Donald Westlake - Argent facile

Money for nothing. C’est un Westlake que je n’avais jamais lu. J’en ignorais même l’existence avant de le trouver sur les rayons de la bibliothèque. Publié en 2003, traduit en 2007. Entamé hier tard, terminé ce matin.

Josh Redmont, un type ordinaire, juste un peu immoral - comme souvent chez Westlake, où les héros ont presque toujours en eux à la fois un lien intime très fort avec un ou des proches, et une sorte de froideur, de détachement, doublés d’une indifférence relative aux canons de la loi et de la morale. Innés, ou acquis au gré des circonstances. Celui-ci a, un jour de sa prime jeunesse, alors qu’il était intérimaire, encaissé un chèque de mille dollars, qu’il a vu se renouveler mois après mois, sans jamais pouvoir d’abord, puis ensuite essayer de savoir d’où il provenait vraiment, ni à quoi il l’exposait. Pendant sept ans, quatre-vingt-quatre mille dollars, qui se sont peu à peu intégrés sans presque plus d’arrière-pensées à ce qu’est devenu la vie de Josh : une vie de cadre, dans la pub, stable, aisé, bel appart’, une femme tendrement aimée, Eve, et un fils de deux ans, Jeremy. Jusqu’au jour de juillet 1999* ( ?) où les chèques le rattrapent sur un terminal de ferry pour Fire Island, comme il va rejoindre pour le week end femme et enfant en vacances. Voilà Josh recruté comme « espion passif » ( ?), à son corps défendant, mais que peut-il faire ? Son appartement est investi par d’étranges étrangers (étrangère), il y trouve des armes et des uniformes, et il voit avec terreur se dessiner un avenir non moins affolant que fatal. Sauf que Josh se révèle, à lui-même aussi, comme un type de ressources, imaginatif, et capable de gauchir le cours des choses.

C’est bigrement efficace. Toujours très cinématographique, dans l’écriture (les scènes dans la vieille demeure « gothique », à la Hitchcock ? avec les bandits et la vieille dame égarée...) comme dans les références : « Assis à côté d’elle [Tina, l’espionne aux interminables ‘jambes chatoyantes’], Josh avait l’impression de promener son guépard domestique » (Bringing Up Baby, isn’t it ?), tissant habilement angoisse et humour. La faute de Josh est si terriblement humaine qu’on ne peut faire autrement que de s’identifier à lui : il a accepté de l’argent immérité, et voici qu’il doit payer, et qu’à la peur obsédante qui l’a investi s’ajoute une culpabilité quasi « originelle ».

Le salut est dans le monde du jeu, du théâtre.  Si c’est moins noir que « Le Couperet », la morale n’y est pas plus sauve, et pourquoi diable y prend-on un tel plaisir ?

* Ben non, ça n’est pas possible : bien qu’il soit dit dans le texte que « cette routine [de l’arrivée du chèque] franchirait bientôt le nouveau millénaire », il n’y a eu de vendredi 15 juillet qu’en 1994, et en 2005., j'ai vérifié. Gauchissement du réel, là aussi.

« I believe my subject is bewilderment...
... but I could be wrong »

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