Noirs, thrillers, polars

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dimanche, mars 22 2015

Pierre Siniac - Femmes Blafardes

Femmes Blafardes, un roman de Pierre Siniac, première édition Fayard Noir 1981, réédité chez Rivages/Noir en 1997.

J’ai dû lire quelques « noirs » ces derniers temps, pour cause de journée d’étude sur la question. Entre autres le passionnant parce que tellement passionné et érudit Du Polar, entretiens de François Guérif, qui est justement le directeur de Rivages/ Noir, avec le journaliste Philippe Blanchet[1]. Le Guérif, et le Siniac, dont j’ai justement découvert le nom, l’existence et même la photo – grosses lunettes carrées, vaste front, raie sur le côté -  dans le Guérif, tous deux prêtés par un Sylvain emballé.

Femmes Blafardes, titre en somme bizarre, parce que les femmes de ce roman ne le sont guère, bien plutôt hautes en couleurs, entre la guirlande de prostituées du claque de Mme Augustine Balbaupoul, sous la houlette de la somptueuse Colette dite « la Panthère », pute syndiquée qui reçoit chaque jeudi un notable inscrit depuis des semaines sur la liste d’attente, et les autres, la jolie Finette ardemment désirée par l’assureur timide aux oreilles en feuille de chou – Urbain Petitbosquet - et  par le clochard Mésange, les Cantoiseau mère et fille, obèses et gourmandes, et encore la voyante « Emilienne de Chamboise, sciences occultes, astrologie, tarots et procédés divinatoires, en semaine et sur r-v, sauf le jeudi ». Le jeudi, justement, jour, ou plutôt nuit, du crime. Huit jeunes femmes rectifiées entre le 25 octobre et le 24 janvier, à raison d’une par semaine (avec une pause). C’est bien plutôt le « bled froid et triste » qui sert de décor à cette histoire, un petit bourg sinistre sis quelque part dans l’imaginaire de l’auteur entre Cholet, Nantes et La Roche-sur-Yon, que l’on peut qualifier, avec ses brouillards nocturnes et sa « pluie brouillasseuse et transperçante », de blafard.

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mercredi, août 14 2013

Nicolas Lebel - L’Heure des Fous

Il y a trop d’adjectifs dans L’Heure des Fous, de Nicolas Lebel, prêté par Sylvain. C’est la première impression que j’en ai eue, quasi chaque nom flanqué d’au moins un qualificatif, ça a un petit côté désuet, rédac’ d’autrefois… trop d’adjectifs, trop d’adverbes, trop de détails vestimentaires, couleurs des costumes et des cravates, du blouson ou de la jupe, trop de conversations parfois oiseuses qui affaiblissent des répliques enlevées ou bien senties, trop de JT restitués dans leur sommaire (avec pubs, ironiques peut-être, mais quand même !), il y a trop de comparaisons, parfois à la limite du ridicule : [l’homme] « tomba au sol comme une feuille qui, présomptueuse, a tenté de résister à l’automne », - Nooon ! -. En vérité et pour résumer, un trop grand souci de réalisme, un goût parfois excessif et naïf de la belle langue.

Mais cette avalanche de critiques n’est là qu’à titre d'exorde. Car, une fois ces réserves faites, parce qu’elles grippent la fluidité de ma lecture, L’heure des fous se lit d’une traite. L’intrigue mêle les flics d’un commissariat de quartier (le XIIe) avec la guerre des polices, une visite des égouts de Paris avec une bonne dose d’histoire - l’évocation de la cour des Miracles tressée avec celle des Catacombes - une réflexion sur les manipulations de masse avec l’évocation du monde contemporain des voyous, des clochards, des marginaux de tout poil….  Sous la houlette de l’insupportable, despotique, tonitruant capitaine Mehrlicht, incurable clopeur devant l’éternel, érudit, grossier, grand amateur d’argot et de sudokus, les flics Latour (Sophie, gracieuse et bretonne), Dossantos (Mickaël, bodybuildé tendance subfacho, mais brave type, en somme) et Ménard (François, Lyonnais, stagiaire) mènent tambour battant leur enquête sur le meurtre d’un clodo poignardé sur une voie de la gare de Lyon, laquelle les conduira d’un étrange monde de robins du Bois de Vincennes à un stock de chassepots disparus depuis le Second Empire, en passant par la Sorbonne, salles et cour d’honneur, ou la grande Arche de la Défense. De Victor Hugo (statue ET visite des égouts de Paris, avec flic portant autre flic blessé) à Eugène Sue (avec concierge Pipemot – celui des Mystères de Paris s’appelle Pipelet), en passant, et ce n’est pas l’un des moindres plaisirs ni l’une des moindres inventions de ce roman, par Michel Audiard et ses Tontons Flingueurs : le capitaine Mehrlicht est en effet doté d’un téléphone portable dont la sonnerie égrène, de façon aléatoire mais furieusement à propos in contextu, des répliques de ce film culte.

C’est chez Marabooks (jamais entendu parler), et si je peux me permettre, la couverture, en cela très tendance, est parfaitement hideuse. Mais c’est un polar érudit, malicieux, et bigrement français. Pour un premier roman, c’est une belle réussite.

dimanche, juin 9 2013

Deon Meyer - 13 heures

Voilà ce qui arrive quand on met le nez dans un roman de Deon Meyer, et qu’on veut le terminer pour ne pas avoir à y revenir le lendemain. Le roman qui précède celui qu’on a lu avant, bref, 13 heures,  qui précède Sept Jours, que je viens de chroniquer. Eh bien, 13 heures, c’est absolument palpitant. Il faut dire que Deon Meyer est particulièrement doué pour les histoires d’affût, de chasse, de traque, avec pour proies des êtres humains. Cette fois, c’est une jeune Américaine éperdue mais lucide et pleine de vitalité qui fuit, méthodiquement, pendant des heures et des heures, autour du Cap, puis dans les faubourgs de la ville, traquée par de jeunes tueurs déterminés, un flic, un type armé de jumelles… elle s’appelle Rachel Anderson et son amie Erin Russell a été égorgée pendant la nuit. Et puis il y a l’autre meurtre, celui d’Adam Barnard, le mari d’Alexa alias Xandra, que j’avais rencontrée dans Sept Jours. Mais Benny Griessel, lui, l’a rencontrée dans ce roman-ci. Comme les deux filles sont étrangères, tous les flics du Cap sont sur l’affaire, Benny en tête.
Je n’en dirai pas plus, parce qu’il est vraiment très tard – ou très tôt. Mais pour qui a des envies de polar, celui-ci est particulièrement recommandable. Il me reste un mystère, cependant. Deon Meyer - c’est écrit dans la petite bio en exergue du roman - est un écrivain de langue afrikaans. Et le roman est traduit de l’anglais. Ça doit se faire sur place en Afrique du Sud, avec l’aval de l’auteur, le passage à une langue plus internationale, avant la diffusion. C’est bizarre, mais sans doute plus pratique. Quant au « lendemain », las, c’est aujourd’hui même, et il est grand temps que je dorme, si je veux être un peu efficace, tout à l’heure…

N.B. : "Treize heures", c'est la durée de la quête et des enquêtes : la quête de la jeune fille disparue, les enquêtes sur les deux meurtres, où l'on rencontre Mbali (et où on la comprend mieux qu'en débarquant direct dans Sept Jours), plus quelques autres flics "récurrents", sans parler des soucis personnels, familiaux et sentimentaux de Benny, et en outre quelques précisions sur l'accent afrikaans et son chuintement caractéristique.

vendredi, juin 7 2013

Deon Meyer - Sept Jours

Il y a des moments où l’on éprouve le désir de plonger sans réserve dans un bon thriller, histoire de s’abstraire absolument de toutes les pressions qui s’accumulent. Et où il est bien difficile de passer jour après jour devant le dernier pavé de Deon Meyer, Sept jours, abandonné sur la table du salon. Il suffit alors d’un soir où l’on rentre un peu plus épuisée que d’habitude – oh cette classe de 1ère L où il est si difficile de susciter des échos ! -, d’un peu de soleil vespéral au dehors, du confort du canapé rouge et du vieux châle bariolé, et l’on cède. Enfin « on » - je. Bilan, une soirée en Afrique du Sud, et l’abolition du monde extérieur, jusqu’à l’endormissement final, après dévoration expresse des derniers chapitres pour arriver enfin à la solution de l’intrigue… tellement expresse que le réveil s’est fait sous forme de point d’interrogation : voyons, comment se relie, déjà, l’arrestation du sniper avec la découverte de l’assassin ?

Où l’on comprendra que Sept jours est un très efficace polar, même si j’ai retrouvé le sentiment, ici évoqué à propos du Pic du Diable, que le dénouement (le fameux lien) est un peu forcé, ou expédié. Quoi qu’il en soit, on y retrouve aussi, comme enquêteur principal, Benny Griessel, l’inspecteur alcoolique en cours de rédemption, parvenu au début du roman à 227 jours de sevrage total. Il a aussi été promu à la DPCI (Direction des enquêtes criminelles prioritaires), dont les membres sont appelés les Hawks (les faucons). J’ai eu un peu de mal, d’ailleurs, avec les sigles et autres acrostiches, car il y a aussi les CATS, le SAPS, et que sais-je encore…. De même du coup qu’il est difficile de se repérer dans la multitude des personnages d’officiers de tel ou tel service, mais on s’y fait. Je suppose enfin que les choses eussent été pour moi plus claires si j’avais lu Treize Heures, le roman précédent, où Benny a rencontré la femme dont il est amoureux, la chanteuse Alexa, alias Xandra Barnard.

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lundi, mai 27 2013

Brouillages - Jon Hallur Stefansson

Je préfère Kalman à Hallur, bien qu’ils aient le même traducteur. C’est même tellement incomparable que je regrette d’avoir eu la curiosité d’explorer l’œuvre du second. Il me fallait un polar, histoire de lire en vitesse quand même un peu autre chose que les œuvres requises par le travail en classe. (L’Enfant, de Vallès au demeurant, un de ces romans-compagnons qui m’accompagnent depuis l’enfance, et passionnant à étudier). Aussi ai-je embarqué de ma visite hebdomadaire à la librairie Brouillages, de Jon Hallur Stefansson, le titre étant sans doute ce qu’il y a de plus pertinent dans l’ouvrage. Un polar islandais, traduit par Eric Boury, toutes les garanties de qualité y étaient.

Eh bien je n’ai pas aimé ce roman. Je m’y suis embrouillée dans l’avalanche des prénoms des très nombreux personnages – égarée en outre au début par la proximité littérale entre Björn, l’architecte séducteur, et Björg, sa fille. Le roman alterne, chapitre après chapitre, les points de vue de différents personnages, sans qu’un véritable « inspecteur » - il y en a deux, Valdimur et Haflidi, pas super clairvoyants, c’est là qu’on se rend compte que la figure de l’enquêteur est essentielle pour la cohérence du roman – ne se détache pour relier entre eux les fils. Il y a des invraisemblances manifestes (le pull-over oublié par Sunneva, par Marteinn, par Valdimur, qui constitue quand même un indice particulièrement voyant !). Et puis l’emboîtement des pièces du puzzle a quelque chose de trop systématique. Je n’avais certes pas vu venir du tout le dénouement de l’intrigue – et à ce titre le premier chapitre joue un rôle particulièrement délusoire – mais je ne suis pas sûre non plus d’y avoir entièrement cru. Certains personnages, comme Hildigunnur, la très belle mère de Sunneva et épouse de Gunnar, ou Björg, acquièrent une épaisseur qui ne leur permet pas pourtant d’exister jusqu’à la fin du roman, où ils s’évaporent. Il y a l’improbable « garçon de porcelaine », artiste en meurtres… et toutes sortes de non-dits et de rancœurs – d’ailleurs bien vus - entre des adultes trop libres ou trop coincés et des adolescents égarés. Bilan, une plongée dans des abîmes de la psyché humaine, sous la conduite retorse d’un auteur certes habile, mais non virtuose. Je n’y ai pas, humainement ni intellectuellement, trouvé mon compte.

mercredi, avril 24 2013

Charles Williams - Et la mer profonde et bleue

Non que la lecture de Et La Mer profonde et bleue  soit reposante. Mais quel passionnant thriller ! du genre qu’on est obligé(e) de lâcher de temps à autre pour reprendre – entre meurtres, incendie, espionnage, grains, noyades et autres naufrages – un peu de souffle. Harry Goddard, un yachtman naufragé au grand large des Philippines est recueilli sur un cargo, grâce à l’effet conjugué d’une panne et du regard perçant de l’une des deux passagères – sortie de sa cabine exaspérée par les rugissements d’amour de l’autre passagère. Le reste des occupants du bateau, équipage et passagers, est masculin. Il y a un capitaine falot et bigot, et un second, solaire et sarcastique. Et bien vite, on le comprend, des séquelles très toxiques du nazisme. Les termes de navigation y sont très abondants, témoignant des compétences de l’auteur en ce domaine – lexique suit.

Quant à l’histoire, elle est presque tout entière contée à travers le regard de Goddard (les deux ou trois décrochages de sa perspective sont des maladresses, à mon sens), et de façon tellement cinématographique que c’est à se demander si Williams n’espérait pas voir le roman se transformer en scénario. Goddard, d’ailleurs, est producteur de cinéma. Je n’avais lu de Charles Williams que Fantasia chez les ploucs (The Diamond Bikini, avec le liseron bleu tatoué sur le sein de Miss Harrington), dont j’ai dit ici même, il y a bien longtemps – six ans, ou quasi ! – tout le plaisir que j’avais pris à sa lecture, et Aux Urnes, les ploucs, dont j’ai tout oublié. Je ne connaissais pas sa veine sérieuse. Ce roman maritime, l’avant-dernier avant son suicide sur la mer (ah, eh bien, non, d’après wikipedia, vois-je, c’est une légende. Wikipedia où l’on apprend que l’auteur était, quant à lui, scénariste !), est en tout cas une excellente lecture, de TGV ou d’ailleurs.

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dimanche, avril 21 2013

Westlake - Voleurs à la douzaine

« Ils pénétrèrent dans une longue construction dotée d'une large allée centrale en béton, parsemée de boue et de paille. Quelques ampoules de faible voltage pendaient des poutres en bois brut au-dessus de l'allée et des séparations en bois, à mi-hauteur, bordaient les deux côtés. C'étaient les stalles, occupées aux deux tiers.

En traversant cette première écurie, Dortmunder apprit plusieurs choses au sujet des chevaux : 1) Ils sentent mauvais. 2) Ils respirent, bien plus que tout ce qu'il avait rencontré jusqu'alors dans sa vie. 3) Ils ne dorment pas, même la nuit. 4) Ils ne s'assoient même pas. 5) Ils s'intéressent beaucoup aux gens qui passent. Et 6) ils ont des cous extrêmement longs. Quand deux chevaux qui se trouvaient de chaque côté de Dortmunder, chacun dans sa stalle, tendirent la tête vers lui en retroussant leurs grosses lèvres noires pour montrer leurs énormes dents carrées semblables à des pierres tombales, en reniflant et en soufflant avec leurs narines qui ressemblaient à des canons de fusil, et le mettant en joue, il s'aperçut que l'allée n'était pas si large que ça, finalement.

''Bon sang'', dit Kelp, ce qui ne lui arrivait pas souvent. »


Dortmunder à la campagne, sollicité pour voler « Le Mauvais cheval » - c'est le titre de la nouvelle -, un étalon du tonnerre de dieu, destiné à enrichir une lignée de claquettes par quelques saillies clandestines, vous y auriez pensé ?

Ce sont des nouvelles. Il y en a douze (le recueil s'intitule Voleurs à la douzaine – Thieves'dozen), et je les ai trouvées hier soir sur l'étagère de ma chambre de passage, juste avant de m'effondrer. Je n'en ai lu que quatre, mais je n'attendrai pas une minute (ni un ordinateur en état de marche, le mien ayant collapsé, alas!) pour témoigner de ma jubilation. Et dire que j'ignorais jusqu'à l'existence de ce recueil pourtant publié en 2004 par Westlake, en 2008 par Rivages, et en 2011 pour l'édition de poche, à croire que Stéphane-de-Pages-d'Encre aurait oublié mes monomanies, quant à Sylviane, la pauvre, qui connaissait son rayon poche comme le fond de la sienne, elle a été reléguée au rayon « livres scolaires » ! Si c'est pas du pur gâchis !!!

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vendredi, avril 5 2013

Westlake - Et vous trouvez ça drôle ? (Dortmunder, fin)

Ingrédients, lieux et personnages :

-          Un jeu d’échecs de trois-cents kilos, pièces en or massif et rubis ou perles, plateau d’ébène et ivoire, coffret de teck, destiné au tsar Nicolas II, égaré en pleine explosion révolutionnaire dans le port de Mourmansk, et annexé par une troupe de soldats américains - puis disparu.

-          Le dôme doré à l’or d’une mosquée en construction (« quatre mètres et demi de diamètre, trois et demi de haut »), en attente sur un chantier de Brooklyn. Ça, c’est le projet de Murch, décliné à son grand dépit par le reste de la bande.

-          Une inexpugnable chambre-forte sous un immeuble de soixante étages, avec banque et cabinet de juristes, en pleine Cinquième Avenue

-          Une vaste propriété perdue en pleins bois au cœur des Berkshires (Massachussetts), et fermée depuis trois ans.

-          Un flic en retraite recyclé dans les enquêtes privées, et fort au fait – avec photos – d’agissements illicites antérieurs  de Dortmunder et de sa bande

-          Le descendant floué d’un des soldats américains dépositaires du jeu d’échecs. Chimiste plein-aux-as en retraite. Au demeurant réduit par la maladie à l’état d’infirme, physiquement susceptible d’adopter toutes sortes de formes déconcertantes

-          Un jeune couple de glandeurs installé dans la susdite propriété pour y forniquer à loisir et en toute quiétude.

-          Une jeune avocate et son ami illustrateur, un peu glandeur, et cuistot émérite. La jeune femme étant la petite-fille du chimiste sus-mentionné

-          Une richissime, procédurière, excentrique, descendante d’un autre des soldats qui.... « Livia Northwood Wheeler (...). Elle est plus riche que Dieu. En réalité, elle n’est pas loin de considérer Dieu comme un parvenu. »

-          John Dortmunder, en plein marasme. Je le verrais bien avec la tête de Jean-Pierre Bacri, tiens.

-          Andy Kelp, toujours plus lettré, désormais bien installé avec Anne-Marie. Stan Murch, toujours plus balourd et obsédé par les itinéraires. Judson Blint, la très sexy J.C. et son improbable amant Tiny Bulcher, toujours plus massif, tous trois sortis de Surveille tes arrières, voilà pour la bande.

-          Le O.J. Bar and Grill, of course, avec son arrière salle à l’ampoule nue et ses interminablement oiseuses conversations de bistrot. C’est même là que tout commence.

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dimanche, mars 17 2013

Westlake - Mort de trouille

Mort de trouille (The Scared Stiff). Un Westlake de 2002, celui qui précède juste Argent Facile. Une histoire d’arnaque à l’assurance-vie qui se déroule entre New York et – surtout – le Guerrera, une république bananière d’Amérique du Sud, où l’on peut se racheter une identité, se payer un cadavre à enterrer et autres joyeuses façons de contourner la loi presque sans coup férir. Mais Lola, l’épouse de Barry, a aussi une très nombreuse et très incontrôlable famille, pleine de frères, morts ou vivants, de cousins trafiquants, de pouilleux sans scrupules  à l’égard du gringo, et de somptueuses cousines ... d’où quelques péripéties bien menées. Ce n’est pas un grand Westlake. Seulement un bon moyen de meubler quelques petites heures d’insomnie.

L’article Wikipédia sur Westlake, s’il ne donne pas le lien avec le site officiel de l’écrivain, est assez complet. 

mardi, mars 12 2013

Indridason - Hiver Arctique

« Le froid resserra encore son emprise au fil de la soirée, renforcé par un vent glacial venu du pôle et de la mer, au nord, pour parcourir ce désert hivernal. Il s’élançait du haut de la montagne Skardsheidi, longeait les flancs de l’Esja et parcourait, la gueule béante, les basses terres où s’étendaient les habitations, cette scintillante cité de l’hiver, posée sur l’extrême rive nord du monde. Le vent s’avançait en hurlant à la mort et en sifflant entre les maisons ; il envahissait les rues désertées. La ville hibernait, comme dans l’attente immobile d’une épidémie. Les gens se cloîtraient à l’intérieur. Ils fermaient les portes, les fenêtres, tiraient les rideaux en espérant que, bientôt, la vague de froid prendrait fin. »

Lire Hiver Arctique d’Arnaldur Indridason en pleine tempête de neige a quelque chose de très rigoureusement cohérent. Mutatis mutandis, l’atmosphère extérieure offre à la lecture le décor qui convient. Et il ne cesse de neiger depuis hier soir, routes et rues impraticables, en ce début de mars, on s’y croirait !

Hiver arctique est un Indridason de 2005, traduit par Eric Boury avec son habituel talent et publié en 2009. Il précède donc La Rivière Noire que j’ai lu et chroniqué il y a deux ans, et laisse supposer en effet les raisons pour lesquelles Erlendur aurait disparu sur les traces de son passé depuis deux romans au moins. Si j’en crois Sylviane la libraire, le dernier opus tout récemment publié, Etranges Rivages, le voit justement réapparaître.

Le roman s’ouvre sur le cadavre d’un enfant, à plat ventre sur le sol glacé, un soir dans un quartier pauvre de Reikjavik. L’enfant a été poignardé, et aucune piste manifeste ne se propose aux investigations d’Erlendur, au demeurant en quête d’une femme disparue, ni à celles de ses adjoints Elinborg et Sigurdur Oli. Sur leurs pas le lecteur découvre les mœurs scolaires des Islandais – qui font de la menuiserie au collège -, ou la question de l’immigration en Islande, la mère du jeune garçon assassiné étant thaïlandaise. Si l’enquête ébranle profondément l’inspecteur, c’est que cet enfant mort le renvoie à son deuil fondateur, celui de son jeune frère perdu autrefois dans une tempête de neige. Présent et passé se mêlent dans la conscience d’Erlendur, dont la carapace de silence et de dépression est encore entamée par l’agonie de son mentor, une vieille femme solitaire, et un rêve obsédant de sa fille Eva Lind, peu à peu revenue d’entre les junkies vers elle-même et vers les siens.

Il y a dans la manière de mener l’intrigue de ce roman quelque chose d’un peu languissant, m’a-t-il semblé, et peut-être aussi une propension au dialogue oiseux. Mais le personnage d’Erlendur, comme ceux de ses adjoints, acquiert de l’épaisseur d’un roman à l’autre, et c’est sans doute plus l’enquête sur la psyché d’Erlendur que l’intrigue policière qui nourrit et anime l’intérêt du lecteur.

dimanche, mars 3 2013

Jean Amila - Le Boucher des Hurlus

J’ai emprunté l’autre jour Le Boucher des Hurlus à la bibliothèque. Mon premier Jean Amila, auteur ‘noir’, auteur à pseudos à la réputation sulfureuse. Le voilà lu. J’ai été dès les premières pages empoignée par la vigueur du style, sans fioritures, dru, inventif, et par l’art de camper la situation en quelques mots.

« La mère était rentrée tard et elle avait directement filé à la cuisine.
Il n’y avait pas de salle de bains et le petit garçon pouvait entendre qu’elle se lavait à l’évier. Il faisait ses devoirs et n’avait pas voulu intervenir, mais il se doutait qu’on baignait encore dans le drame.
Plusieurs fois déjà des commères avaient jeté des immondices et des œufs pourris sur la Maman. Alors elle revenait toute sale et, simplement, elle lavait sa peau, son linge, sa coiffure.
Au bout d’un moment, il avait entendu qu’elle ouvrait la cuisine.

-          Ne regarde pas !
C’était pudeur, il la savait déshabillée, traversant la salle à manger pour aller dans la chambre. Mais c’était un tel cri assourdi de bête blessée qu’il avait levé la tête et il l’avait vue.
Elle n’avait guère que son linge du dessous et tenait sa longue jupe et son corsage contre sa poitrine nue. Elle était décoiffée, avec tout un côté du chignon qui tombait en longs cheveux noirs jusqu’à la taille. Et puis elle avait du sang sur le front et sur une oreille.
Elle avait disparu, avant qu’il ait eu le temps de prononcer un mot. Il s’était levé, s’approchant de la porte de chambre refermée.

-          M’man ! Qu’est-ce qu’il y a ?
-          T’occupe pas, je suis tombée.
Il savait que ce n’était pas vrai, pas si simple. Une fois déjà, au marché, il avait entendu les sales commères qui ricanaient au passage de la Maman. Elles disaient salope ! bolchevik !... et même à lui une espèce de grosse pouffiasse avait craché : « Enfant de lâche ! »

Car c’était comme ça dans le quartier. »

La Maman (avec une majuscule) a été attaquée à coups de parapluie par « la Venin », la voisine du dessous et femme de planqué (un gabelou), comme veuve d’un mutin de 17 fusillé pour l’exemple. Le père, avec sa moustache et ses rouflaquettes, qui dans le civil était anarcho-syndicaliste et ouvrier typographe, a fait partie de ceux qui se sont rebellés contre le massacre inutile orchestré par le général des Gringues de 140 000 poilus au Chemin des Dames, dans le coin des Hurlus. Et la société de l’immédiat après-armistice qui tente de se reconstruire sur la légende dorée d’une « Grande Guerre » où se sont sacrifiés sur l’autel de la Patrie des millions de héros, ne peut pas accepter la coexistence avec les proches des « lâches », qu’elle persécute avec la meilleure conscience, comme cela se passe dans cet immeuble de la rue de Bagnolet. Petite chronique de la haine ordinaire. L’enfant, Michou, huit ans, a été rétrogradé de deux classes à l’école, alors qu’il est brillant, la mère subit chaque jour les injures et humiliations de ses voisin(e)s.

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vendredi, février 22 2013

Donald Westlake - Mémoire Morte

Il y avait Speak, Memory, de Nabokov, que je n’ai pas encore lu, d’ailleurs. Et puis j’ai trouvé sur le bureau de mon frère Memory tout court, un Westlake récent dont j’ignorais l’existence, y compris en anglais – c’était un inédit, semble-t-il. En français Mémoire Morte, bien traduit par Gérard de Chergé. Ce n’est pas le roman le plus réjouissant de Westlake. Car justement, la mémoire de Paul Edwin Cole ne parle plus, ou si peu. Sorti de l’hôpital après un coup violent sur la tête (flagrant délit d’adultère, années 60 ?), il se retrouve dépossédé de son histoire, seulement parcouru çà et là par quelques insaisissables réminiscences. Arrivé avec ses quelques dollars de rabe dans une petite ville ouvrière, il s’embauche à la tannerie, tire le diable par la queue, établit cependant quelques fragiles relations, y compris avec une jeune fille gauche et sans beauté, qui ravive en lui le désir. Paul s’entoure de toutes parts de petits papiers aide-mémoire, pour baliser nouvelle et ancienne vie, et tente désespérément de retrouver « l’autre côté du miroir ». C’est peut-être un peu long, car la chronique de gestes - ici légitime puisque ce sont les gestes qui ancrent Paul dans le monde – est omniprésente. C’est, encore, une histoire de « bewilderment[1] », dans un monde presque totalement inapte à l’attention ou à une réelle compassion. Une histoire d’« étranger », désespérante, désespérée.



[1] Perplexité ? selon les termes de Westlake lui-même : « I believe my subject is bewilderment. But I could be wrong... »

 

 

lundi, décembre 31 2012

William Bayer - La Ville des couteaux

C’est étrange comme le roman qu’on lit affecte le temps de lecture. J’ai réussi à terminer – ouf ! sans quoi cela aurait fait un poids supplémentaire dans mon sac; comme d’habitude, j’ai emporté trop de livres, et les livres, ça pèse (non, je n’ai pas envie de m’acheter une liseuse....) – j’ai réussi, donc, à terminer La Ville des couteaux de William Bayer, avant de prendre le train. Certes il y avait du monde et de l’agitation autour de moi ces derniers jours, et les fins d’années sont plus propices au joyeux brouhaha de la cuisine qu’à l’isolement nécessaire à la lecture, mais quand même, j’ai traîné ce bouquin, alors que j’avais avalé d’un trait Le Rêve des chevaux brisés, du même, ici chroniqué il y a déjà pas mal de temps.

Dans Buenos-Aires grouillante de vies hétéroclites, de flics corrompus, de politiciens véreux, de psychanalystes (la plus grande densité du monde de psychanalystes au m2, selon l’auteur), de clubs de tango en tous genres, et hantée par les souvenirs et les séquelles plus que vivaces du péronisme, du « Processus », et de deux attentats antisémites meurtriers, se tressent

-          une enquête policière vite colorée d’intrigues politiques dangereuses et d’une nuance toujours plus intense d’espionnage, menée par l’inspectrice Marta Abecassis, dite « La Incorrupta », en compagnie de son cousin Rolo,

-         autour d’un poignard précieux et vénéneusement symbolique, une (en-)quête conduite par Hank, spécialiste incontesté des armes du troisième Reich,

-          Une quête de la mémoire et des êtres perdus tissée autour de Tomás Hudson, le psychanalyste endeuillé, dont la femme, Sarah, a été « disparue » (cet étrange emploi passif du verbe est une caractéristique de la période) pendant le Processus,

-          une intrigue sentimentale, devenue quête initiatique, placée sous le signe de la passion du tango : ça, c’est Beth Browder, la gringa que l’on suit dans sa découverte des lieux, des êtres et des aîtres du tango porteño, jusqu’au vertige.

Nazisme, tortures, débauches et perversions sadiques. Le Mal rôde, inquiétant, fascinant. Autour duquel le tango fait entendre sa mélodie tragique et entrelace dans ses pas alambiqués ou subtilement épurés des visions antagonistes du monde.

C’est un roman prenant, et pourtant languissant. Très – trop – documenté, jusqu’à en être presque démonstratif, et c’est là sa faiblesse. Mais, même si l’auteur escamote parfois avec quelque désinvolture tel ou tel personnage dès lors qu’il ne lui est plus utile, même si la scène finale ressaisit et renoue les différents fils de l’intrigue de façon un peu forcée, Marta est un beau personnage, comme le sont aussi à leur manière Beth et Hank, ou le journaliste Raul. Comme l’est surtout Buenos-Aires, la ville héroïne, dont la danse et la voix transmettent à travers le roman leur « charme », à tous les sens du terme.

vendredi, juillet 13 2012

Westlake-Coe, Innocence Perdue

Tucker Coe, c’était l’auteur. Le Sang des innocents, c’était le titre, en 1968, chez Gallimard. Aujourd’hui c’est chez Rivages / Noir, le titre en est Innocence Perdue (pour Murder Among Children) et l’auteur en est Westlake, car Tucker Coe est l’un des hétéronymes de Westlake. Le héros de ce roman-là est Mitch Tobin, un flic déchu pour avoir causé par son absence la mort de son coéquipier, occupé qu’il était à une liaison adultère. Depuis, il traîne une misanthropie mâtinée de déprime, enfermé chez lui à bâtir un mur modèle. Mais sollicité par la gracieuse Robin, sa petite cousine, le voilà embarqué dans une affaire de double, puis de triple et bientôt de quadruple meurtre. Pour venir à bout de l’énigme, il lui faudra affronter ses anciens collègues flics, assez mal disposés, dont un inquiétant inspecteur, et renouer avec l’exercice de l’intuition. Les personnages sont bien campés, en particulier sa femme Kate, qui serait comme une sorte de May (la compagne de Dortmunder) paisible, maternelle et chaleureuse, et Tobin lui-même. Quand on a mis le nez dans ce petit roman ingénieux, on ne le lâche pas.

mardi, juillet 10 2012

Marcus Malte – Les Harmoniques, La Part des Chiens...

Mi fugue, mi raisin *....

Deux Marcus Malte, ces dernières semaines : j’avais gardé un souvenir très vif de Garden of love, chroniqué ici il y a bien trois ans (quatre, vérification faite). De l’atmosphère très inquiétante et tout électrisée de fantasmes, de l’ambiguïté des personnages et de la narration, de la langue, incantatoire et poétique, ponctuée de silences. Emprunté donc Les Harmoniques, très jazzy dès le titre et qui emporte. L’histoire d’un duo d’hommes - Bob, le taxi philosophe et jazzophile, dans sa caisse pourrie, une 404 hors d’âge sinon d’usage, et Mister, le grand pianiste noir - en quête de vérité. La vérité sur la mort de Vera, jeune yougoslave brûlée vive dans une prétendue histoire de drogue. De cave en bars, en boîtes, en champs bourbeux, jusqu’à la villa mystérieuse du peintre manchot Josef Kristi, les deux enquêteurs amateurs remontent la piste de Véra dans ses liens avec l’histoire récente et meurtrière de la Yougoslavie, la piste serbe. Ils y rencontrent une suite de douze tableaux en noirs et blancs qui ressuscitent Vera dans son charme et sa terreur, sous le signe du corbeau, sur un mode saisissant. On pense à Hitchcock, mais surtout à Poe, et à Manet.

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samedi, juillet 7 2012

Caryl Férey - Mapuche

Mapuche. Un titre énigmatique sur la couverture d’un gros volume illustré d’une photo en noir et blanc – en gris plutôt - de la pampa, ciel nuageux immense, immense étendue d’herbes en touffes à la lisière desquels un cheval solitaire galope au loin en direction du bord gauche. Pavé parfait pour occuper une insomnie de début de vacances.

C’est un thriller politique, sur fond d’Argentine encore en proie aux séquelles sanglantes des victimes de la / des dictature(s). Avec deux héros saisissants : Jana, indienne mapuche qui, après des années d’abjection imposée par son statut d’indienne, à Buenos Ayres en proie à la crise des années 2000, est devenue sculptrice, et totalement marginale, une grande fille osseuse aux yeux de biche, sans poitrine, habitée par la fureur et le mépris, mais accessible aussi au « lait de la tendresse humaine », lorsqu’elle croise sur sa route d’autres balafrés de la vie, comme son amie Paula/Miguel, le travelo qui la jette dans l’enquête contée par le roman. Et puis Ruben Calderon, détective privé, autre solitaire, qui, rescapé du terrible ESMA, le centre d’interrogatoires du ministère de la Marine, où il a laissé son père, sa petite sœur, et son cœur mis en pièces, travaille pour les Mères de la Place de mai, ces femmes habitées par la volonté farouche de faire ressurgir des années d’étouffement et d’omertà, pour les rendre à la mémoire des hommes, les milliers de « disparus » assassinés et leurs enfants vendus  pour adoption à des couples stériles liés de près ou de loin au pouvoir. Un pouvoir toujours associé, aujourd’hui, aux crimes des années de dictature.

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samedi, juin 2 2012

Monstre sacré, un Westlake de 1989,

traduit et publié en 2011 chez Rivages. Lu d’une traite cet après-midi, quoiqu’il appartienne à la catégorie des Westlake qui mettent mal à l’aise. Dans le demi-délire d’un après-traumatisme qui se précise au fil du roman, le personnage principal, Jack Pine, un acteur complètement ravagé par l’alcoolisme et toutes sortes de drogues diverses, confesse par salves de flashes back plus ou moins contrôlés  le récit de sa vie  à un journaliste étrangement inexpressif en costard gris. Sur le sol d’ardoise d’une luxueuse piscine, taraudé par le soleil et la douleur, il laisse malgré lui au fil des mots émerger le secret qui l’étouffait depuis les origines.

C’est une histoire de double, comme dans Un Jumeau singulier, comme Westlake ne pouvait que les connaître, lui, l’auteur aux identités multiples. Ce n’est pas formidablement traduit. Mais c’est inquiétant, et on se laisse prendre à l’odyssée de Jack Pine (Jack Pine !!! Il a fait exprès, je pense…) dans l’univers clinquant du cinéma. Je verrais bien, à la fin, un clin d’œil à Arsenic et vieilles dentelles, sur un mode plus sombre. A Hitchcock, aussi ?

vendredi, mai 4 2012

Deux Westlake : '361' et 'Surveille tes arrières !'

C’est un Westlake très noir, 361. L’histoire de Ray Kelly, qui à peine démobilisé de son service dans l’aviation, se retrouve très rapidement environné de proches … morts. Quant à lui, le voilà borgne, boiteux, et possédé par une fureur de vengeance meurtrière. Entre fin de la guerre et guerre des gangs, Ray va son chemin chaotique, ponctué de violence, en quête d’un sens à la vie qui est devenue la sienne. C’est un roman de jeunesse, très rythmé, très haché, avec détective privé miteux et honorable, journaliste féru d’histoire du milieu, parrains plus ou moins sur le retour et tueurs à gages, et la quantité de cigarettes et de whisky nécessaire pour donner au roman la couleur noire qui est la sienne. Je l’avais déjà lu, sous le titre antérieur de « L’Assassin de papa » (emprunté sans doute par Marcel Duhamel ? à Georges Fourest  dans sa version sonnet du Cid, « Qu’il est joli garçon l’assassin de papa », c’est la chute du poème), ou peut-être seulement commencé, car je n’avais retenu que certaines scènes du début. Le titre, trop humoristique, ne convenait pas. Mais 361 ? peut-être est-ce une référence aux jeux de cartes, on joue beaucoup aussi, dans ce roman. En tout cas, je n’en ai pas élucidé le mystère.

Un autre. Surveille tes arrières (Watch Your Back) est un Westlake de 2005, et un Dortmunder.

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mercredi, janvier 25 2012

Westlake - Envoyez les Couleurs

Adoncques Envoyez les couleurs n’est pas un « tôlar ». Car de malfrat ou autres escrocs il n’est pas question dans ce Westlake-là. Lequel, contrairement aux apparences, n’est pas des plus récents, il date de 1969. Le titre anglais est « Up Your Banners », et il a connu en 1972 une édition sous le titre « Pour une question de peau », laquelle m’avait complètement échappé. Non que je lusse Westlake en 72, j’en ignorais jusqu’à l’existence, mais depuis.

Quoi qu’il en soit, le bouquin a été republié en 2009, chez Rivages, qui a récupéré tous les Westlake, et la traduction a été revue.

1969, c’est l’année qui a suivi l’assassinat de Martin Luther King. Il devait être en quelque manière gonflé de publier cette année-là un roman passablement humoristique, une comédie romanesque disons, sur la question noire.

Le héros est Oliver Abbott, dont on associe aisément le nom avec « Rabbit », bien qu’il n’en ait, en somme guère de caractéristiques, même s’il est poursuivi pendant un bon chapitre par des types inquiétants. Le reste du temps, il ferait plutôt face, même quand on veut l’escamoter.

Oliver, qui a toujours voulu s’appeler Matthew, est une sorte de distrait superlatif, une variété de Candide sans Pangloss lâché le jour de la rentrée des classes au milieu d’un collège assiégé par des parents et des élèves furieux… à cause de lui. Un type – 27 ans - qui a jusqu’alors traversé la vie sans faire gaffe à ce qui se passait autour, histoire d’échapper à l’emprise de Papa, très austère, très directif (et pour cause, c’est lui, le directeur blanc du collège à majorité noire), très coincé, et de maman, très soumise, très inquiète, très protectrice. Lesquels lui  ont soigneusement dissimulé que c’était SA nomination à Schuyler Colfax College qui était cause de la campagne de lettres anonymes envoyées chez eux par  « un groupuscule d’énervés » tout au long de l’été.

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mercredi, janvier 4 2012

Incise lexicale, à propos de Dortmunder

Mon amie Valérie, à qui j’offris il y a peu Pierre qui roule, étrange retraduction Rivages de The Hot Rock, autrefois traduit en Folio par Pierre qui brûle, titre beaucoup plus heureux et fidèle à ce roman ici évoqué il y a déjà quelque temps, mon amie Valérie donc s’interroge sur la manière de désigner ce Dortmunder qui n’est certes pas un polar, vu le rôle très mineur qu’y joue la police, comme dans tout Westlake qui se respecte. Pas polar, donc « tôlard » suggère-t-elle. Ah ! ah ! ah ! c’est une trouvaille ! j’adore, j’adopte. Il me reste justement à lire très bientôt un autre « tôlar » ( ?) de Westlake : Envoyez les couleurs. J’espère que c’est un bon.

Et voici un article sur Dortmunder, en anglais. Je ne sais pas ce qu'est un "caper novel" : un roman à péripéties ? "caper" est soit la câpre, soit la gambade.... Un roman "à sauts et à gambades"..., why not ?

lundi, juillet 11 2011

Richard Price - Le Samaritain

Des quartiers dégradés, rongés, effilochés par ce que la misère, l’idéologie, la technocratie ont fait d’eux au fil des décennies, des familles, appesanties et disloquées par des générations de dèche, de débrouille et de dépendance, des individus, entre destruction et construction, entre déprime et liberté.

Tel est le fond, gris sale au dehors, très noir au-dedans, sur lequel s’établit, s’emboîte l’intrigue du Samaritain, de Richard Price. Construit, sur un mode cinématographique, en brefs chapitres éclatés (mais toujours raccord, Ray est scénariste) passé /présent de janvier à mars d’une année au décor incertain, entre la zone de Dempsy, New Jersey, où a grandi Ray Mitchell, New York City, et une maison du quartier de Little Venice, au bord de l’Hudson, où il vit désormais - eau, ciels, vaste paysage urbain inachevé, statue de la liberté érigée, solitaire.

Il y a quatre familles, qui gravitent autour de quatre individus : pour le passé, Ray et Nerese alias Tweetie, liés depuis l’enfance par une dette de reconnaissance. C’est la première histoire que conte Ray à sa fille Ruby. Pour le présent Ruby, la fille adolescente de Ray, Salim, son ancien élève entre talent et dérive, et Danielle, la fille de Carla, liés eux aussi à lui par une dette de reconnaissance. Car Ray est un Don Quichotte insatiable, effréné, compulsif. Bourrelé de remords plus ou moins explicites et éperdument porté à secourir la veuve et l’orphelin, sur fond de dèche, de drogue, de violences raciales.

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mardi, mai 31 2011

Steven Saylor - Un Egyptien dans la ville

Un Égyptien dans la ville, de Steven Saylor, est un livre brillant. Le titre anglais est The Venus Throw, Le Coup de Vénus, aux dés, lorsque ceux-ci étaient des astragales de moutons, et ne portaient que quatre chiffres I, II, IV et VI. C’est précisément cela, le coup de Vénus, obtenir la suite des quatre chiffres, et c’est un signe de chance ; quatre, comme il y  a quatre parties brillamment paronomastiques à ce roman policier romain de la collection «  Grands détectives »  chez 10/18. Nex, Noxia, Nox, Nexus : «  meurtre, crime, ténèbres, nœud[1] » . C’est le quatrième de la série des aventures de Gordien, le «  privé »  romain, chacune organisée autour d’un épisode majeur de l’histoire politique et littéraire de la Rome républicaine : Du Sang sur Rome tourne autour du procès de Roscius d’Amérie, plaidé par le tout jeune Cicéron en 80 avant J.C., à la toute fin de la dictature de Sylla, L’Etreinte de Némésis (en fait, Le Bras de Némésis), se déroule pendant la révolte de Spartacus, autour de la figure de Crassus, L’Enigme de Catilina évidemment autour de la conjuration du même, avec Cicéron encore au cœur de l’intrigue, et enfin celui-ci, que j’admire tout particulièrement. Je viens de le relire, pour cause de cours, et j’en ai éprouvé un extrême plaisir. Sans doute parce qu’il ressuscite avec brio des personnages et des textes qui me sont particulièrement chers : Clodia, la sulfureuse amante du jeune poète Catulle, pour laquelle il atteint dans son œuvre si brève des sommets d’intensité dans la passion amoureuse et l’invective, Catulle lui-même, ombre désemparée et sardonique, traînant sa souffrance d’amant délaissé, Clodius, le mari, euh… le frère de Clodia (le lapsus épigrammatique est de Cicéron), l’agitateur politique et démagogue féroce, Caelius enfin, le jeune et brillant orateur, dépravé, velléitaire, accusé par Clodia d’avoir voulu l’empoisonner. Le tout sur fond d’« Affaire égyptienne », au moment se joue l’indépendance de ce grand et vénérable pays, et où une délégation d’émissaires vient d’être méthodiquement éliminée, parmi lesquels le philosophe académicien Dion d’Alexandrie - et Caelius est impliqué aussi dans cette affaire.

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samedi, octobre 2 2010

Donald Westlake - Argent facile

Money for nothing. C’est un Westlake que je n’avais jamais lu. J’en ignorais même l’existence avant de le trouver sur les rayons de la bibliothèque. Publié en 2003, traduit en 2007. Entamé hier tard, terminé ce matin.

Josh Redmont, un type ordinaire, juste un peu immoral - comme souvent chez Westlake, où les héros ont presque toujours en eux à la fois un lien intime très fort avec un ou des proches, et une sorte de froideur, de détachement, doublés d’une indifférence relative aux canons de la loi et de la morale. Innés, ou acquis au gré des circonstances. Celui-ci a, un jour de sa prime jeunesse, alors qu’il était intérimaire, encaissé un chèque de mille dollars, qu’il a vu se renouveler mois après mois, sans jamais pouvoir d’abord, puis ensuite essayer de savoir d’où il provenait vraiment, ni à quoi il l’exposait. Pendant sept ans, quatre-vingt-quatre mille dollars, qui se sont peu à peu intégrés sans presque plus d’arrière-pensées à ce qu’est devenu la vie de Josh : une vie de cadre, dans la pub, stable, aisé, bel appart’, une femme tendrement aimée, Eve, et un fils de deux ans, Jeremy. Jusqu’au jour de juillet 1999* ( ?) où les chèques le rattrapent sur un terminal de ferry pour Fire Island, comme il va rejoindre pour le week end femme et enfant en vacances. Voilà Josh recruté comme « espion passif » ( ?), à son corps défendant, mais que peut-il faire ? Son appartement est investi par d’étranges étrangers (étrangère), il y trouve des armes et des uniformes, et il voit avec terreur se dessiner un avenir non moins affolant que fatal. Sauf que Josh se révèle, à lui-même aussi, comme un type de ressources, imaginatif, et capable de gauchir le cours des choses.

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dimanche, septembre 12 2010

James Lee Burke - La Descente de Pégase

Dave Robicheaux traîne un lourd remords. Dans les années 80, complètement ivre, il a vu exécuter sous ses yeux son ami Dallas Klein, ancien héros du Vietnam recyclé comme convoyeur de fonds et compromis avec la mafia des jeux, sans pouvoir intervenir. Et voici qu’au détour d’une enquête, vingt ans plus tard, la fille de celui-ci reparaît dans l’univers des casinos, et avec semble-t-il un réel talent pour l’arnaque. Un lot magnifique au demeurant, cette Trish Klein, pour laquelle en pince cet autre ami de DR, recyclé quant à lui en détective privé, et lui aussi très porté sur les boissons alcoolisées, Clete Purcell, un gaffeur, une tête-brûlée et un sentimental. Loyal en outre, malgré ses addictions diverses et ses accès de fureur. Outre Trish Klein et sa vendetta, Dave  a sur les bras un homme crustacé, demi-squelette noyé dans un fossé en contrebas de la route. Vieille affaire de délit de fuite sous laquelle il subodore un meurtre de vagabond. Et puis il y a le suicide ? de la jeune, belle, joyeuse Yvonne Darbonne, retrouvée dans la boue d’un terrain vague, shootée, ivre, et manifestement victime d’une tournante... Sur son T.shirt, un cheval ailé. L’emblème d’un casino et d’un champ de course dirigés par Whitey Bruxal, personnage inquiétant à l’origine de l’assassinat de Dallas Klein. Celui, sans doute, que vise Trish Klein (Trish... quel nom pour une tricheuse !)

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mardi, août 24 2010

Hillerman (suite) - Blaireau se cache

Blaireau se cache (Hunting Badger), c’est beaucoup mieux que L’Homme squelette, et antérieur. On y retrouve Joe Leaphorn en début de retraite, et les prémices du penchant de Jim Chee pour l’épatante et gracieuse Bernie Manuelito. Les deux hommes (« le légendaire lieutenant » et celui qui se découvre son disciple) mènent à leur rationnelle et imaginative manière leur enquête sur un hold up avec double meurtre dans un casino de réserve indienne, et évaporation subséquente des meurtriers - en marge du tralala médiatique et vain accompli par le FBI, à grands renforts de fonctionnaires stylés et d’équipement ultra-moderne. Se fondant sur leur connaissance du territoire et sur celle des mythes Utes et Navajo tels que les étudie l’accorte professeur Louisa Bourebonette, pour laquelle le veuf Leaphorn n’éprouve pas que de l’indifférence, et selon une méthode rigoureuse d’association et d’interprétation des faits, ils sauront, au prix d’une cheville foulée pour Jim Chee, retrouver meurtriers et butin, rachetant ainsi un récent et encore cuisant fiasco d’enquête du FBI sur un autre meurtre de policier - pour la plus grande gloire de la police locale, de sa camaraderie et de son sens de l’humour.

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