James Lee Burke - La Descente de Pégase
Par Agnès Orosco le dimanche, septembre 12 2010, 10:42 - Noirs, thrillers, polars - Lien permanent
Dave Robicheaux traîne un lourd remords. Dans les années 80, complètement ivre, il a vu exécuter sous ses yeux son ami Dallas Klein, ancien héros du Vietnam recyclé comme convoyeur de fonds et compromis avec la mafia des jeux, sans pouvoir intervenir. Et voici qu’au détour d’une enquête, vingt ans plus tard, la fille de celui-ci reparaît dans l’univers des casinos, et avec semble-t-il un réel talent pour l’arnaque. Un lot magnifique au demeurant, cette Trish Klein, pour laquelle en pince cet autre ami de DR, recyclé quant à lui en détective privé, et lui aussi très porté sur les boissons alcoolisées, Clete Purcell, un gaffeur, une tête-brûlée et un sentimental. Loyal en outre, malgré ses addictions diverses et ses accès de fureur. Outre Trish Klein et sa vendetta, Dave a sur les bras un homme crustacé, demi-squelette noyé dans un fossé en contrebas de la route. Vieille affaire de délit de fuite sous laquelle il subodore un meurtre de vagabond. Et puis il y a le suicide ? de la jeune, belle, joyeuse Yvonne Darbonne, retrouvée dans la boue d’un terrain vague, shootée, ivre, et manifestement victime d’une tournante... Sur son T.shirt, un cheval ailé. L’emblème d’un casino et d’un champ de course dirigés par Whitey Bruxal, personnage inquiétant à l’origine de l’assassinat de Dallas Klein. Celui, sans doute, que vise Trish Klein (Trish... quel nom pour une tricheuse !)
Il y a des noirs, des blancs, des créoles. Des gens louches de tout poil. Une jeunesse dorée amorale, éprise de fêtes et de castagne. Toutes sortes de gens imbuvables dans la pègre comme dans la police, et ne parlons pas du FBI, encore que l’agent Betsy Mossbacher ne manque pas de pittoresque. Une huile de la pègre locale nommé Bellérophon – Bello - Lujan. En tout cas, Dave étant un têtu, sachez qu’il parviendra à renouer les fils de l’écheveau qui relie Dallas et Trish Klein, Yvonne Darbonne, l’homme crustacé, avec Bello Lujan, son pote Bruxal et les fils d’iceux, aidé par la complicité bienveillante de sa chef, Helen Soileau et de quelques autres, dont sa femme Molly.
Pégase
et Bellérophon, vous voyez le lien. Il y a de beaux chevaux (des juments plutôt
d’ailleurs, bizarrement) dans le roman. Et Bello Lujan est habité par un
orgueil dévorant (l’hubris grecque, la démesure qui offense les dieux) qui va
le conduire à sa perte, lui qui aura causé celle de tant d’autres. Dans la
mythologie, Bellérophon, après avoir conquis Pégase, le cheval ailé né de la tête
tranchée de Méduse, et accompli divers exploits comme de tuer
C’est bien, ça se lit d’une traite (il vaut mieux d’ailleurs car les personnages grouillent et l’on peut risquer de s’y perdre), l’intrigue policière est sous-tendue par une réflexion fraternelle sur les excès, les peines et les violences des hommes, c’est bien mené et ce n’est pas mal écrit, mais j’ai trouvé que ça manquait de souffle et de verdeur, et que ça avait un peu l’air écrit au kilomètre (on se tape à peu près toutes les étreintes – tendres et sensuelles, certes – de Dave et Molly...), comme lorsque l’on ficelle un épisode de série avec une inspiration relative. Dave est fatigué, il aurait besoin de prendre sa retraite. Tavernier en tirera peut-être un film magique et fantomatique, magnifié par la stature de Tommy Lee Jones. En attendant, JLB, qui dédie ce roman à ses petits-enfants, devrait envisager, lui aussi, une pause. La fin du roman s’engloutit dans les ravages de l’ouragan Katrina, l’Histoire rattrape le roman, et l’épilogue, lourdement explicatif, ne nous dit rien du sort de la belle Trish, escamotée au détour d’une phrase. Elle aussi, sans doute, a joué la fille de l’air^^.