roman raconte l'histoire de la dégringolade des Melten, victimes des rêveries et de l'imprévoyance de John. Mais il y a Lizzie, sa beauté, son humour et son humanité rigoureuse, et Zack l'inventif, qui part trouver sa voie en France pendant la guerre de 14. Puis Anne, la métisse d'indienne, dont la splendeur hautaine illumine toute la dernière partie du roman.

Ce qui me comble, dans l'écriture de Savage, c'est son extraordinaire manière, à la fois de dessiner de façon aiguë les personnages les plus mineurs - qui viennent danser avant de disparaître leur petite valse au premier plan, lorsque le Destin des personnages l'exige - et d'éluder tout pathos en dérobant littéralement entre les lignes les moments qui devraient paraître les plus essentiels. L'art de l'understatement poussé à son incandescence. Et puis cette manière de mêler une lucidité cruelle et désabusée avec une profonde tendresse pour les êtres. Une écriture aiguë, belle et pudique. Après les dégoulinades laurensiennes (Camille Laurens, que j'ai dû me "farcir" pour le Goncourt des lycéens), j'ai lu Savage avec passion et gratitude.