samedi, juin 4 2016

PRESENTATION DU BLOG

Le lycée Pierre de La Ramée de Saint-Quentin a souhaité participer à la commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale en élaborant un projet pluriannuel (2014-2018) permettant d'étudier l'impact de la Première Guerre mondiale sur la ville de Saint-Quentin et ses habitants.
La ville a en effet été occupée par les Allemands du 28 août 1914 jusqu'en mars 1917. A la fin du conflit, elle est détruite à 80%.
Ce blog a été créé afin de faire connaître les différentes formes de l'occupation allemande et ses conséquences sur la vie quotidienne des Saint-Quentinois.

Durant cette année scolaire 2013-2014, les élèves de 1ère L et de 1ère ES, encadrés par Coralie Diot et Bertrand Bonneville, professeurs d'Histoire-Géographie, ont travaillé sur la présentation de la ville à la veille de la guerre, sur les conséquences du succès de l'offensive allemande et sur les débuts de l'occupation jusqu'en décembre 1914.

Le travail a été réalisé par ateliers dans la cadre de l'Accompagnement Personnalisé, à partir des sources locales : Archives municipales, Bibliothèque Municipale et Société Académique de Saint-Quentin.
Le livre d’Elie Fleury, Sous la Botte. Histoire de la ville de Saint-Quentin pendant l'occupation allemande. Août 1914-Février 1917 (Editeur Paul Dupré, Saint-Quentin, 1925) a aussi été une source essentielle dans notre travail.

Elie Fleury

Elie Fleury, en 1914, est le directeur du Journal de Saint-Quentin.
Après la guerre, il écrit un témoignage exceptionnel sur l’occupation allemande à Saint-Quentin d’Août 1914 à Février 1917 dans son livre Sous la Botte qui paraît en 1925 chez un éditeur saint-quentinois.

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Edition de 1925.

Par sa fonction de directeur du journal local, Elie Fleury peut être considéré comme un notable à Saint-Quentin. Il connait et fréquente les élites politiques et économiques de la ville.
Il aura des contacts privilégiés durant toute la guerre avec les autorités civiles françaises (le maire, le sous-préfet, le député) et avec les autorités militaires allemandes.

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Source : Société Académique de Saint-Quentin - Les membres de la Commission des bons de guerre contrôlent leur fabrication. Ils se réunissent de 1914 à 1917 dans les locaux de l'imprimerie du Journal de Saint-Quentin. Elie Fleury est au pupitre à l'arrière-plan. Le sous-préfet Vittini, le député Frédéric Hugues, le maire Arthur Gibert font partie de la Commission.

Le livre d'Elie Fleury donne un grand nombre d'anecdotes et d'informations sur la période de l'occupation allemande.
Il est aussi écrit, aprés la guerre, par un patriote qui met systématiquement en valeur le courage des Saint-Quentinois face à un occupant allemand présenté toujours de manière négative.

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Edition de 1925

Chronologie

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Source : Bibliothèque Municipale - Vue de la ville photographiée depuis un ballon dirigeable, 1910

3 Août 1914 : Entrée en guerre de la France.

4 Août 1914 : L'armée allemande envahit la Belgique.

23 Août 1914 : Les Allemands s'installent à Charleroi et à Mons. Les Anglais commencent à s'installer à Saint-Quentin.

24-25-26 Août 1914 : Exode massif des Belges et Français fuyant l'avancée allemande.

26 Août 1914 : Rencontre entre les généraux Joffre et French (britannique) à Saint-Quentin. Les Allemands passent par Le Cateau, puis se dirigent vers Guise. Prise de Cambrai et de Landrecies.

28 août 1914 : Les armées allemandes entrent dans Saint-Quentin

31 Août 1914 : Les armées allemandes entrent dans Amiens et Soissons.

1er Septembre 1914 : Les Allemands prennent Compiègne.

9 Septembre 1914 : Le général Von Moltke ordonne le repli des armées allemandes sur l’Aisne.

13-21 Septembre 1914 : Bataille de l'Aisne.

23 Septembre 1914 : Chasse à l'homme dans Saint-Quentin, les Allemands recherchent les militaires qui se cachent.

Octobre 1914 : Les populations occupées doivent apporter leur or aux autorités allemandes. Guillaume II fait sa première apparition à Saint-Quentin.

Décembre 1914 : Guillaume II revient à Saint-Quentin.

Janvier 1915 : Bataille de Soissons.

Décembre 1915 : les Allemands donnent 4 jours aux soldats cachés aux environs de Saint-Quentin, pour se livrer, sous peine d'exécution s'ils sont retrouvés.

Eté 1916 : A Saint-Quentin, 272 hommes sont faits prisonniers et sont envoyés dans des camps de prisonniers en Allemagne.

1er juillet-18 Novembre 1916 : Bataille de la Somme.

19-20 Janvier 1917 : Des habitants de Guise sont évacués dans le cadre de la politique allemande de délestage de la zone occupée, ils rejoignent d'autres évacués à Avesnes dans des conditions effroyables.

Mars 1917 : La totalité de la population de Saint-Quentin (43 000 habitants) est déportée vers le Nord ou la Belgique tandis qu'un pillage systématique de la ville est organisé.

16 Avril 1917 : Début de l'offensive française sur la Chemin des Dames.

20 Novembre- 7 Décembre 1917 : Bataille de Cambrai.

1er Octobre 1918 : Libération de Saint-Quentin par la première armée française.

1919 : retour progressif de la population. 1er Janvier : 253 habitants; Juillet : 10000; Novembre : 15000.

mercredi, mai 25 2016

Commémorer le 11 novembre et le souvenir de la Grande guerre

La cérémonie de 11 novembre

La date du 11 novembre correspond à l'armistice de 1918. Un an après, la commémoration du 11 novembre est relativement discrète car la victoire a été célébrée le 14 juillet 1919 par un défilé militaire autour de l’Arc de triomphe et sur les Champs-Élysées. Le 2 novembre 1919, premier "jour des morts" depuis la fin de la guerre, est célébré par les familles dans un esprit solennel de recueillement et de deuil. En 1920, l'anniversaire des cinquante ans de la République donne lieu à une nouvelle forme de commémoration du 11 novembre. On célèbre le soldat inconnu, symbole et représentant de tous les soldats morts au combat et on choisit pour lieu d’inhumation l’Arc de triomphe suite à une campagne de presse. Le lieu réunit les soldats de la Révolution, de l’Empire, ainsi que des guerres du XIXe siècle. Les commandants des différents secteurs militaires durent ainsi exhumer le corps d’un soldat français non-identifié. Afin de choisir l’inconnu qui représentera tous les soldats, le 10 novembre, huit cercueils sont emmenés à la citadelle de Verdun, symbole de la résistance de l’armée française en 1916. Il revient à un jeune soldat de vingt-et-un ans de choisir le cercueil. Il choisit le sixième en y déposant un bouquet de fleurs. Le cortège se rendit ensuite vers l’Arc de triomphe en traversant Paris, accompagné par une foule immense. Le soldat inconnu ne fut inhumé que le 28 janvier 1921. Une "flamme éternelle" est ajoutée sur la tombe en 1923 : elle est ravivée tous les soirs à 18h30. Le 11 novembre fut férié pour la première fois en 1922. Cette décision fut tardive car le Parlement trouvait qu’il y avait déjà trop de jours fériés. Une partie de la société pensait que la priorité devait être la reconstruction du pays. C'est pourquoi il fallut attendre 4 ans pour que la mémoire des morts de la Grande guerre soit honorée avec cette journée nationale.

La cérémonie du 11 novembre 2014 à Saint-Quentin

La cérémonie du 11 novembre 2014 est constituée de différentes étapes. Tout d’abord, les drapeaux sont brandis par des militaires devant le monument aux morts puis des gerbes de fleurs sont déposées par les représentants officiels de la Ville devant celui-ci.

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Ensuite, une fanfare joue, accompagnée par une chorale composée principalement d’enfants, les hymnes nationaux (français, belge et anglais).

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Puis, des discours sont prononcés (en allemand, en anglais et en français) qui nous expliquent la signification de la cérémonie et nous rappellent l’horreur de la Première Guerre Mondiale. La cérémonie prend fin après plusieurs airs joués par la fanfare. Discours.jpg

Le monument aux morts de Saint-Quentin

Après la première guerre mondiale, la municipalité choisit de construire un monument aux morts à l’emplacement du moulin d’Isle qui été détruit. La construction du monument est confiée à l’architecte Paul Bigot, grand prix de Rome. Le monument aux morts a été inauguré en 1927 en présence du général Debeney, chef d’état-major général de l’armée et libérateur de la ville.

Monument vue générale

Le monument est constitué d’un mur de granit long de 31 mètres et haut de 8 mètres. Sa partie inférieure se découpe en pilotis de ciment. Sa partie supérieure comporte un large bas-relief dédié aux soldats morts dans les tranchées en 1914-1918. Deux autres, latéraux, évoquent les guerres de 1557 et de 1870. Les deux sculpteurs chargés de la partie supérieure sont Henri Bouchard et Paul Landowski.

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1870

D’autres monuments ont été édifiés à côté par la suite. Ils rendent hommage aux soldats morts en Indochine et en Afrique du Nord ainsi qu'aux martyrs du ghetto de Varsovie.

La nécropole nationale de Saint-Quentin

Une préoccupation de chaque armée : enterrer les corps

En 1914, les morts sont d'abord inhumés dans des fosses communes mais les tombes individuelles s’imposent rapidement ensuite. Après la guerre, dans les années 1920, la France s’engage dans les travaux d’aménagement de vastes nécropoles nationales.
Les décrets de septembre 1920 précisent que l'Etat prendra en charge l'inhumation des corps des soldats "Morts pour la France", appellation juridique nouvellement créée qui doit figurer sur l'acte de décès du défunt et être enregistrée par l'Etat-civil. Ils autorisent aussi les familles à demander le retour du corps des soldats. Chaque municipalité en France est alors confrontée à un afflux prévisible d'inhumations : la première solution envisagée est de créer des sections à l'intérieur ou à côté des cimetières existants mais cette approche se révèle rapidement peu satisfaisante, notamment dans les villes proches du front.
Les décrets fixent aussi la manière dont doivent être organisés ces cimetières. L’appartenance religieuse de chaque personne doit être respectée (croix latine pour les chrétiens, catholiques et protestants ; stèle rectangulaire avec l’étoile de David pour les juifs ; arc couronné d’un croissant de Lune et d’une étoile à cinq branches pour les musulmans ; stèle en plein cintre pour les athées et les agnostiques). Sur chaque stèle figure le nom et le prénom du défunt, son unité, son grade, sa date de décès (lorsque celle-ci est connue) ainsi que la mention « Mort pour la France ».
Un ou plusieurs ossuaires regroupant l’ensemble des soldats non identifiés sont aussi construits. Les tombes individuelles sont confectionnées avec un matériau propre à la nation (grès des Vosges ou granite gris pour les Allemands ; pierre calcaire pour les Britanniques ; marbre pour les Américains). Il y a 2 330 cimetières de la Première guerre mondiale en France.

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Le cimetière allemand de Saint-Quentin



L'aménagement d'une nécropole nationale à Saint-Quentin

A la fin de la guerre les lieux d'inhumation se sont multipliés d'autant plus que les cimetières municipaux ont subi de nombreuses destructions comme celui du quartier Saint-Jean.

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Source : Archives Municipales

Ces tombes militaires sont installées en périphérie car il est particulièrement difficile de circuler dans la ville à cause notamment de la destruction des ponts sur le canal.
A la fin de l'année 1923, l'armée prend la décision de regrouper tous les morts français en créant un nouveau cimetière militaire qui sera une "nécropole nationale". Le conseil municipal de la Ville du 29 janvier 1924 nous fournit des précisions sur ce projet : "Ce cimetière se trouve sur la route de Saint-Quentin à Vermand, à l'angle du chemin du Bois des Roses, à 1 km environ de la sortie de la ville, à 3 km environ de la gare. Nous avons pu savoir qu'après son organisation définitive le cimetière national français de Saint-Quentin comprendra environ 3 700 corps identifiés en tombes individuelles et 1 500 corps inconnus en ossuaire

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Source : Archives Municipales

L'opération de transfert des corps à l'intérieur de la nécropole nationale est achevée en juin 1924. Une dizaine de sépultures supplémentaires est transférée en octobre 1924, une soixantaine en 1935, une vingtaine après 1952. Il y a aujourd'hui dans la nécropole 4 947 soldats français dont 1 319 inhumés en ossuaire, auxquels s'ajoutent 125 soldats russes et 2 roumains.

Source : V. Georges et F. Pillet 14-18. Saint-Quentin. Les champs du repos, 2015.

mercredi, mai 18 2016

La mémoire de la Première guerre mondiale à travers les collections du musée Antoine Lécuyer

Le musée Antoine Lécuyer de Saint-Quentin abrite une grande partie des oeuvres du peintre saint-quentinois, Maurice-Quentin de La Tour. Une partie des collections est cependant consacrée à la Première guerre mondiale.

La pensée aux absents d'André Devambez

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André Victor Edouard Devambez (1867-1944) est un peintre, graveur et illustrateur français. En 1890, il obtient le Grand prix de Rome en peinture. Durant la première guerre mondiale, il fait partie de la section des peintres de camouflage du 1er régiment du génie en qualité de caporal. Il fut ensuite gravement blessé ce qui le contraint à retourner chez lui, où il réalisa des affiches de propagande française jusqu’à la fin du conflit.
En 1924, il commence une œuvre destinée à dénoncer les souffrances morales et physiques des soldats sur le front ainsi que des civils qui vivaient dans la peur au quotidien. Cette oeuvre est un triptyque c'est-à-dire qu'elle est constituée de trois panneaux jointifs latéralement (les panneaux latéraux constituent, lorsqu'ils sont montés sur charnières, des volets qui peuvent se refermer sur la partie centrale.)

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Sur le panneau de gauche, le décor est sombre, on distingue vaguement quelques objets et des hommes allongés sur le sol. Un soldat français lit une lettre, éclairé par une lumière qui projette son ombre sur le mur. Ce soldat incarne la solitude des soldats au front.

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Sur le panneau de droite, le décor est sombre aussi, il représente trois soldats se trouvant dans un trou d’obus. Ces soldats incarnent les conditions difficiles au front.

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Le panneau central intitulé « Le souvenir » représente trois femmes assises sur un banc, vêtues tout en noir. Ces trois femmes représentent la fille, la mère, et l'épouse, qui incarnent la douleur des civils.

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D'autres artistes

Ernest Amas

Ernest Amas est un peintre Français né en 1869 dans le nord de la France. Il fait ses études aux côtés de Matisse avant de s’installer à Paris. Il meurt en 1959.
Durant la première guerre mondiale, il fait partie de la réserve territoriale et est emprisonné en Allemagne dans des camps, où il réalise le portrait de ses compagnons en uniforme. Ces œuvres visent à faire transparaître la personnalité ainsi que la nationalité de chaque prisonnier.

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Le tableau qu’il a peint en 1915 (vue du camp III de Munster) donne un aperçu de ce qu’était la vie des prisonniers de ces camps.

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Emmanuel Croizé

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Le tableau représente Louise Hugues qui est l’épouse de François Frédéric Hugues, maire de Saint-Quentin de 1886 à 1896 et député de 1893 à 1906. Cette femme a été présidente de l’Union des Femmes de France, une société de la Croix Rouge. Elle est arrêtée en octobre 1914, accusée d’espionnage. Elle est rapidement relâchée. Elle est nommée chevalier de la Légion d’Honneur après la guerre. Emmanuel Croizé a réalisé un portrait d’elle pour l’Union des Femmes de France. Le tableau la représente en tenue d’infirmière avec sur son manteau, la décoration de la Légion d’Honneur, l’insigne de l’UFF et la Croix Rouge. Autour d’elle sont peints des gens tristes et blessés qui semblent compter sur elle. Elle y apparaît comme une héroïne.

mercredi, mars 30 2016

Un nouveau style pour la reconstruction : l'Art déco

L'Hôtel-de-Ville

L’intérieur de Hôtel de Ville a subi de nombreux dégâts et a dû être réaménagé après la guerre. Louis Guindez, architecte municipal et peintre officiel de Saint-Quentin de 1925-1942, a inspiré ces travaux qui ont été réalisés dans un nouveau style apparu après la guerre, l'Art déco caractérisé par la simplification et la géométrisation des formes.
Les murs de la salle du conseil sont en palissandre et en chêne de Hongrie. Ils représentent différents corps de métiers et des formes d'expression artistique. La sculpture de droite représente à la fois le métier de menuisier avec les outils et la planche mais aussi l’art avec le masque

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La représentation de Marianne est originale pour l'époque : son visage est vu de face et se détache d’un soleil rayonnant, symbole de l’aube d’un nouveau jour.

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Le garde-corps est typique de l’art déco car il est en fer forgé, dessiné par Louis Guindez qui aboutit à un subtil équilibre entre les courbes des corbeilles et des spirales géométrisées, tirant vers l’abstraction.

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Les luminaires ont été dessinés par Guindez également. Des volutes de métal s’inscrivent dans de rigides triangles à partir desquels pendent de fines stalactites terminées par une goutte.

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Les bâtiments publics

La poste a été édifiée en 1923 en partie à l'emplacement de la maison natale de Maurice Quentin La Tour. Dans le hall d'entrée, on trouve deux groupes de trois panneaux de mosaïque autour d'un lustre typiquement Art déco qui représentent les différents systèmes de communication.

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La municipalité décide après la guerre de construire une nouvelle école de musique rue d'Isle. Elle sera achevée en 1929. La façade se caractérise par des formes géométriques rigoureuses et une alternance de béton blanc et de briques rouges.

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L'Art déco est aussi présent dans les bâtiments religieux comme l'église Notre-Dame de Remicourt dont le tympan est orné d'une mosaïque signée Georges Bourgeot qui est également auteur des verrières Art déco pour la basilique.

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Les maisons d'habitation

Rue Adrien Nordet

Les matériaux utilisés réunissent les incontournables Art déco qui sont principalement le verre, le béton, les briques puis la présence d’une large frise florale. IMG_0558.JPG
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Rue de la Sous-Préfecture

Jules Arduin réalise ici une construction fondée sur l’emploi de la brique et du béton enduit de peinture blanche. La lucarne renforce la symétrie de la façade décorée de mosaïques dans sa partie supérieure. L’ensemble est d’une polychromie étincelante.

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Les commerces

Les Nouvelles Galeries ont été construites par l’architecte Sylvère Laville, en 1922, dans la rue de la Sellerie. Aujourd’hui elles sont remplacées par Monoprix. La façade de ces Nouvelles Galeries regroupent des incontournables de l’art déco : des verrières immenses, une marquise en béton ainsi qu’une large frise florale.

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Bâtie en 1928, la criée municipale complétait le marché public et était exclusivement réservée à la vente de poissons. Constituée d’un ciel ouvert, ses découpes géométriques qui ont pour fonction la ventilation des lieux, sont parfaitement dans l’esprit Art déco tout comme les motifs floraux moulés au dessus de la porte principale.

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Source des illustrations : V. Georges et F. Pillet Saint-Quentin. Art déco, Editions du Quesne, 2012.

mercredi, décembre 16 2015

La reconstruction des usines

Après la Première Guerre Mondiale, les sinistrés de Saint-Quentin ont le choix entre reconstruire leur immeuble détruit en percevant des indemnités ou ne pas le faire en touchant des "dommages de guerre" correspondant au montant de la valeur des biens perdus. Ils ont deux ans pour faire leur choix. La loi du 17 avril 1919 fixe les conditions de cette indemnisation. Elle concerne les habitations mais aussi tous les immeubles ayant une destination industrielle, commerciale ou agricole.

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Ancienne filature de coton dite Filature Blanche à Saint Quentin, Faubourg d’Isle
Source : inventaire.picardie.fr

La reconstruction des industries permet à certains de réorienter leur activité, comme Edgard Hachet, qui passe d’une cimenterie à une briqueterie. Pour éviter des coûts de reconstruction trop élevés, certains optent aussi pour la concentration des industries : ainsi, neuf brasseurs décident de se regrouper au sein de la Société Anonyme des Brasseries Saint-Quentinoises. Il y a aussi des fusions d'entreprises comme celles de René Décaudin et de Daniel Beguin (l’usine de guipure de Remicourt et celle de tissage de la rue Jean-Caulaincourt.). C'est la naissance de la "Cotonnière de Saint-Quentin".

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Les ateliers de la Cotonnière après la guerre
Source : inventaire.picardie.fr

Alors que certaines industries sont entièrement détruites et nécessitent une reconstruction totale, parfois à l’identique, parfois complètement différemment, d’autres sont partiellement endommagés et n’ont besoin que d’être restaurées.

Deux exemples d'usines entièrement reconstruites après la guerre :

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Filature de coton Léon Frères
Source : inventaire.picardie.fr

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Usine Oudineau, rue de Bellevue
Source : inventaire.picardie.fr

Les enjeux de la reconstruction

Une ville en grande partie détruite en 1918

Après la bataille de la Somme (1916), l’Etat-major allemand décide de raccourcir le front de 50 km et de se replier sur une ligne de défense dite "Hindenburg". Cette ligne passe par Saint-Quentin. La zone entre l'ancien et le nouveau front est totalement dévastée par les Allemands. Cette décision a pour conséquence le départ (exode) des 43 000 habitants de Saint-Quentin, encore sur place, pendant le mois de mars 1917. Les Saint-Quentinois sont forcés d’abandonner leur maison et leurs biens. Ils sont ensuite déportés vers le Nord ou la Belgique. Ils seront peu à peu rapatriés par la Suisse en direction de la France, en attendant la fin de la guerre.
La ville de Saint-Quentin est libérée le 1er octobre 1918. Le rapatriement des habitants peut alors avoir lieu. Le 1er janvier 1919, on compte 253 habitants, puis 10 000 en juillet et 15 000 en novembre.
L’étendue des destructions de Saint-Quentin est importante. On compte 14 000 immeubles inhabitables. A leur retour, les habitants vivent dans les caves. Saint-Quentin est la 8ème ville au classement des villes de France de plus de 10 000 habitants dévastés avec 67.4% de destruction.

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Source : Archives municipales

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Source : Archives municipales

Sur quels principes reconstruire la ville ?

Les autorités municipales souhaitent que la reconstruction soit conçue et réalisée de manière cohérente. On fait appel à des urbanistes pour établir un plan d’amélioration et d’extension de la ville. Il y a de profondes transformations urbanistiques comme le percement de la rue de Lyon. La place de l’Hôtel-de-Ville, jusqu’alors au carrefour des axes de la circulation, est ainsi contournée. La construction du pont d’Isle, qui enjambe le quartier de la gare, entraîne la démolition de tous les immeubles alentour, pourtant relativement épargnés par la guerre. Ce pont matérialise le lien qui unit le faubourg d’Isle au centre historique de la ville.

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Source : Archives municipales

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Source : Archives municipales

Les urbanistes souhaitent une répartition cohérente des activités industrielles dont le développement avait été spontané et anarchique au XIXème siècle. En réalité, il y eut peu de modifications dans la localisation des usines, en dehors des premières installations dans la vallée Saint-Lazare, timide application des théories de zonage urbain développées par Brassart-Mariage pour Saint-Quentin. En fait, les industriels ont recommencé à bâtir avant que le projet définitif de reconstruction ne soit présenté par Paul Bigot en juillet 1919.
Si la reconstruction industrielle est achevée dès le milieu des années 1920, celle des logements n’est pas terminée avant la fin de la décennie. La reconstruction des habitations se fait sur la base de la loi du 17 avril 1919 : les sinistrés sont incités à rebâtir un immeuble de même destination que celui détruit dans un rayon de 50 kilomètres. Ils bénéficient d’acomptes et reçoivent une indemnisation ("dommages de guerre") et s’ils renoncent, ils perçoivent le montant de la perte.
16 groupements de baraquements provisoires sont édifiés de 1919 à 1923. Ils vont perdurer au delà de la fin des années 1920.

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Source : Archives municipales

La ville se repeuple progressivement : 37 000 habitants en 1921, 49 000 dix ans plus tard. Elle ne retrouvera sa population d’avant guerre que vers les années 1940.

Le rôle de la ville de Lyon dans la reconstruction de Saint-Quentin

La ville de Lyon, marraine de Saint-Quentin en 1918
Trois mois après sa libération, il n’y a plus que 253 habitants contre 51 000 en 1914. La ville a été dévastée par les Allemands et par les bombardements alliés. Le 17 décembre 1917, le conseil municipal de Lyon décide que la ville sera marraine de Laon et de Saint-Quentin. Le maire de Lyon, Edouard Herriot, souhaite que les communes qui n’ont pas connu l’invasion allemande aident à la reconstruction des communes ayant subi cette occupation.

Le Comité Lyon-Saint Quentin :
La ville de Lyon envoie dans un premier temps un camion de vêtements ainsi qu’un chèque de 50 000F « pour pourvoir aux premiers besoins ». Un Comité Lyon-Saint-Quentin est créé afin de répartir équitablement l'argent. En tout le Comité versera à la ville de Saint-Quentin 2 034 200F. L'argent est destiné à la construction de deux dispensaires et d’un groupe scolaire. Il permet aussi aux Saint-Quentinois de contracter des prêts à des taux avantageux ou d'acheter du mobilier, du linge, des vêtements et des articles de ménage à la moitié de leur valeur vénale.

mercredi, octobre 14 2015

La place de l'Hôtel-de-Ville.

Comme en témoignent les photographies et les cartes postales de l’époque, la place de l’Hôtel-de-Ville a subi de nombreux dommages. Seul l'Hôtel-de-Ville, construit au XVIème siècle, a été miraculeusement épargné.

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Source : Archives Municipales

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Source : Archives Municipales

Les Allemands ont enlevé les statues de bronze du monument commémorant la bataille de 1557 pour les faire fondre.

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Source : Archives Municipales

Il sera rétabli à l'identique en 1931-1932 par souci d'effacer les traces de la guerre.

Les magasins ont aussi subi des destructions assez importantes, certaines façades ont résisté mais la majorité des bâtiments est détruite.

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Après guerre, des rénovations sont entreprises et l’activité revient petit à petit sur la place de l’Hôtel-de-Ville.

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La basilique

L’armée allemande entre dans Saint-Quentin le 28 août 1914. A partir de cette date, la ville est occupée.

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Source : Archives Municipales

Les premièrs bombardements ont lieu en 1916, durant la bataille de la Somme. La basilique perd alors des vitraux.

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Source : Archives Municipales

Pour raccourcir l’étendue du front, les Allemands s’installent à l’ouest de Saint-Quentin en mars 1917. La ville est ainsi placée sous le feu de l’artillerie des belligérants et la basilique en est la première cible.

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Source : Archives Municipales

Elle subit d’importants dégâts, dont un incendie qui éclate le 15 août 1917 et qui consume toute la toiture de l’église. La voûte s’effondre progressivement suite à de nouveaux obus et des intempéries.

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Source : Archives Municipales

Le 1er octobre 1918, les Français reprennent Saint-Quentin alors que la basilique, fragilisée par les brèches et les amputations, menace de s’écrouler. L’avance rapide des Alliés l’a cependant protégée d’une destruction volontaire par l’adversaire comme en témoignent les nombreux trous destinés à des charges d’explosifs.

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Source : Archives Municipales

Les batiments publics

La poste

La poste est complètement détruite pendant la guerre. On décide d'en construire une nouvelle qui occupera une place centrale dans le nouvel aménagement du centre-ville (création de la rue de Lyon et du square devant la Basilique qui n'existaient pas avant la guerre). Le nouveau bâtiment sera achevé en 1929.

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Source : Archives Municipales

Le palais de Fervaques

Le palais de Fervaques, tout comme le lycée Henri-Martin, sont des hôpitaux militaires allemands. C'est pourquoi ils furent épargnés par l’artillerie alliée. Comme tous les édifices de la ville, ils ne sortent pas indemnes du conflit mais ils sont facilement et rapidement restaurés.

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Source : Archives Municipales

Le musée Antoine Lécuyer

En 1877, un banquier saint quentinois, Antoine Lécuyer, fait don de son hôtel particulier à la ville de Saint Quentin pour y présenter les œuvres du peintre Maurice Quentin de La Tour. 28 ans après son ouverture, en 1886, la première guerre mondiale éclate et Saint Quentin passe sous l’autorité allemande.

Comme beaucoup des monuments de la ville, le musée est détruit. Il est touché par les bombardements d'avril 1917. Ensuite s’ajoute le pillage privant le musée de ses précieuses archives et d'une partie de ses collections. Un autre bâtiment sera construit, entre 1928 et 1931, sur son emplacement dans le style du XVIIIème siècle. Musée Antoine Lécuyer
Source : Archives Municipales

Le cimetière Saint-Jean

Le cimetière Saint-Jean a été créé après la Révolution française. Il est devenu rapidement la dernière demeure de grands noms saint-quentinois du XIX e et du XX e siècles. Leurs chapelles trônent, parfois imposantes.

Le cimetière a été en grande partie détruit par des bombardements. On peut voir les dégâts importants. Les familles percevront après la guerre des dommages de guerre pour compenser les destructions.



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Source : Archives Municipales

La caserne Saint-Hilaire

En août 1014, c’est le point de rassemblement et de départ des 87e et des 287e régiments d’Infanterie, ainsi que du 10e régiment d’Infanterie territoriale en août 1914. Elle sera ensuite durant la guerre le lieu où seront convoqués les hommes de la ville et où seront emprisonnés des soldats russes.

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Source : Archives Municipales

Les bâtiments religieux

L'église Saint-Jean

L’église Saint-Jean se trouve dans le prolongement de la rue Raspail. C'est le bâtiment religieux qui a subi le moins de dégâts. Sur la façade, on peut voir que l’horloge a été retirée et la statue fut brisée.

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Source : Archives Municipales

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L'église Saint-Eloi

L’église Saint-Eloi, située dans le faubourg d’Isle, a subi de nombreuses dégradations sans pour autant être détruite. La rosace a été partiellement endommagée. L’église fut reconstruite à l’identique après la guerre.

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Source : Archives Municipales

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Source : Archives Municipales

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L'église Saint-Martin

L’église Saint-Martin a été construite à partir de 1890. Elle fut fortement endommagée par la guerre. Les tours sont totalement détruites, excepté celle de droite. Les vitraux sont brisés ; l’église a été pillée. Le clocher fut reconstruit en béton armé en 1922.

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Source : Archives Municipales

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Source : Archives Municipales

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Source : Archives Municipales

Axes et Infrastructures.

La Gare

Une première gare a été créée en 1850. Elle a été progressivement agrandie (deux ailes et un fronton à partir de 1872, un étage dans les années 1880. Des grandes lignes internationales pour la Belgique et l’Allemagne y passent. C’est pourquoi il y avait des chambres d’hôtel et un restaurant.

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Source : Archives Municipales

La gare n’a pas été détruite par la guerre, mais elle a été détruite par un incendie en 1922. Elle a été reconstruite et inaugurée en 1926. Cependant les voies ferrées ont été bombardées à plusieurs reprises.

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Source : Archives Municipales

La rue d’Isle

Après la guerre, la rue d’Isle a été fortement réaménagée car beaucoup de bâtiments étaient détruits.

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Source : Archives Municipales

Le Pont de la Gare

Le Pont de la Gare a été inauguré en 1907 mais il fut détruit durant la guerre.

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Source : Archives Municipales

La place du 8 Octobre

La place porte ce nom depuis 1881 c'est-à-dire depuis l'inauguration d'un monument commémorant la résistance des Saint-Quentinois contre les Prussiens lors de la journée du 8 octobre 1870. Il a été enlevé puis fondu par les Allemands durant la Première guerre mondiale. En raison de sa situation stratégique (entre le centre-ville et le faubourg d'Isle, à proximité de la gare), la place fut fortement endommagée durant le conflit.

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Source : Archives Municipales

La place des Quatre-Colonnes

La place est un lieu stratégique pour toutes les liaisons avec le Nord (routes de Cambrai et du Cateau). Le bureau d'octroi (mieux connu sous l'appellation des "Quatre Colonnes") était l'endroit où devaient être payées, jusqu'en 1914, toutes les taxes municipales sur les marchandises entrant dans la ville.

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Source : Archives Municipales

Les activités commerciales et industrielles

1-Les Halles :

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Source : Archives Municipales.

Le bâtiment fut construit pour des raisons hygiéniques entre 1892 et 1893. Un ou plusieurs marchés se tiennent aussi devant les Halles.

halles_detruite.jpgSource : Archives Municipales.

Pendant la Première guerre mondiale, le bâtiment a été fortement endommagé. La toiture a été détériorée, il ne reste plus que la charpente, les vitres sont brisées.

2-Le magasin Seret-Frères

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Source : Archives Municipales.

Le magasin Seret-Frères est un magasin d'ameublement construit entre 1896 et 1898. Il a été fondé par Jules Seret. Dévasté par un incendie en 1908, il est reconstruit en 1910. Pour cette reconstruction, l'architecte choisit une architecture à armature métallique apparente qui rappelle celle du magasin la Samaritaine à Paris. La façade est ornée de carreaux et surmontée d’un dôme.

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Source : Archives Municipales.

Les galeries Seret-Frères ont été gravement endommagées durant la guerre suite aux bombardements. Le dôme a quasiment disparu. La toiture du magasin et la charpente se sont effondrées sur le dernier étage. Seule la structure de la façade est restée.

3-Les usines

En novembre 1918, 3 700 usines picardes sont hors service. 47% des usines en Picardie sont détruites. 28% sont pillés. 25% détériorés. Les machines des usines sont à 98% détruites. L’industrie Saint-Quentinoise est réduite à néant comme le montre le plan suivant :

Saint-Quentin_Histoire_et_patrimoine_industriel._Frederic_Pillet__Page_230.png Source : F. Pillet Saint-Quentin. Histoire et patrimoine industriels

Un exemple : l'usine Daltroff

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Source : Archives Municipales.

L’usine Daltroff est une usine de broderie mécanique qui a été fondée en 1875 par Julien Daltroff. L'usine a connu une expansion jusqu'en 1914 (construction d'une cantine en 1880, d'un logement patronal en 1882, de logements ouvriers en 1895 ainsi que d'une salle de machines, d'une chaufferie etc...).

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Source : Archives Municipales.

A l'arrêt dès août 1914, l'usine est détruite lors de bombardements et d'incendies en octobre 1918. Seules une partie des logements ouvriers, la cantine et quelques éléments mineurs de l'usine ont pu être restaurés. Les ateliers de fabrication et les bureaux sont reconstruits entièrement en 1920, pratiquement à l'identique, mais avec de nouveaux matériaux.

dimanche, mars 15 2015

L'état d'esprit des Saint-Quentinois durant l'occupation

Auteurs : Margot M. et Faustine T.

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samedi, mars 14 2015

Des conditions de vie difficiles

Auteurs : Sergi K et Anaïs L

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vendredi, mars 13 2015

Une population prise en charge par la municipalité

Auteurs : Clémence DC et Mathilde P

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jeudi, mars 12 2015

Les bombardements et leurs conséquences

A partir d'avril 1915, Saint-Quentin fut, à plusieurs reprises, bombardé par des avions français ou anglais. Ces bombardements n'ont pas eu le même impact chez les occupants et les occupés.

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mercredi, mars 11 2015

Obtenir des nouvelles du front

Auteurs : Steffie, Marjorie, Constance D. et Emilie D.

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jeudi, décembre 18 2014

Organiser la vie des Allemands présents à Saint-Quentin

Le témoignage du journaliste allemand Georg Wegener

Un journaliste allemand, Georg Wegener, "correspondant sur le théâtre de guerre de l'ouest" du journal ''La Gazette de Cologne", est présent à Saint-Quentin en mai 1915. Elie Fleury cite des extraits des articles qu'il a écrit lors de son séjour :
Wegener évoque la qualité des hôpitaux à proximité du front et notamment le grand hôpital de guerre allemand, installé à Saint-Quentin au Palais de Fervaques. L'auteur nous décrit ce "monument moderne" positivement car il emploie les termes suivants : "grandiose, fastueux avec ses deux ailes en saillie et un perron d'un grand effet". Il nous apprend que l'hôpital est installé dans la salle des Fêtes : "Cela vous donne une impression spéciale de voir, en ce brillant lieu de fête des Français, toutes ces longues rangées de lits de campement , ces visages jeunes et pâles, les soeurs s'empressant avec un zèle discret d'un lit à l'autre". Dans le hall d'entrée du Palais de Fervaques, on a érigé un autel destiné au service divin pour les malades.
L'auteur décrit aussi les brasseries allemandes créées dans la ville "principalement pour la garnison de Saint-Quentin et pour le soldats qui sont de passage dans la ville". Il nous apprend notamment que "la maison Kasten, firme bien connue de Hanovre, a installé un restaurant de vin sur le marché et un hôtel à la gare, ce qui est particulièrement agréable pour le officiers venant des tranchées du front en permission dans la ville."
Il décrit aussi le Foyer du soldat qui se situe près de la basilique dans une maison spacieuse et "abandonnée" par ses propriétaires. On y trouve un salon de lecture avec des journaux et des revues, une salle de correspondance, des jeux de toute sorte et un jardin garni de tables et de chaises. Les soldats peuvent aussi acheter, à prix réduit, du thé, du café, de la bière, des petits pains. Des conférences "à la portée de tous" sont faites quasiment tous les soirs. Un cinéma avec des films "patriotiques et amusants" a été installé récemment. Pour un soldat allemand, le Foyer lui permet de se détendre et de surtout ne pas penser à son foyer qui doit lui manquer dans son pays. Il lui permet aussi de s'éloigner des "plaisirs malsains" et des "mauvais lieux" qu'ils seraient ammenés à fréquenter par tristesse ou par ennui...
Wegener nous apprend aussi qu'une école d'artillerie de l'armée a été créée le 4 octobre 1914 "avec un noyau de 53 ouvriers de la fonderie de canons de Spandau" (en mai 1915, il y en a 260). Selon lui, "on utilisa le ateliers et les machines d'une usine que l'on trouva, comme toujours en France, dans un état de saleté, de désordre et de délabrement indicibles". L'objectif est de remettre en état le matériel d'artillerie détérioré au cours des combats.

Règlementer la prostitution à Saint-Quentin

Elie Fleury nous explique que les Allemands ont pris en charge très tôt le problème de la prostitution. Cela s'explique par le fait que toutes les prostituées ayant des maladies sexuellement transmissibles ont été expulsées, comme d'autres malades, de l'Hôtel-Dieu en septembre 1914. Elles ont à nouveau exercé leur métier et, selon Elie Fleury, "l'effet fut rapide et dévastateur pour l'envahisseur". Les Allemands décident de créer "une maison pour y mettre, outre les femmes actuellement en traitement, le grand nombre de celles qui, selon toute vraisemblance, y arriveront". Il s'agit de l'école maternelle de la rue de Fayet. Il y eut cinquante pensionnaires en moyenne originaires de Saint-Quentin ou de ses environs. D'une manière générale, toute femme soupçonnée "d'aller ou d'être allée avec un Allemand" devait se présenter deux fois par semaine dans cette maison. "Elle était photographiée, inscrite et recevait, avec un numéro d'ordre, un petit livret cartonné où un coup de timbre, dans les cases disposées à cet effet, constatait sa venue. Sur la couverture, un papillon vert énumérait les heures interdites après 5 heures du soir".
Selon Elie Fleury, le 21 novembre 1914, 1 020 femmes avaient passé par la maison de la rue de Fayet et 400 avaient reçu un petit livret et étaient soumises à la double visite hebdomadaire. Il conclut ainsi : "La situation s'était assainie, au point même de devenir parfaite"
Elie Fleury montre aussi que la prostitution s'est développée à Saint-Quentin en raison de la proximité du front. Beaucoup d'officiers allemands y venaient "faire la fête" dès que l'occasion se présentait ce qui explique, selon l'auteur, que les "maisons de rendez-vous" (ou maisons closes) y étaient nombreuses.

Contrôler les informations venues du front

Amplifier les victoires, taire les défaites

Les Allemands, pensant avoir gagné la guerre contre les Russes lors de l’offensive d’Hindenburg en février 1915, crient leur joie, sonnent les cloches et annoncent la nouvelle aux Saint-Quentinois par des affiches. Mais les Allemands ont bien trop vite crié victoire puisque les Russes contre-attaquent. Elie Fleury rapporte la réflexion d'un officier de la Kommandantur : « Nous avons peut-être été un peu trop vite ».
Les Allemands utilisent la propagande et le "bourrage de crânes". Ils essaient de ranger les Saint-Quentinois de leur côté en discréditant systématiquement l'Angleterre qu'ils accusent d’être le seul responsable de cette « guerre néfaste ». Ils accentuent le côté coupable de l’Angleterre en proférant à plusieurs reprises des accusations – souvent fausses- à leur encontre : « Fidèle à ses traditions et à son histoire, l’Angleterre a abandonné le malheureux pays la Belgique ».

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Les Allemands font tout pour décourager les derniers espoirs d’une possible libération de Saint-Quentin. Ainsi, le 15 janvier 1915, dans une dépêche officielle, les Allemands relatent les derniers évènements du front : ces derniers ont livré une bataille contre les Français quelques jours plus tôt et ont gagné. Dans cette dépêche, les Allemands insistent sur les pertes françaises et les prises d’artillerie. Les Allemands enjolivent sûrement la réalité : ils font tout pour rabaisser le moral de la population saint-quentinoise, notamment grâce à cette phrase : «le succès des Allemands est d’une haute portée».

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La Gazette des Ardennes

Les Allemands ont créé un journal, écrit en français et destiné aux populations occupées de France et de Belgique, la Gazette des Ardennes. Le premier exemplaire est publié en novembre 1914 et sera suivi de 527,734 numéros jusqu'en juin 1916. Ses objectifs étaient de donner des informations du front totalement contrôlées par les Allemands. Elie Fleury était contre ce journal qu'il considérait comme « une arme de guerre » car il publiait des traductions de communiqués allemands officiels. Cependant, l'habilité des Allemands est de joindre à ces dépêches la publication de la liste des prisonniers ou des morts français. C'est pour cette raison que les Français des zones occupées achètent la Gazette des Ardennes. Elie Fleury déplore cependant que certains Français envoient des articles pour qu'ils soient publiés.

Exercer une censure

Les Allemands organisent une censure à Saint-Quentin. L’ordonnance du 10 mai 1915 en est la preuve. Ainsi, les Saint-Quentinois sont obligés de soumettre tout ce qui est imprimé au bureau de censure. Toutes personnes ne respectant pas cette ordonnance soit par négligence soit intentionnellement étaient punies d’une amende pouvant aller jusqu’à 12.000 marks soit 15.000 francs et un emprisonnement allant jusqu’à 3 ans.

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Punir toute résistance à l'ordre allemand

La "gendarmerie allemande"

La police militaire est chargée, en temps de paix, de la sécurité et de la bonne application des lois au sein de l'armée. En temps de guerre, elle a des fonctions supplémentaires : elle assure la protection de ses officiers et des personnes politiques. Elle est aussi chargée de la surveillance des prisonniers de guerre et contrôle l’approvisionnement. En Allemagne, elle porte le nom de « Feldengendarmerie » ("gendarmerie allemande" dans le livre d'Elie Fleury).
L'auteur nous présente les gendarmes allemands comme des personnes puissantes. L’expression "maître du pavé" prouve qu’ils sont supérieurs aux Français. Le pouvoir des gendarmes, quel que soit leur grade, ne peut être contredit. Leur autorité parait sans limites. Ils terrifient la population et les officiers n’osent pas se mettre en travers des ordres d’un simple gendarme. Cependant, cette présentation d'Elie Fleury ne semble pas objective : les gendarmes allemands semblent avoir tous les droits et sont décrits comme des êtres brutaux, et violents.
Le chef de cette police militaire s’appelle Von Malzhan (un "ivrogne" et un "bourreau"). 5 postes de gendarmerie sont présents à Saint Quentin. Ils sont répartis dans tous les quartiers afin de mieux contrôler les habitants. le quartier général se trouve rue Wallon de Montigny (dans l'usine Bernheim). Chaque poste est organisé de la même manière : un maréchal-des-logis faisant fonction de commissaire, deux gendarmes et un interprète. De plus 6 patrouillards circulent dans toute la ville par deux pendant deux heures toutes les six heures.
Elie Fleury exploite le témoignage de M.Honoré, directeur du tissage David et Maigret où est installé le poste de gendarmerie n°2 (rue Denfert-Rochereau). Il décrit les gendarmes allemands comme des personnes sans gène, terrorisant sa famille et obligeant sa cuisinière à leur faire à manger. Il montre leur brutalité avec l’exemple d'une femme de 70 ans, frappée, jetée à terre et laissée inconsciente pour avoir réclamé sa fille, arrêtée par les Allemands ou celui d'un ravitailleur battu et trainé par l'oreille sur plusieurs mètres. Ils maltraitent aussi les enfants qu'ils ramassent dans le quartier pour cirer leurs bottes et nettoyer leurs locaux. Le témoin souligne aussi leur cruauté envers les chiens qu'ils trouvent dans la ville : ils sont lâchés dans la cour, poursuivis et tués à coups de bâtons ou pendus. Les gendarmes allemands sont aussi décrits comme des voleurs puisqu’ils entrent dans les maisons abandonnées et embarquent les objets de valeur pour les envoyer en Allemagne.

Un exemple de "répression"

Dans la nuit du 23 au 24 juin 1915, les fils téléphoniques au coin de la rue du Quatre-Septembre et de la rue Alfred Clin ont été coupés. Pour les Allemands, il s'agit d'un sabotage. La ville de Saint-Quentin doit verser un dédommagement de 200 000 marks (monnaie allemande). De plus certains civils, réquisitionnés en tant qu’"otage"seront contraints de surveiller le poteau pendant un certains nombre de jours. Le soir du 2 juillet à 8 heures doivent se présenter à la Kommandantur six hommes français. Sur le brassard de chaque otage est écrit un mot en allemand qui signifie "garde-de-punition-française". La garde du poteau doit être faite par groupe de deux hommes pendant deux heures sans fumer. Ils ne doivent pas s’éloigner du poteau et attendre le roulement avec le prochain groupe français. Des soldats allemands effectuent des rondes la nuit pour surveiller les "otages" français. Le témoignage de Fleury est intéressant car il montre que les rondes se sont déroulées de façon amicale entre Français et Allemands et que le regard des Saint-Quentinois change à l'égard des Allemands : "Ah ! La guerre ! Quel malheur ! Vous en France, nous en Allemagne, on serait si bien !" ; "Nous aimons bien Franzous. Malheur, la guerre". L'anecdote est aussi destinée à souligner l'écart entre le commandement allemand et les simples soldats. La punition est ici disproportionnée et absurde d'autant plus que, selon les habitants du faubourg Saint-Jean, la rupture des fils est due à la maladresse d'un télégraphiste plutôt qu'à un attentat.

Le rôle de l'abbé Boudet

L'abbé Boudet est un prêtre de la paroisse Saint-Jean. Il a été arrêté le 9 juillet 1916 par les Allemands. Elie Fleury nous raconte comment il a "résisté" à l'ordre allemand. Son premier "acte de résistance » à l’autorité allemande remonte à l'entrée des Allemands dans Saint-Quentin (28 août 1914). Vers 5 heures du soir, alors qu’il remonte la rue de Baudreuil, il croise un détachement de l’armée allemande où il aperçoit un soldat anglais se faufilant derrière les arbres des Champs-Elysées. Il le cache chez M. et Madame Lecomte habitant au 154, boulevard Gambetta. Il revient le chercher le lendemain et le ramène, habillé en ecclésiastique, chez lui au 40, rue Emile-Malezieux.
Elie Fleury montre l'audace et le culot de l'abbé Boudet. Il fait faire de faux papiers par l'imprimeur Harwich afin de faciliter la circulation dans la ville et d'éviter à de nombreux jeunes gens d’aller travailler en Allemagne. Craignant que les autorités découvrent ce trafic et la présence de personnes recherchées par les Allemands dans sa maison, Elie Fleury nous raconte qu'il "trouva tout simple de se présenter chez le "général-curé", l'aumônier en chef et inspecteur de l'armée 2, Uppenkamp, et de lui demander une garantie pour son "patronage". Très flatté qu'on eût recours à lui, le général-curé fit apposer sur la porte de l'abbé une pancarte le dispensant des perquisitions de patrouilles."Il bénéficia aussi de la complicité du commissaire, M. Lambert, qui lui fournit des papiers et des cachets du commissariat ainsi que ceux de la Kommandantur qu'il pouvait se procurer.
L'abbé Boudet a accueilli dans sa maison essentiellement des soldats français, anglais ou russes (anecdote de ceux vivant dans le bois d'Origny-Sainte-Benoite depuis la bataille de Guise et ramenés par un ravitailleur rue Emile Malézieux). Selon Elie Fleury, "le nombre des pensionnaires s'accroissait sans cesse et la maison et même les maisons voisines avaient été machinées comme un théâtre de féeries". S’il y avait une alerte, les "pensionnaires" de l'abbé Boudet pouvaient fuir grâce à une armoire sans fond qui communiquait avec la maison voisine de Madame Parjouet. Au rez-de-chaussée, ils pouvaient se sauver par un ouverture pratiquée dans la cheminée. La cave avait aussi un escalier tournant qui abritait une cachette. Cette maison, qui devenait une vraie caserne, avait été organisée pour loger une soixantaine de personnes. La nourriture était toujours suffisante grâce à la générosité de Saint-Quentinois mis dans la confidence. La lessive se faisait toutes les semaines au dehors. On peut émettre des doutes sur ces derniers points : une telle présence "d'ennemis" dans la maison de l'abbé Boudet ne serait pas passé aussi longtemps inaperçue.
L’abbé Boudet fut cependant arrêté le 7 juillet 1916 car les Allemands avaient trouvé chez lui des documents compromettants. Il fut inculpé pour avoir « avoir été détenteur d’un communiqué interdit » (les Allemands ne surent jamais le rôle qu'il a joué auprès des soldats de l'Entente, éloignés du front et de leurs armées). Il fut arrêté à son confessionnal et refusa de retirer son surplis et son étole. Il fut déporté en Allemagne et transféré de camp en camp où il faisait toujours son entrée en étole et en surplis, ce qui, nous dit Fleury, "occasionnait chaque fois une émeute"."Je veux montrer, disait-il, comment les Allemands traitent un prêtre français". Elie Fleury précise que son "oeuvre" fut poursuivie par un autre vicaire de la paroisse Saint-Jean, l'abbé Fouchard.

Exploiter les ressources de la ville

Le pillage des usines

Elie Fleury nous explique que les Allemands ont commencé, dès janvier 1915, le pillage des usines et des maisons de commerce de Saint-Quentin. Ce pillage est organisé par le capitaine Goërz qui, dans le civil, est un important industriel près d'Aix-la-Chapelle. Il nous raconte le pillage de l'usine Morel à Gauchy. il faut six chariots, une dizaine de soldats et quinze ouvriers réquisitionnés pour enlever la marchandise :"rien n'est négligé : coton fil simple, trame et chaîne, coton retors, gazé, mercerisé et noir. Même les fonds de caisses des ouvrières qui n'ont pas terminé leur tâche sont ramassés et pesés comme le reste". Goërz donne un reçu sur lequel Il indique le contenu et le poids « 29.679 kilogrammes et une fraction » mais refuse d'indiquer la valeur (« 106.000 francs »).

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Usine Morel, Source : Inventaire du Patrimoine Culturel de Picardie

A partir de mars, d'autres usines furent touchées : on réquisitionne la totalité du coton, de l'amidon et des fécules (Usines Decaudin, Léon Frères, Béguin). Parfois les usines sont reconverties par les Allemands comme le tissage Sébastien transformé en "maison de convalescence et de désinfection". L'usine Cliff devient une blanchisserie militaire occupant trente hommes et deux cents femmes. Deux autres usines sont transformées en garage pour les ambulances et en atelier pour réparer les véhicules militaires. Les ateliers Mariolle, dans le faubourg d'Isle, sont destinés à réparer le matériel de guerre, y compris les pièces d'artillerie.

Utiliser la main d'oeuvre présente à Saint-Quentin

Dès le début de l’occupation, les habitants de Saint-Quentin sont soumis à un dilemme : soit travailler pour l’ennemi qui a besoin de main-d’œuvre (ce qui permet d'avoir un revenu, très faible cependant) soit rester inactif et sans revenu (avec le risque d’être déporté dans des camps de travail obligatoire en Allemagne).
Les Allemands pensent que « Personne ne doit rester inactif. L’inactivité est mauvaise conseillère ». Ils ne souhaitent pas voir dans la ville une population sans travail et sans ressources, notamment masculine.
C'est pourquoi ils organisent un contrôle régulier de la population masculine de Saint-Quentin. Dans un avis du 16 octobre 1914, la Kommandantur indique que tous les hommes de 18 à 48 ans peuvent être appelés, à tout moment et individuellement, à se présenter devant les autorités allemandes. Il s'agit de s’assurer qu’ils sont bien présents dans la ville. « Toute personne qui ne répondra pas à cet appel sera recherchée, arrêtée et immédiatement envoyée en Allemagne. Il s’ensuivra de plus des mesures coercitives contre la Ville ».
Un autre avis du 23 octobre 1915 oblige tout habitant ayant plus de 15 ans à posséder sur soi une pièce d’identité. Chacun doit se présenter avant le 15 novembre 1915 muni de son carnet de famille et de deux témoins inscrits sur les listes électorales. Une carte de couleur jaune est délivrée aux habitants de Saint-Quentin et une carte de couleur bleue aux personnes "qui n'ont pas leur domicile habituel à Saint-Quentin". Les « cartes jaunes » doivent se présenter une fois par mois devant les autorités pour attester de leur présence en ville. Les « cartes bleues » doivent se présenter à chaque fin de quinzaine.

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Source : Bibliothèque Municipale de Saint-Quentin

En 1914, les Allemands réquisitionnent les enfants et les vieillards pour le nettoyage des cantonnements et, ponctuellement, de la main d'oeuvre réquisitionnée à l'aide d'affiches ( « Ordre : il faut tant d’homme à tel endroit à telle heure »). En janvier 1915, l’engagement de travailleurs civils prit de l’ampleur. Ils eurent besoin de nombreux ouvriers pour accomplir le pillage de grandes usines textiles comme David, Maigret et Donon, Pannier, Sidoux, Charles Basquin, Hugues,etc. Ils transformèrent aussi le boulevard Cordier en un grand chantier de mécanique et de construction. Des prisonniers durent y travailler mais il fallut aussi engager des ouvriers qualifiés comme des charpentiers, des mécaniciens, des forgerons, des serruriers, etc. Les salaires étaient payés par la Ville. Ils étaient faibles (2 à 3 francs). Elie Fleury a pu se procurer auprès des services de la mairie, un état détaillé de cette main d'oeuvre : 875 hommes et 1079 femmes travaillaient dans 91 établissements pour les Allemands. La somme de 125 785,37 francs a été donnée par la municipalité pour les rémunérer au mois d’octobre 1915.
Les Allemands cherchent ensuite à contrôler encore plus cette main d'oeuvre. Ils interdisent ainsi aux ouvriers de chercher du travail par eux mêmes. Il est aussi formellement interdit de quitter son poste. Les salaires sont aussi réglementés : une journée de 9 heures de travail est payée 2,5 franc ; les ouvriers mariés ou de plus de vingt ans peuvent obtenir une augmentation (plus 0.50 franc avec possibilité d'arriver jusqu’à 4 francs de salaire).
Les Allemands mettent donc en place un système complexe pour organiser le travail des ouvriers. Des cartes de couleurs différentes sont distribuées en fonction de l'âge, de la condition physique et des compétences de l'ouvrier.

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Source : Bibliothèque Municipale de Saint-Quentin

La réquisition des métaux

Une ordonnance datée du 1er août 1916 explique aux Saint-Quentinois que "tous les objets de ménage et d'installation composés entièrement ou principalement de cuivre, nickel, étain ou d'alliages de ces métaux, notamment de laiton, bronze... sont saisis et seront enlevés prochainement".Sont exclus de la réquisition les objets de culte, les objets d'Art et "la robinetterie des conduites d'eau et de gaz et celle des chauffages centraux, les poêles de bain, les loquets de portes et de fenêtres". La valeur des objets saisis doit être remboursée en bons communaux.
On commence par les comptoirs en étain des marchands de vin (les "zincs"). Chez Madame Lambert-Bucourt, commerçante rue du Palais-de-Justice (actuellement rue Victor-Basch), la perquisition dure deux heures et demie. Les Allemands ne laissent rien ni les plateaux de la balance de cuisine, ni la pomme d'escalier. Parfois, certains arrivent à "sauver" quelques objets auxquels ils tiennent particulièrement en donnant des bouteilles d'alcool aux soldats.
A partir de novembre 1916, les réquisitions sont de plus en en plus importantes et de mieux en mieux organisées : "Assez souvent, trois équipes se suivent dans la même maison : la première prend, la deuxième gratte et la troisième racle". Un certain nombre de Saint-Quentinois se plaint que de nombreux objets, qui ne sont pas concernés par l'ordonnance du 1er août 1916, disparaissent lors des perquisitions.

Imposer l’ordre allemand

Le 28 août 1914, les Allemands arrivent dans Saint-Quentin et déclarent la ville sous leur contrôle. A partir de ce jour et jusqu’à la fin de la guerre, Saint-Quentin va vivre sous l’emprise allemande.

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jeudi, décembre 11 2014

Gérer les prisonniers français et étrangers

Les prisonniers français en transit à Saint-Quentin

En janvier 1916, les Saint-Quentinois apprennent que le village de Frise a été pris par les Allemands sur le front de la Somme. Il y a 927 prisonniers selon les dépêches allemandes qui doivent transiter par Saint-Quentin.
Les Allemands prennent des mesures pour empêcher les débordements et les manifestations de patriotisme : "A partir de midi, gendarmes et patrouillards arrêtent la circulation depuis la gare jusqu'à la place et font entrer de force les passants dans les magasins. Les fenêtres doivent être fermées : les spectateurs qui regardent aux carreaux sont menacés". Une partie des prisonniers va à la Bourse de Commerce, l'autre à la caserne où le service d'ordre est moins important. La foule crie de nombreuses fois : "Vive la France !". Certains parviennent à discuter avec quelques soldats.
Les Saint-Quentinois sont cependant surpris de l'apparence des soldats : "Quelle douleur ! Il y en a à barbe grise, il y en a de très jeunes. Tous n'ont pas de casque, mais des calots, des passe-montagne, de vieux képis. Et cette boue !"
Le dimanche suivant, 200 nouveaux prisonniers arrivent et sont enfermés dans une usine. Grâce à la bienveillance des gardiens allemands, les Saint-Quentinois parviennent à leur faire passer de l'argent et de la nourriture.
Quand les prisonniers quittent Saint-Quentin, ils se dirigent vers la gare avec une attitude différente selon Elie Fleury : "Cette fois, nos soldats, brossés, reposés, avaient fière mine et ils défilèrent à bonne allure et pas du tout en attitude de vaincus : Nous aurons notre tour, semblaient-ils dire."
Le départ du train de prisonniers donnent lieu à une véritable manifestation de patriotisme : "Tout le faubourg d'Isle s'était transporté le long de la voie et ce furent des acclamations, des baisers envoyés du bout des doigts, des cris de : Vive la France ! Les prisonniers, la moitié du corps hors des portières, répondaient sur le même ton..."
Le 6 septembre 1916, 1 400 prisonniers arrivent à Saint-Quentin : 450 sont enfermés dans l'église Saint-Martin, le reste dans l'usine David et Maigret. Cette nouvelle arrivée entraîne une nouvelle manifestation de solidarité et de patriotisme. De la nourriture et de la vaisselle ("car c'est de vaisselle qu'on sait que les prisonniers manquent le plus"). Quand les prisonniers quittent Saint-Quentin (la plupart sont déportés en Allemagne), "ils avaient chacun une musette avec chemises, chaussettes, savon, serviettes, cache-col et mouchoirs, sans compter les cigares, les paquets de tabac et même de pièces d'argent jetés dans leurs rangs. C'étaient une acclamation continue. Ils répondaient : "çà va bien ! Merci ! On n'a pas fini de se souvenir de Saint-Quentin"

Utiliser les prisonniers de guerre : l'exemple des Russes

Les Russes sont comparés à des esclaves. Un Allemand lettré dira même à Elie Fleury qu’ils sont victimes « d’un esclavage antique ». Mais d’après le directeur du journal local, les esclaves grecs ou romains avaient des garanties alors que les Russes étaient plutôt dans les mains de "barbares" sans aucune garantie de survie.

Photo_1.jpg Source : Elie Fleury Sous la botte - Illustration Paul Séret

Ces Russes ont été acheminés depuis le front Est jusqu’à Saint-Quentin par train. Ils sont envoyés dans le Nord de la France pour travailler dans les champs, à la démolition des usines, à la réparation des routes ou encore à la construction des gares et de voies de chemin de fer. On pense que les Russes n’étaient que quelques milliers dans le Nord de la France mais bien plus nombreux en Allemagne à travailler dans des camps de prisonniers. Cela peut paraître étonnant que des Russes viennent travailler en France mais ce sont plus de 90 000 Russes que les Allemands ont capturé fin août 1914. Les Allemands ne mirent pas longtemps à les envoyer dans les zones occupées pour les faire travailler.
Les Russes sont maltraités : ils sont mal nourris et souvent tabassés par les Allemands s’ils ne travaillent pas assez vite. Elie Fleury fait une description très négative des Allemands : il les dépeint comme des barbares, des sauvages "inhumains". On peut cependant se demander si Elie Fleury n'exagère pas la description des mauvais traitements que subissent les Russes dans le but de discréditer encore plus les occupants allemands.
Les Saint-Quentinois prennent les Russes en pitié et essayent de leur faire passer des vivres tels que du riz, des pommes de terre, du pain ainsi que du cidre. Elie Fleury nous raconte quelques une de ces tentatives : « de braves femmes font cuire et égoutter du riz salé et l’entassent dans des sacs de toile en forme de saucisson. Elles les jettent par-dessus les murs, là où les Russes travaillent ou gîtent » ou encore « M. Cartignies fît des pommes de terre en quantité et les sema le long du grillage pour que les Russes se servent »
Paradoxalement, les traitements infligés aux Russes s’adoucissent avec l’avancée de la guerre. Elie Fleury écrit que « Vers le milieu du mois de novembre 1916, les affreux traitements infligés aux Russes commencèrent à cesser. » En effet les gardiens allemands sont aussi mal nourris que leurs prisonniers et à condition d’obtenir une part, ils acceptent que les Saint-Quentinois fassent passer des vivres.

Enterrer les soldats morts au combat : le cimetière de Saint-Martin

Le rôle de l’empereur Guillaume II

Guillaume II est de passage à Saint-Quentin en mars 1915. Il connait la ville où il est déjà venu plusieurs fois. A cause de sa situation proche du front, il décide de faire construire un monument au cimetière Saint-Martin. L'artiste qui doit réaliser le monument est M. Vanschneider. Devant l’emplacement du futur monument, l’empereur et ses généraux serrent les mains des représentants de la mairie saint-quentinoise et l’empereur détaille ses instructions pour le monument. Le maire, M. Gibert, qui raconte la scène à Elie Fleury, explique : « l’empereur donna des explications, fit des croquis sur le terrain et me demanda s’il y avait dans les environs des carrières de pierre. » .Soudain, le monarque change brutalement de sujet et évoque Gaspard de Coligny, le défenseur de Saint-Quentin lors du siège de 1557 par les Espagnols. Il demande quel sentiment provoque l’homme chez les Saint-Quentinois. On lui explique alors que « Coligny est vénéré à Saint-Quentin : il y est considéré comme une personnalité d’ordre moral tout à fait supérieur. ».L’empereur ne cache pas sa satisfaction car il descend directement par les femmes de Coligny.

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Source : Wikipédia

Le monument aux morts

Elie Fleury nous fait une description très précise du monument. L’empereur a voulu que le monument ressemble à une œuvre grecque : un portique grec aveuglé par un mur est construit : "quatre colonnes doriques soutiennent un fronton surbaissé et font saillie au devant de ce mur". Sur l’une des extrémités, l’alpha et l’oméga de l’alphabet grec. L’architecture du fronton porte cette inscription : "Resquiescant in pace" . Deux statues sont aussi sur le monument : "sur deux dés de granit, au départ, se dressent des figures en bronze de 2 mètres 20m : un guerrier grec et un guerrier romain". Elie Fleury fait une description très précise du monument mais, comme dans tout son livre, il critique ce que font les Allemands à Saint-Quentin : "Le monument est de l'art classique tel qu'on le comprenait sous le bon roi Louis-Philippe" ; "Tout cela est d’une platitude déconcertante".

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Source : Archives Municipales

L’inauguration du cimetière militaire

Ce n’est pas l’auteur mais un conseiller municipal, Pierre Dony, qui nous raconte les faits. L’inauguration a eu lieu le 18 octobre 1915 : le jour et l'heure ont été révélés aux Saint-Quentinois peu de temps avant la cérémonie. Les tombes des soldats morts au champ d'honneur sont réparties de part et d'autre de l'allée menant au monument : à gauche les Français (150 tombes) et quelques Anglais, à droite, les Allemands (six cents tombes). Le narrateur est frappé par "la profusion de plantes, de fleurs fraichement coupées : tout cela est disposé avec un goût géométrique, à l'allemande". elles, sont méthodiquement organisées : les soldats allemands sont inhumés du côté droit, les Français du côté gauche, avec quelques Anglais.
La cérémonie est organisée de manière très théâtrale comme le montre l'arrivée de l'empereur.

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Source : Archives Municipales

Des discours sont prononcés lors de cette inauguration : le premier par un pasteur protestant allemand et un deuxième par un curé français, M. le chanoine Démaret. Lorsque ce dernier évoque le deuil des mères et des épouses, le visage de l’empereur semble témoigner d'un mouvement d'humeur comme lors du discours du maire A. Gibert quand il évoque « un même tableau de femmes en pleurs ». Le sujet est sensible et Guillaume II, selon narrateur, "ne veut pas amollir le coeur de ses soldats par la représentation d'un cortège de larmes et de détresses".
Le monument est ensuite remis officiellement à la mairie de Saint-Quentin et l'empereur dépose deux couronnes de fleurs, la première au pied des noms gravés des soldats français puis une seconde au pied de ceux des soldats allemands.

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Source : Archives Municipales

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Source : Archives Municipales

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Source: Archives Municipales

Un autre cimetière : les Champs-Elysées

A la fin de la guerre, on manque de place pour enterrer les morts, français comme allemands. Il n’y a plus de place dans le cimetière inauguré par l’Empereur, qui, de plus, a été touché par la guerre : le monument aux morts est abimé et le cimetière n’est plus entretenu.

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Source: Archives Municipales

Pour pallier à ce problème, les Champs-Elysées, et notamment l’allée principale, vont se transformer en véritable cimetière : les tombes seront retirées après la guerre comme celles des soldats français et anglais se trouvant dans le cimetière Saint-Martin (qui deviendra une nécropole réservée uniquement aux soldats allemands).



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Source: Archives Municipales

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Source: Archives Municipales

jeudi, octobre 16 2014

Déporter ou évacuer une partie de la population saint-quentinoise

Déporter

Le 15 juin 1915, un train contenant 460 Saint-Quentinois entre en gare de Saint-Quentin. Il vient d'Allemagne et transporte des personnes rapatriées pour différentes raisons : maladie, fin de peine ou grâce accordée suite à une intervention.
Elie Fleury recueille le témoignage d'Henry Leblay. Pensant qu'il était concerné par l'affiche du 29 novembre 1914, destinée pourtant uniquement aux "personnes appartenant aux armées", il se rendit à la Kommandantur. Il fut déporté, alors qu'il n'était que simple garde des voies ferrées, pour le camp de Wetzlar avec les soldats de la 10ème armée territoriale présente à Saint-Quentin lors de l'arrivée des Allemands. Wetzlar est une ville d’Allemagne située dans le Land de Hesse, à mi-chemin entre Francfort-sur-le-Main et Cassel, à environ 500 kilomètres de Saint-Quentin.
Henri Leblay raconte qu'ils furent entassés à 42 dans un wagon à bestiaux et qu'ils n'ont pas pu manger pendant les 36 heures de voyage. Il nous renseigne ensuite sur les conditions de vie dans le camp de Wetzlar. Ils étaient peu nourris : on leur donnait un quart de café et une boule de pain de 4 livres par 10 hommes et par journée à leur lever, à 5 heures du matin ainsi qu'une soupe très délayée et composée d'orge, de féverolles, d'avoine ou de rutabagas à 10h du matin et à 6h du soir. Ils devaient travailler dans des carrières de pierre. Les punitions étaient nombreuses (la plus fréquente était d'être privé de nourriture pendant toute une journée). Selon Elie Fleury, "les coups de poing, de pied ... pleuvaient à tort et à travers".
Des industriels allemands demandaient parfois de la main d’œuvre au camp. Au début, il y eut de nombreux volontaires, "espérant avoir un peu plus à manger" car ils touchaient un salaire. Mais, selon Elie Fleury, "le travail leur était rendu si pénible par les injures des contremaitres et l’hostilité des populations qu’ils demandaient à rentrer au camp où ils étaient punis, en arrivant, de quinze jours de prison, comme paresseux".
Henri Leblay raconte ensuite qu'une photographie de groupe fut mise en scène à destination des pays neutres : "Un beau jour apparurent des officiers qui offrirent une cigarette à chaque homme convoqué au rassemblement et les firent asseoir devant des tables où étaient des verres et des bouteilles. On entendit le déclic d'un appareil photographique et l'orgie se termina là. A grands coups de poing, les hommes furent poussés dans les baraques et durent jeter leurs cigarettes mâchurées"
La description de la foule des 460 déportés en gare de Saint-Quentin par Elie Fleury est une condamnation de la déportation pratiquée par les Allemands et de la brutalité de la Première guerre mondiale : "Sont-ce bien des humains ? ... Ils paraissent ne pas s'être lavés depuis des mois. ils ont perdu ce que l'on peut appeler la dignité de l'alimentation. Traités, en effet, comme des bêtes immondes, on leur jetait une pitance dégoûtante dans des récipients qu'ils trouvaient au tas d'ordures : boîtes à sardines, faÏences cassées, casseroles trouées, et il leur était interdit de se servir de fourchette et de couteau. Battus, engueulés, voués à l’inaction, ils sont presque tous ... dans un état d'hébétude complet qui semble irrémédiable. A la façon dont ils se précipitent sur la nourriture que la ville leur a fait préparer, on saisit sur le fait le retour à l’animalité. Ils bousculent un camarade qui tombe et se casse le bras sur l'angle du trottoir". Elie Fleury termine son récit en précisant que certains disent : "C'était mieux en Allemagne". La ville n'était pas préparée à accueillir ces déportés ce qui explique la déception de certains déportés à leur retour.

Evacuer

Le dimanche 7 mars 1915, à 8h30 du matin, le comte Bernstorff, commandant la ville de Saint-Quentin, avertit le maire, M. Gibert, qu’il va faire partir un train à 15 heures pour évacuer en Suisse et, de là, en France non occupée par les Allemands, « 500 personnes de la classe pauvre ». Il lui dit ensuite qu’il faut 600 personnes à évacuer pour le lendemain lundi à la même heure, et 500 pour le mardi. Elie Fleury raconte l'embarras de la municipalité : "de quel droit pousser hors de chez eux des Saint-Quentinois ?". Cependant, il montre aussi les "avantages" de cette mesure : le départ de ces personnes représente moins de bouches à nourrir et à aider financièrement. De plus, il s'agit d'une évacuation vers la "France libre".
La mairie décide, dans un premier temps, d'évacuer un certain nombre de personnes hospitalisées à Saint-Quentin et originaires de la Somme : 89 hommes, 121 femmes et 209 enfants de moins de 15 ans originaires des environs de Roye, Péronne et Chaulnes. On y ajoute 40 prostituées malades ainsi qu'un "certain nombre d'indésirables indiqués par la police et quelques miséreux de bonne volonté".
Le lundi 8 mars, les Allemands utilisèrent cependant la violence : "ils fermaient une rue, entraînaient dans les maisons les plus modestes et saisissaient les gens au lit : "Habillez-vous, il faut partir !". les pauvres diables, à peine vêtus, étaient poussés dehors, parqués à la gendarmerie et finalement conduits à la gare sans boire ni manger .... D'autres gendarmes parcouraient la ville en auto et happaient au passage tout ce qui leur paraissait "bouche inutile". De vieux ménages se trouvèrent ainsi désunis sans que la femme sût ce qu'était devenu le mari ou réciproquement."
D'autres évacuations furent organisées. Un nombre croissant de personnes se portent volontaires pour quitter la ville occupée et, au fur et à mesure, la procédure d'évacuation est mieux organisée par les Allemands qui en tirent aussi profit : les Saint-Quentinois doivent désormais payer pour leur voyage comme le montre l'affiche suivante datée du 1er janvier 1916 :
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mardi, avril 15 2014

La vision de l’occupant à Saint Quentin

Elie Fleury raconte un grand nombre d'anecdotes décrivant les Allemands de manière négative.

L’assassinat d’Isaïe Longuet.

Isaïe Longuet est un tisseur mais il a été chargé de surveiller la maison du banquier M. Journel, rue d'Isle, qui a quitté Saint-Quentin. Selon Elie Fleury : "Une donzelle allemande, partageant pour quelques heures les loisirs d'un officier qui logeait là, barbota dans les tiroirs de Madama Journel". Longuet alla porter plainte à la Kommandantur. La jeune fille, dont on avait fouillé les malles, fut renvoyée en Allemagne. Mais l’officier allemand voulut se venger. Beaucoup de gens savaient que Longuet était un braconnier avant la guerre. Les Allemands perquisitionnèrent la maison de Longuet et on retrouva chez lui son fusil qui lui servait à chasser. Dès les premiers jours de l'occupation, les Allemands avaient réquisitionné toutes les armes et menaçaient de fusiller toutes les personnes qui en avaient encore chez elles. Un court procès eut lieu où Longuet se défendit mal. Il fut mis en détention et condamné à être fusillé. On le fusilla le 30 octobre à 15h. Monsieur Vatin, de l’état civil, vint chercher le corps pour le mettre au cimetière. Aucun soldat allemand ne l’aida à le transporter.

Des Allemands qui se comportent de manière brutale

Les Allemands sont souvent décrits de manière négative. Ils sont grossiers : "Crapules de Français ! Canailles ! ; « Van Malzahn vomit des injures dans un jargon abominable. », « Il a engueulé au passage la sentinelle» . Elie Fleury considère souvent qu'ils ne se comportent pas comme des êtres humains : « Vociférations à la porte de l’ambulance, cris qui n’ont rien d’humain. » ; "injures proférées de cette voix de gorge spéciale qui fait penser à un hache-paille détraqué». Ce comportement a pour objectif de terroriser les Saint-Quentinois. Le lieutenant-colonel von Malzahn, considérant que l'hôtel dans lequel il est logé n'est pas assez chauffé, déclare au maire M. Gibert : «Si ça ne chauffe pas dans une heure, je vous fais fusiller sur le bord du canal...On ne sera tranquille ici que quand j’aurais fait pendre 100 habitants". Les Allemands faisaient également peur aux femmes : « Tout le personnel féminin était frappé de terreur. »

L’attitude soupçonneuse des Allemands

Elie Fleury décrit des Allemands toujours méfiants à l'égard des Saint-Quentinois. Selon lui, les Allemands mènent des enquêtes sur les personnes qui posent des questions ou sur celles qui parlent des viols et des délits commis par les Allemands. Un climat de suspicion s'installe à Saint-Quentin. Les habitants ont peur que leurs conversations soient écoutées. Les Allemands soupçonnent tout le monde, y compris les religieux (anecdotes sur l’abbé Heller et sur les Petites-Soeurs des Pauvres).

La gestion des prisonniers et des blessés

Les combats autour de Saint-Quentin ont laissé un certain nombre de soldats prisonniers ou blessés que les Allemands doivent gérer dès septembre 1914.

Les prisonniers

Elie Fleury nous dit qu'ils sont entassés dans des locaux réquisitionnés : la Société industrielle et la Bourse du Commerce. Les Allemands décident rapidement de les envoyer en Allemagne par train.

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Source : Société Académique de Saint-Quentin - Bâtiment construit en 1884 par la Société industrielle pour créer une école professionnelle, rue Saint-Jean (actuellement rue Raspail, site de l'INSSET)

Selon Fleury, la population se montre "fraternelle" avec eux : les Allemands ne s'opposent pas à ce qu'elle donne des produits alimentaires et du linge mais Elie Fleury nous précise qu'ils établissent des catégories. "Un panier de fruits fut ainsi partagé devant moi : une poire à chaque Français, une poire pour trois Anglais. L’Anglais était la « bête noire » et, sur les murs, sur les wagons, on lisait l’imprécation avec laquelle s’abordaient les officiers « Que Dieu punisse l’Angleterre ! »". Cette anecdote révèle la haine que les Allemands portent envers les Anglais et qui est évoquée à de nombreuses reprises dans le livre.

Les blessés

Des structures existaient avant le début de la guerre à Saint-Quentin pour accueillir d'éventuels blessés. La Croix-Rouge était présente à Saint-Quentin, par l'intermédiaire de deux sociétés : L’Union des Femmes de France qui avait installé son hôpital dans l’école Theillier-Desjardins, au faubourg Saint-Martin et la Société de Secours aux Blessés militaires qui occupait tout le patronage Jeanne d’Arc, au faubourg d’Isle, avec une petite annexe rue de la Raffinerie et un dispensaire rue Cronstadt. Les Allemands installèrent leurs grands hôpitaux au lycée Henri-Martin, à Fervaques et à l’Hôtel-Dieu.
Elie Fleury raconte qu'"au début, tout fut plein et indistinctement de blessés de différentes nationalités. Puis un classement se fit et, devant l'invasion des docteurs allemands et des "soeurs" patentées ou non, l'expulsion progressive du personnel français se poursuivit méthodiquement".

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Source : Société Académique de Saint-Quentin -Louise Hugues, qui dirige L'Union des femmes de France, pose au milieu des bénévoles. Veuve du député-maire de Saint-Quentin, elle consacra sa vie aux défavorisés, notamment entre 1914 et 1917

La levée des travailleurs civils à Saint-Quentin

L'organisation de la levée des travailleurs civils

Le 5 décembre 1914, les Saint-Quentinois découvrent une affiche placardée dans la nuit "ordonnant aux hommes de 18 à 38 ans de se présenter, à une heure, à la caserne, porteurs d'une feuille en double, avec le nom, l'adresse, la profession, etc."Le maire se rend alors à la Kommandantur et reçoit l'assurance du nouveau commandant, le comte von Bernstorff, que "c'est là une simple formalité, qu'on ne retiendra que les ouvriers terrassiers - et encore pour quelques jours- et les apaches et repris de justice dont la police a fourni une liste". Selon Elie Fleury, trois à quatre mille jeunes se présentent à l'heure dite. On laisse repartir la plupart en ne conservant que "la plus jeune classe, celle de 1896, les adolescents de dix-huit ans".

IMG_4286.jpg Source : Elie Fleury Sous la botte, illustration Paul Séret

Les Allemands éliminent tous ceux que M. Lambert, le commissaire de police, leur indique comme appartenant au commerce et aux professions de l'administration. Finalement, 870 jeunes gens sont retenus et apprennent qu'ils vont devoir travailler pour l'Allemagne.
Entre 21 heures et 22 heures, ils se rendent à la gare. Elie Fleury nous décrit l'atmosphère de cette première réquisition : "Ces pauvres garçons chantaient La Marseillaise, le Chant du Départ et poussaient des cris de : Vive la France ! Adieu maman ! Les Allemands, eux, hurlaient : Hourra ! pour couvrir ces protestations."
Le train s'arrêta en gare d'Aulnoye puis fut coupé en deux : une moitié partit pour Le Quesnoy, l'autre moitié pour Landrecies. Les jeunes Saint-Quentinois travaillèrent à couper du bois dans les forêts ou à travailler pour l'entretien des routes.

Les témoignages de Saint-Quentinois recueillis par Elie Fleury

Franck Debeauvais, l’un de ces travailleurs, raconte qu’ils sont arrivés à Landrecies à cinq heures du matin. Ils sont logés dans la caserne Biron. Grâce aux habitants et au maire de la ville, ils reçoivent des poêles, de la paille, des couvertures (ils avaient dormi par terre la première nuit).
Chaque jour, un sous-officier vient faire l’appel à huit heures du matin. Cent cinquante à deux cents travailleurs civils sont envoyés en forêt pour récupérer le bois qui a été coupé par des "évacués de la ligne de feu, des gens de la Somme par conséquent". Franck Debeauvais insiste sur le fait qu’ils ne font rien d’utile et qu'ils sont très mal nourris.
Cependant, les Allemands renvoient chez eux ceux qui ne sont plus en bonne santé : "Une heureuse petite indisposition me valut de revenir chez moi. J'étais le cent soixante-troisième dans ce cas".

Elie Fleury nous donne un autre témoignage d'un Saint-Quentinois qui travaillait sur les routes :
Après avoir travaillé sur les routes autour de Landrecies, cette personne qu'Elie Fleury ne nomme pas, est emmenée à Péronne puis à Marquaix et enfin à Tincourt-Boucly.
Il décrit des conditions de vie difficiles : ils sont logés dans des maison inhabitées, sans fenêtres. "La paille était mesurée et, pour le feu, nous ramassions du bois". "J'ai passé neuf mois sans me déshabiller. Bien entendu, on ne nous mettait pas à l'abri de la pluie. Nous étions en loques".Ils vivent aussi complètement coupés de leur famille : "Il paraît que de Saint-Quentin, nos parents nous envoyaient paquets sur paquets. Nous n'avons jamais rien reçu, pas même une carte-correspondance". Lors de leurs déplacements, il leur est interdit d'adresser la parole à un civil.
Le travail est dur et les coups pleuvent : "coups de crosse et piqûres parfois profondes de baïonnettes". Il revient à Saint-Quentin le 7 juillet 1915, seul de son équipe de douze, car il a bénéficié d'une "protection". Mais il doit rester trois semaines à la caserne sans savoir pourquoi.
Son père, pour son travail, a touché 132 francs dont 80 en bons de réquisition.

Le dernier témoignage est celui de Ladéolle qui fait partie du train qui s’arrête au Quesnoy. Il y restera deux mois.
Les travailleurs civils sont logés à la caserne Lowendal dans des chambrées de quarante. Ils sont classés par corps de métiers ce qui suscite, selon le témoin, un sentiment de jalousie de la part des ouvriers manuels contre les employés.
Il décrit sa journée : "le réveil sonnait à 5 heures, deux ou trois Allemands entraient en trombe dans chaque chambrée et piquaient à la baïonnette les dormeurs pour les réveiller". Ils vont à la gare pour charger du "sucre, du foin des fagots, des betteraves".
Les conditions de travail sont très pénibles : "Les coups pleuvaient sur les plus faibles. Le caporal Malts notamment avait inauguré une bastonnade au nerf de boeuf qui était vraiment très cruelle ; il tapait sans distinction sur tous ceux qu'il croisait et il en résultait des meurtrissures extrêmement douloureuses". Les conditions de vie sont très dures. La nourriture est exécrable : le matin, les travailleurs n'ont droit qu'à "un peu d'eau chaude tourmentée appelée café". "A midi, l'on mangeait du riz au mou, c'est-à-dire du riz cuit à l'eau et sans sel, dans lequel on avait écrasé 4 kilos de mou de veau pour 400 hommes. Le soir, du "jus" comme au matin". Mais le café est bientôt remplacé par la "papinette" c'est-à-dire de la farine délayée dans de l'eau sans sel.
Le témoin remercie les habitants du Quesnoy qui leur font parvenir de la nourriture et surtout des vêtements chauds "car beaucoup d'entre nous, se fiant à la parole donnée par les Allemands qu'il ne s'agissait que d'une simple formalité d'inscription, s'étaient rendus à la caserne de Saint-Quentin en simples habits de travail."

La chasse aux Anglais

La présence de soldats anglais dans la ville occupée

Au début de l’occupation de Saint-Quentin, à partir de la fin août 1914, des soldats anglais étaient encore présents dans le ville. Certains étaient blessés et se trouvaient au palais de Fervaques où, selon Elie Fleury, "on les laissait mourir, faute de personnel et d'objets de pansement". D'autres se trouvaient dans la ville car ils n’avaient pas eu la possibilité de fuir devant l'ennemi. Elie Fleury estime qu'il y en avait une centaine.
Des Français décidèrent de recueillir les Anglais qu’ils trouvaient dans la rue avant qu’ils ne se fassent arrêter. Pendant trois ans, une "chasse aux Anglais" fut organisée par les Allemands. "Ils en prirent quelques uns et les traitèrent en sauvages : ils en fusillèrent deux à Saint-Quentin et beaucoup aux environs ; mais il leur en échappa".

Témoignage recueilli par Elie Fleury

Elie Fleury reproche à certains Anglais d'avoir été imprudents et d'avoir ainsi mis en danger la vie des Saint-Quentinois qui les avaient accueillis.
Il nous raconte ainsi qu'après l'entrée des Allemands à Saint-Quentin un jeune homme recueille deux Anglais. Le premier l'a abordé sur place de l'Hôtel-de-Ville : "un homme vient à moi, tenant entre les doigts une cigarette éteinte : il me fait comprendre qu'il veut du feu. Je n'ai pas de peine à démêler que c'est un Anglais que, la veille, on a habillé n'importe comment puis flanqué à la rue, car c'est trop dangereux". Il repère le lendemain un autre Anglais qu'il accueille aussi chez lui.
« Tout aurait bien marché, si le premier Anglais avait été raisonnable ; mais, alors que son camarade ne sortait qu’en ma compagnie et le soir, lui, il se promenait perpétuellement en ville et il finit par se faire arrêter dans la journée du 15 octobre ». L'Anglais révèle aussi où il loge. La maison est alors envahie par les Allemands qui mettent en prison le jeune homme et son père. Ils sont jugés par un conseil de guerre et condamnés à dix ans de travaux forcés. Le père sera déporté à Werden, en Rhénanie du Nord-Westphalie qui est une région proche de la frontière française. Il sera gracié quinze mois après en raison de son âge (64 ans) et d'une intervention du maire de Saint-Quentin. Le fils fut déporté à Crefeld, une autre ville située dans la même région. Il ne sera délivré qu'après l'armistice.

Les réquisitions

Les réquisitions sont organisées dès le début de l'occupation par les Allemands. Les Saint-Quentinois ne sont pas surpris car ils ont connu l'occupation durant la guerre de 1870-1871 et ses nombreuses réquisitions.

Les réquisitions de marchandises

D'après Elie Fleury, nous pouvons voir que, vers la mi-septembre, les Saint-Quentinois ont été dépouillés de « peaux de la Halle aux cuirs (330 000 francs), 300 bicyclettes, 5 000 chemises, 5 000 caleçons, 5 000 paires de chaussettes, 5 000 tricots, du drap en pièce, des vêtements confectionnés, etc., etc. Il y en avait pour un million et plus. ». Cela montre que ces réquisitions sont massives et touchent des biens divers et variés.
Elie Fleury montre que les autorités municipales essaient sans cesse de négocier et d'atténuer l'ampleur des réquisitions. Il retranscrit ainsi un dialogue entre le maire M. Gibert et le directeur général des étapes qui a la responsabilité des réquisitions.
-Excellence, la ville de Saint-Quentin s'appauvrit de jour en jour : une semaine encore de ce régime et nous ne pourrons plus rien.
-Oh ! Nous trouverons bien les moyens d'obtenir ce qu'il nous faut.
-Pensez, Excellence, que la ville de Saint-Quentin compte 45 000 ouvriers et 5 000 riches peut-être, et encore sont-ils partis pour la plupart.
-Confisquez leurs biens et faites vous des ressources avec.
-La loi s'y oppose.
-Il n'y a plus de loi française.
L'intervention de la municipalité permet d'atténuer certaines réquisitions mais pas de les supprimer.
Les Allemands, dès novembre 1914, s'en prennent aux productions de l'industrie saint-quentinoise : C'est par la filature de M. Touron, sénateur, que la fête commence : 600 000 francs de coton ; puis 300 000 francs chez MM. Hugues ; 100 000 mètres chez Léon frères ; 500 pièces finies chez MM. Boudoux, etc... Chaque réquisition est précisée sur un document déposé en mairie : "Au 20 octobre, on en sera au numéro 8 000".
Les "réquisitions" portent parfois sur de petites quantités et ne semblent pas être motivées par la guerre : "Il y a de tout depuis le ballon de football jusqu'à un étui de préservatifs". "Les infirmières... se montrent d'une âpreté nerveuse...Les fourrures sont dévalisées d'abord puis tant d'aigrettes...tant de mètres de rubans et surtout tant de corsets."

Les réquisitions d'hommes

Les réquisitions peuvent aussi toucher les hommes et les otages. Nous pouvons prendre comme exemple la réquisition du 23 septembre 1914, où "on sonne et l’on affiche que tous les hommes de 18 à 48 ans devront se rendre à la Bourse du commerce à 7 heures du soir et que la ville sera frappée d’une pénalité de 500 francs par absence constatée".
Mais cette première réquisition n'aura pas lieu car on ne peut pas l'exécuter comme l'écrit Elie Fleury : "C'est inepte : le local ne recevrait pas les mobilisés d'un village moyen et commencer à 7 heures du soir une identification de cinq à six mille hommes !"
Elie Fleury écrit aussi que : "Les Allemands en reviennent à une très vieille coutume barbare, les otages". Trois notables, renouvelables tous les vingt-quatre heures, doivent être à disposition des autorités allemandes. Ils sont installés confortablement au-dessus de la pharmacie Brancourt, sur la place de l'Hôtel-de-Ville. Ils passent la journée à jouer aux cartes. Selon Fleury, "quelques Saint-Quentinois, qui ne sont pas désignés et qui s'en croyaient dignes par leur situation, sont un peu vexés". Mais ce système des otages ne dure pas longtemps (du 25 septembre au 14 octobre 1914).

La visite de Guillaume II

L'empereur Guillaume II

Guillaume II est né le 27 janvier 1859 à Berlin. De 1888 à 1918 , il est le troisième et dernier empereur allemand et le neuvième et dernier roi de Prusse. Après son abdication en 1918, il vit en exil aux Pays-Bas où il meurt le 4 juin 1941 à Doorn.
Il est venu plusieurs fois à Saint-Quentin au cours de la guerre. Elie Fleury raconte en détails sa première venue dans la ville, le 15 octobre 1914.

La préparation de la visite

Elie Fleury nous explique que la Kommandantur a choisi une belle maison située sur le côté est des Champs-Elysées pour accueillir l'empereur d'Allemagne. Les propriétaires, M et Mme Basquin, sont expulsés le matin même.

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Source : Elie Fleury Sous la botte - Illustration Paul Séret

Une armée de soldats tapissiers transformèrent la maison pour une visite qui n'allait durer que quelques heures.

Le déroulement de la visite

Dimanche 4 octobre 1914 :
-11 heures : la voiture de l'empereur arrive à Saint-Quentin par la rue de La Fère. Le cortège s'arrête rue de Lorraine devant la grande maison de Mme Edmond Testart qui est occupée par le commandant de la 2ème armée, von Bülow
-Déjeuner chez von Bülow
-Visite sur le front aux environs de Ham
-17 heures : Guillaume II est de retour
-20 heures : diner au "palais impérial" (maison de M et Mme Basquin)

Lundi 5 octobre 1914 :
-nouvelle visite sur le front
-12 heures : déjeuner
-14 heures : Guillaume II repart pour son quartier général de Mézières.

Le témoignage de Charles Basquin

Elie Fleury a recueilli le témoignage de Charles Basquin qui fut convoqué dans sa propre maison par Guillaume II avant de partir afin de le remercier pour son "hospitalité".
Il décrit Guillaume II comme une personne très soucieuse de son apparence physique : il tient sous son bras inerte (il souffre depuis sa naissance d'une atrophie de l'épaule gauche) son casque couvert d'un manchon gris. Il s'excuse pour ses bottes poussiéreuses ("Excusez-moi, c'est la guerre !").

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Source : Elie Fleury Sous la botte - Illustration Paul Séret

Il veut aussi plaire à son interlocuteur : "La denture est superbe et Guillaume II veut qu'on le sache car il rit à tout propos. Il parle le français sans accent et appuie tous ses arguments de gestes expressifs : on sent qu'il veut persuader, convaincre"
Il affirme qu'il a tout fait pour éviter la guerre : "J'ai retardé la mobilisation de quatre jours et donné des ordres formels à tous mes chefs d'armée afin de ne pas laisser mettre un pied sur le sol français ; le lendemain, je recevais dépêche sur dépêche m'annonçant que les Français entraient en Allemagne. Alors, j'ai marché, mais je vous répète que jamais je n'ai désiré la guerre".

mercredi, mars 5 2014

L'atmosphère à Saint-Quentin avant l'arrivée des Allemands

La peur de l’invasion

Une partie des Saint-Quentinois quittent la ville. « La mairie a délivré 6 000 laissez-passer ».
Les Fleury décident d’envoyer leur fille et leur petite-fille en Provence, où ils ont de la famille. En quittant la maison familiale, la petite-fille des Fleury dit : « Adieu tout ce que j’aime et que je ne reverrai jamais ! ».

La peur des espions

Les officiers anglais de passage à Saint-Quentin parlent de moins en moins avec la population : ils pensent qu’ils sont entourés d’espions.
Selon Elie Fleury, le risque est réel : il raconte comment deux hommes, qui se présentent comme un officier de marine et un sergent, se sont révélés être des espions. La population pense qu’il y a des espions allemands dans la ville et chacun se méfie de l’autre.

La perte de confiance dans les autorités

L’angoisse grandit d’autant plus qu’il est impossible d’avoir des informations fiables. Les populations font de moins en moins confiance aux autorités. Elie Fleury résume ainsi cet état d'esprit : « Ce qu’on voit de ses yeux, ce qu’on entend de ses oreilles, ce qu’on ressent dans son âme dément le texte des dépêches officielles imperturbablement affichées deux fois par jour en treize endroits de la ville et les dépêches dites « visées », publiées docilement par les journaux ».

L'entrée des Allemands à Saint-Quentin (28 août 1914)

Elie Fleury fait un double récit de cette journée en mêlant constamment la manière dont les autorités et lui-même vivent les mêmes événements.

L’événement vu par les autorités

Le préfet de l’Aisne est présent à Saint-Quentin dès 6 heures du matin : il a été envoyé par la présidence de la République pour évacuer la riche collection de pastels de Maurice-Quentin de La Tour.
Les nouvelles ne sont pas bonnes : la receveuse des Postes de Fontaine-Notre-Dame (12 kilomètres de Saint-Quentin) téléphone à la mairie pour préciser : « Voilà les Prussiens. Ils avancent, voilà les casques à pointe ». La même information est aussi communiquée depuis Homblières (7 km).
Ces informations ne sont pas prises au sérieux par les autorités : « Elle n’y connaît rien. La receveuse est folle : ce sont des Anglais ».
Le préfet de l’Aisne passe une heure en haut du beffroi « à regarder la fumée des proches incendies et les nuages blancs des shrapnels ».
Mais, comme toutes les autorités locales, il a confiance dans les dépêches officielles qui nient l’avancée allemande. Ainsi, il transmet la nouvelle à Paris mais en précisant : « Mais ce n’est pas sérieux ». Il dit aussi au sous-préfet qui a pour ordre de quitter la ville si Saint-Quentin est menacée : « Je crois que maintenant vous pouvez rester. Il n’y aura rien ».

L'événement vu par Elie Fleury

La population est de plus en plus angoissée et croit de moins en moins les dépêches officielles qui disent qu’aucun danger ne menace Saint-Quentin.
Elie Fleury décide de partir en voiture « en reconnaissance » le matin du vendredi 28 août à 6 heures du matin pour se faire sa propre opinion. Arrivé à Marteville, à la sortie de Vermand, il croise plusieurs personnes (un agriculteur, des cyclistes) qui lui confirment l’arrivée des Allemands.
De retour à Saint-Quentin, le maire lui demande de taire cette information. Il monte à 9 heures au petit clocher de la Basilique et voit, tout autour de la ville, des villages incendiés (« les petits nuages blancs des shrapnels luisent sous le soleil dans le ciel bleu du ciel »). Il apprend aussi que des soldats allemands sont signalés à Itancourt et au cimetière de l’Est.
Face à l'absence de réaction, les Allemands peuvent entrer sans problème dans la ville. Fleury se trouve à l’Hôtel-de-Ville dans l’après-midi où « tout le monde attend ». « Il est 5 heures 25. Tout d’un coup, Delhorbe se précipite dans le cabinet du maire en criant : « Les v’là ! ». On se jette aux fenêtres et par celle de gauche on aperçoit, s’alignant tout à l’entrée de la rue Croix-Belle-Porte, de l’angle du Café de Paris au coin de la rue Saint-André, un rang d’hommes gris coiffés de casques. En arrière, un fourmillement de troupes. »
Elie Fleury écrit aussi : "On illumina le 29 août 1914 en Allemagne et ... on donna un jour de congé aux élèves des écoles quand le communiqué annonça que la ville de Saint-Quentin était prise une troisième fois : 21 octobre 1870, 19 janvier 1871, 28 août 1914"

mardi, mars 4 2014

L'occupation allemande en Belgique

« Les Allemands se conduisent comme des sauvages : ils pillent et tuent même les enfants, sans pitié » tels sont les mots prononcés par les troupes françaises ou anglaises quand elles reviennent de Belgique.

Cette cruauté est reprise à travers le témoignage de Victor Delbruyer, un belge ayant fui son pays à cause de l’occupation allemande et qui est recueilli par Elie Fleury. L’auteur nous retrace l’ « Odyssée » de Victor Delbruyer qui vient de Sars-la-Bussière, un village entre Thuin et la frontière.

Cette situation est la conséquence de la violation de la neutralité de la Belgique par les Allemands. L'invasion du pays désorganise l'état-major allié. Les mauvaises nouvelles parviennent jusqu'à Saint-Quentin par les soldats : on apprend ainsi le recul des Anglais à Charleroi, à Mons et au Cateau.

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Source : Wikipédia

Sir John French, le Commandant en Chef des Troupes britanniques, est à Saint-Quentin, au lycée Henri Martin, le 26 août.
« Dès le 24 août, nous avons un prodrome d’invasion extrêmement émotionnant : l’arrivée de paysans belges. Cent cinquante le matin, quarante dans l’après-midi chassés par la bataille ».
Victor Delbruyer raconte que la violence des combats est telle qu'il a dû quitter son village avec sa famille immédiatement après l'arrivée des Allemands.

A partir du 21 août, les armées allemandes ont envahi la ville de Dinant et agissent de manière très violente : ils tirent à travers les fenêtres, défoncent les portes des habitations et mettent le feu. A proximité de l’abbaye de Leffe, les Allemands massacrent de nombreux civils. Pendant plusieurs jours, les maisons sont pillées par les Allemands et les villages belges sont en feu.

C’est dans ce contexte que des Belges arrivent à Saint-Quentin. Elie Fleury nous apprend qu’ils sont rassemblés dans le cirque de la rue Dachery à Saint-Quentin. Ils sont bien accueillis par les Saint-Quentinois puisque l’auteur nous dit qu’« ils sont vite adoptés par les Saint-Quentinois qui les emmènent les uns après les autres».

L'état d'esprit des Saint-Quentinois en août 1914

Le souvenir de la guerre de 1870

Au début de la Première guerre mondiale, en août 1914, les Saint-Quentinois étaient préparés à une guerre contre les Allemands, et cela depuis la guerre de 1870. Cette guerre, qui avait commencé en juillet 1870 pour s’achever en janvier 1871, est catastrophique pour la France. Les Français étant mal préparés et mal commandés, ils sont sévèrement battus dans plusieurs batailles.
Durant cette guerre, une bataille, qui est encore présente dans les esprits en 1914, a eu lieu à Saint-Quentin : les Saint-Quentinois ont repoussé un détachement allemand mais la ville est envahie et occupée après la défaite du général Faidherbe au moulin de Tous-Vents, à Gauchy, le 19 janvier 1871. Comme une partie du Nord de la France, Saint-Quentin est occupée par les Allemands pendant huit mois.

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Source : Bibliothèque Municipale

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Source : Bibliothèque Municipale

Les Français, après cette guerre, se sentent humiliés : la France perd l’Alsace et une partie des départements lorrains et doit payer cinq milliards de francs-or à l’Allemagne. C’est pourquoi certains Français développent un esprit revanchard après 1870 et attendent une nouvelle guerre comme Elie Fleury :
« Depuis quarante-quatre ans, je me demande, je ne dis pas quatre fois par jour, mais bien souvent, ce que nous ferons, ce que nous deviendrons, ce que nous penserons quand l’inévitable guerre aura lieu »

Un monument est élevé pour commémorer la bataille du 8 octobre 1870. La ville de Saint-Quentin est représentée par une ouvrière au rouet et à la quenouille qui soutient un défenseur blessé à mort. Le monument est inauguré en 1881 place du Chemin de Fer qui prend désormais le nom de place du 8 octobre.

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Source : Archives Municipales

Le déclenchement du conflit

L’ordre de mobilisation est affiché partout dans la ville :

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Source : Musée de l'Armée

Les services sont réorganisés : moins de tramways, la circulation sur les routes est interdite du soir au matin. Toute la vie de la cité est concentrée sur la Grand'Place dans l’attente de nouvelles. Elie Fleury montre cependant la confiance des Saint-Quentinois au début du conflit. La plupart passe l’après-midi du dimanche aux Champs-Elysées. On peut relever « comme d’habitude, les vieux sont assis sur les bancs», « je passe l’après midi du dimanche sous le marronnier », « les enfants jouent sur le large trottoir ».
On remarque qu’il s’agit de trois générations différentes : «les vieux», l'auteur et «les enfants». Aucune des trois ne semble inquiète par ce qui arrive.
La confiance des Saint-Quentinois est particulièrement visible au moment du passage des troupes anglaises en gare de Saint-Quentin à partir du 13 août : elles vont sur le front entre Mons et Maubeuge.
L’auteur décrit des « locomotives enguirlandées » et des habitants qui offrent du thé aux soldats. La vue des convois rassure les Saint-Quentinois : « ce sont des escadrilles et leur immense matériel, des ambulances auxquelles il ne manque rien, où tout est reluisant, neuf, confortable, des camions énormes, des chevaux incomparables ».
Jusqu’au 20 août, quatre-vingt deux trains chargés d’Anglais passent en gare de Saint-Quentin.

mardi, février 11 2014

L'offensive allemande menace Saint-Quentin

La population de Saint-Quentin est très surprise par la progression de l’armée allemande car elle n'est pas informée du succès de son offensive.
Des troupes anglaises quittent le front du Nord et vont vers le Sud en passant par la gare de Saint-Quentin. Certains soldats, anglais ou français, disent aux Saint-Quentinois : "Tout ce qu’on vous raconte dans les dépêches est absolument faux"
« La bataille de Charleroi est perdue» , « Les Allemands sont à Cambrai» (à 45 km de Saint-Quentin). Les officiers anglais, logés chez l'habitant, donnent le même conseil : "Fuyez ! Abandonnez tout ! pour être envahis, vous le serez et les Allemands se conduisent comme des sauvages : ils pillent et tuent même les enfants, sans pitié"
Un représentant des Charbonnages du Nord de passage à Saint-Quentin témoigne : "L’invasion par le Nord ... a été une surprise pour les autorités civiles et militaires. Le désordre est affreux. Les Allemands descendent en masses profondes et ne trouvent personne devant eux"

Ce changement rapide d'état d'esprit s'explique par le déroulement des opérations militaires.
Le plan Schlieffen (plan de guerre allemand), prévoit d’écraser la France dès le début de la guerre en contournant ses grandes lignes de fortifications (Verdun, Toul, Belfort) par la Belgique neutre. Les Allemands prévoient de garder quelques divisions sur le front oriental (Russie) afin de contenir la mobilisation russe.

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Source : Wikipédia

Le plan XVII (plan de guerre français) a pour objectif de lancer des offensives sur les frontières avec l'Allemagne mais elles connaissent toutes des échecs.

Plan_XVII.png
Source : Wikipédia

Le succès de l'offensive allemande par la Belgique déstabilise l'état-major français. Les Saint-Quentinois vont devoir affronter une invasion à laquelle ils n'étaient absolument pas préparés.

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