William Bayer - La Ville des couteaux

C’est étrange comme le roman qu’on lit affecte le temps de lecture. J’ai réussi à terminer – ouf ! sans quoi cela aurait fait un poids supplémentaire dans mon sac; comme d’habitude, j’ai emporté trop de livres, et les livres, ça pèse (non, je n’ai pas envie de m’acheter une liseuse....) – j’ai réussi, donc, à terminer La Ville des couteaux de William Bayer, avant de prendre le train. Certes il y avait du monde et de l’agitation autour de moi ces derniers jours, et les fins d’années sont plus propices au joyeux brouhaha de la cuisine qu’à l’isolement nécessaire à la lecture, mais quand même, j’ai traîné ce bouquin, alors que j’avais avalé d’un trait Le Rêve des chevaux brisés, du même, ici chroniqué il y a déjà pas mal de temps.

Dans Buenos-Aires grouillante de vies hétéroclites, de flics corrompus, de politiciens véreux, de psychanalystes (la plus grande densité du monde de psychanalystes au m2, selon l’auteur), de clubs de tango en tous genres, et hantée par les souvenirs et les séquelles plus que vivaces du péronisme, du « Processus », et de deux attentats antisémites meurtriers, se tressent

-          une enquête policière vite colorée d’intrigues politiques dangereuses et d’une nuance toujours plus intense d’espionnage, menée par l’inspectrice Marta Abecassis, dite « La Incorrupta », en compagnie de son cousin Rolo,

-         autour d’un poignard précieux et vénéneusement symbolique, une (en-)quête conduite par Hank, spécialiste incontesté des armes du troisième Reich,

-          Une quête de la mémoire et des êtres perdus tissée autour de Tomás Hudson, le psychanalyste endeuillé, dont la femme, Sarah, a été « disparue » (cet étrange emploi passif du verbe est une caractéristique de la période) pendant le Processus,

-          une intrigue sentimentale, devenue quête initiatique, placée sous le signe de la passion du tango : ça, c’est Beth Browder, la gringa que l’on suit dans sa découverte des lieux, des êtres et des aîtres du tango porteño, jusqu’au vertige.

Nazisme, tortures, débauches et perversions sadiques. Le Mal rôde, inquiétant, fascinant. Autour duquel le tango fait entendre sa mélodie tragique et entrelace dans ses pas alambiqués ou subtilement épurés des visions antagonistes du monde.

C’est un roman prenant, et pourtant languissant. Très – trop – documenté, jusqu’à en être presque démonstratif, et c’est là sa faiblesse. Mais, même si l’auteur escamote parfois avec quelque désinvolture tel ou tel personnage dès lors qu’il ne lui est plus utile, même si la scène finale ressaisit et renoue les différents fils de l’intrigue de façon un peu forcée, Marta est un beau personnage, comme le sont aussi à leur manière Beth et Hank, ou le journaliste Raul. Comme l’est surtout Buenos-Aires, la ville héroïne, dont la danse et la voix transmettent à travers le roman leur « charme », à tous les sens du terme.

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