Deux Westlake : '361' et 'Surveille tes arrières !'
Par Agnès Orosco le vendredi, mai 4 2012, 16:19 - Noirs, thrillers, polars - Lien permanent
C’est un Westlake très noir, 361. L’histoire de Ray Kelly, qui à peine démobilisé de son service dans l’aviation, se retrouve très rapidement environné de proches … morts. Quant à lui, le voilà borgne, boiteux, et possédé par une fureur de vengeance meurtrière. Entre fin de la guerre et guerre des gangs, Ray va son chemin chaotique, ponctué de violence, en quête d’un sens à la vie qui est devenue la sienne. C’est un roman de jeunesse, très rythmé, très haché, avec détective privé miteux et honorable, journaliste féru d’histoire du milieu, parrains plus ou moins sur le retour et tueurs à gages, et la quantité de cigarettes et de whisky nécessaire pour donner au roman la couleur noire qui est la sienne. Je l’avais déjà lu, sous le titre antérieur de « L’Assassin de papa » (emprunté sans doute par Marcel Duhamel ? à Georges Fourest dans sa version sonnet du Cid, « Qu’il est joli garçon l’assassin de papa », c’est la chute du poème), ou peut-être seulement commencé, car je n’avais retenu que certaines scènes du début. Le titre, trop humoristique, ne convenait pas. Mais 361 ? peut-être est-ce une référence aux jeux de cartes, on joue beaucoup aussi, dans ce roman. En tout cas, je n’en ai pas élucidé le mystère.
Un autre. Surveille tes arrières (Watch Your Back) est un Westlake de 2005, et un Dortmunder.
Pas mal. Avec une intrigue assez touffue à double foyer : la première tourne autour du O.J. Bar and Grill, le lieu de rancart de la bande, investie par des types patibulaires en chemises voyantes, qui ont condamné les toilettes femmes (« Lassie ») et semblent avoir réduit Rollo, le patron, à quia et à la déprime, la seconde autour d’Arnie Albright le-receleur-qui-pue, ou plutôt qui puait, puisqu’à la suite d’un séjour au Club Med, il est devenu presque normal. Lequel séjour lui a donné une idée de casse, et voilà le second foyer de l’action, qui nous entraîne sur une île paradisiaque au large de la Floride auprès de l’infiniment patibulaire Preston Fareweather, le pigeon potentiel, et de son homme de compagnie, Alan Pinkleton (« Le visage simiesque d’Alan se plissa. On aurait dit une noix ; une noix coiffée d’une casquette des Red Sox, avec des lunettes de soleil »), un type cultivé et désabusé. Poursuivi par ses quatre ex-épouses associées, Fareweather a dû quitter le territoire américain et son somptueux appartement new-yorkais sur Manhattan, lequel est, depuis trois ans, vide, quoique plein à craquer d’œuvres d’art et autres objets de luxe - et vous voyez d’ici quel est le coup possible. Sauf qu’évidemment, sinon ce ne serait pas un Dortmunder, l’affaire du O.J. Bar vient se mettre à la traverse, ou peut-être pas ? Il y a aussi un jeunot en quête de formation, Judson Blint, qui, sous la houlette de Tiny l’armoire à glace et de son égérie J.C. fait dans la bande et dans l’histoire des débuts prometteurs. On sourit souvent, on rit parfois. Il y a peut-être un peu trop de dialogues oiseux, qui donnent le sentiment que Westlake tire à la ligne, mais l’ensemble est assez réussi pour faire passer au lecteur une allègre après-midi de vacances, en attendant le prochain, Get Real (2009), à paraître.