Marcus Malte – Les Harmoniques, La Part des Chiens...

Mi fugue, mi raisin *....

Deux Marcus Malte, ces dernières semaines : j’avais gardé un souvenir très vif de Garden of love, chroniqué ici il y a bien trois ans (quatre, vérification faite). De l’atmosphère très inquiétante et tout électrisée de fantasmes, de l’ambiguïté des personnages et de la narration, de la langue, incantatoire et poétique, ponctuée de silences. Emprunté donc Les Harmoniques, très jazzy dès le titre et qui emporte. L’histoire d’un duo d’hommes - Bob, le taxi philosophe et jazzophile, dans sa caisse pourrie, une 404 hors d’âge sinon d’usage, et Mister, le grand pianiste noir - en quête de vérité. La vérité sur la mort de Vera, jeune yougoslave brûlée vive dans une prétendue histoire de drogue. De cave en bars, en boîtes, en champs bourbeux, jusqu’à la villa mystérieuse du peintre manchot Josef Kristi, les deux enquêteurs amateurs remontent la piste de Véra dans ses liens avec l’histoire récente et meurtrière de la Yougoslavie, la piste serbe. Ils y rencontrent une suite de douze tableaux en noirs et blancs qui ressuscitent Vera dans son charme et sa terreur, sous le signe du corbeau, sur un mode saisissant. On pense à Hitchcock, mais surtout à Poe, et à Manet.

Il y a un ministre de l’intérieur cynique, despotique et amoral (Karoly, les voyelles sont familières) et son épouse, ex-femme du peintre, Célia, je ne suis pas sûre que le roman n’y perde pas en force, s’il y gagne en ancrage contemporain.  On suit donc, le cœur battant, au rythme syncopé du jazz, les deux détectives amateurs dans les aléas parfois brutaux de leur enquête, jusqu’à un ultime chapitre tellement explicatif et rationnel – sans pour autant rayonner de vraisemblance – qu’il aplatit le plaisir de la lecture. Dommage.

Quant à La Part des chiens, non, vraiment, j’ai calé en route, à tel point que me voici dans le train sans lire, alors que ce pavé alourdit mon sac. Malgré la belle photo noire et grise, esquissée et suggestive, de l’auteur (agence Gamma) sur la couverture, malgré la langue toujours riche et poétique, malgré l’idée de ce personnage principal, Zodiak, au corps tatoué de constellations et versé dans la connaissances des gouffres célestes et humains, malgré la beauté de son « inaccessible étoile » disparue, Sonia, la blonde funambule de l’extrême, il y a trop de brutalité, de sadisme – et par conséquent de voyeurisme imposé au lecteur – pour que l’on se sente, comme l’auteur nous y invite, en quelque manière impliqués dans la quête des deux « héros », Zodiak déjà nommé, et Roman, son « chien », beau-frère, et jumeau de la disparue.  Trop de sang, trop d’abjection, trop d’intellect et d’ésotérisme plaqué aussi, guère de chair malgré les carnages, ni d’émotion. On ne peut éprouver de sympathie pour Zodiak, encore moins pour Roman, ni pour quelqu’une de leurs victimes trop anonymes. J’ai calé au moment où le second mettait au court-bouillon la tête du nabot cynique autour duquel pivote l’intrigue. Non merci, j’arrête, pas envie de m’attabler à ce repas-là. D’être, en somme, une lectrice captive, voyeuse, victime.

* Hommage à une lointaine émission de Bertrand Jérôme, du temps où il n'était pas encore BJ...

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