Le
titre est plaisant, suggestif. La couverture épatante, appétante : j’aime
les planches botaniques, et celle-ci est particulièrement jolie : rameau
fleuri, fruit (cox orange ? boskop ?), coupe
transversale, coupe longitudinale, et les pépins, bien nets, dans leur loge
étoilée, dans leurs loges jumelles, ou tout seuls sur la planche, graines
modestes, sources de saveur, promesse de renaissance. J’ai cru un moment que
l’éditeur était Phébus, il y a des couvertures de ce genre pour André Dhôtel me
semble-t-il, mais non : c’est Anne Carrière, dont j’ai ainsi
découvertl’existence.
Dès
la première page, les fruits du verger familial entrent en résonance étroite
avec la vie des habitants. Les groseilles rouges sont devenues à tout jamais
blanches à la mort d’Anna, on en fait une gelée de larmes. Et puis il y
a le grand pommier au cœur du verger, qui a pu fleurir ou défleurir, ou porter
brusquement une moisson de fruits, au fil des heurs et des malheurs de la
famille. Iris est la dernière rejetonne d’une lignée de femmes : Bertha,
la grand-mère récemment décédée, toujours plus égarée au fil du temps, et ses
trois filles devenues ses « mères », Inga, Harriet et Christa, avec
leurs drames et leurs tourments intimes. Restée seule dans un hors-temps de sa
vie de bibliothécaire célibataire, Iris explore la maison désertée et ses
aîtres, dont elle est l’héritière, sur les traces du passé familial et de son
propre passé. C’est elle la narratrice, comme elle est aussi le témoin partiel
des drames et des secrets de la famille, que son séjour dans la maison va lui
permettre d’explorer, de retrouver, de racheter. Et puis il y a Max, dernier
témoin de leur enfance et de leur adolescence, resté sur place par fidélité au
bourg, à son « lac noir, [ses] forêts de bouleaux, [son] écluse et [ses]
nuages au-dessus des pâturages gorgés de pluie ». Max, qui est avoué,
et justement chargé de la succession de la famille, et qui voit sans cesse
surgir au cœur de sa solitude Iris en ses très excentriques équipées hors de la
maison - contrepoint sentimental et souvent humoristique à la gravité du
propos, à la réflexion qu’il offre sur la mémoire et son absence, sur la
transmission.
C’est
un joli roman, une histoire sombre et sobre, teintée étrangement d’une aura de
magie presque latino-américaine.
C’est
Sylviane, à la librairie Martelle, qui me l’a conseillé comme livre à offrir.
Après quoi, appâtée, je l’ai emprunté à Virginie, et je l’ailu. En cet automne fécond, si vous aimez les
livres, les travaux du jardin, et les conserves et concoctions d’avant l’hiver,
laissez-vous séduire et suivez Iris, ses robes du soir, sa bicyclette et ses
fantômes sur ses chemins semés de pépins de pommes.
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