Les bombardements et leurs conséquences

A partir d'avril 1915, Saint-Quentin fut, à plusieurs reprises, bombardé par des avions français ou anglais. Ces bombardements n'ont pas eu le même impact chez les occupants et les occupés.

Les premiers bombardements en 1915

Trois avions français survolent Saint-Quentin le 15 avril 1915 à 15h20 : ils cherchent principalement à toucher la gare ainsi que les ateliers de Mesmay qui est un immense dépôt d'automobiles en réparation.

Selon Elie Fleury, la réaction des Français est enthousiaste : "Un cri avait jailli : "Des nouvelles de France !" et aux fenêtres, aux portes, sur le pavé, ce fut comme une floraison subite de visages extasiés aux yeux humides, aux lèvres retrouvant le sourire perdu depuis longtemps."

Cette attitude contraste avec celle des Allemands que Fleury décrit dans un premier temps comme saisis de panique : "La Gare s'était vidée comme une ruche effrayée. Toutes les autos s'en étaient allées s'entasser dans un cul-de-sac. Deux compagnies de lansturmers qui essayaient un casque nouveau dans les bureaux du chemin de fer de Guise s'étaient sauvés tête nue, bousculant des enfants, se culbutant, quelques hommes pris de syncope sur le trottoir". Il les montre ensuite rancuniers et hostiles envers la population saint-quentinoise : "Les Allemands...pendant l'alerte avaient giflé à tour de bras passants et passantes sous prétexte de les obliger à rentrer chez eux. Le sourire est un délit, un geste n'est pas loin d'être un crime. Pour avoir agité son mouchoir, un tout jeune homme -presque un enfant- faillit passer en conseil de guerre et une instruction fut ouverte contre lui. Pour avoir envoyé un baiser à l'aviateur inconnu, une jeune fille fut gratifiée de trois jours de prison."

Le lendemain, les Allemands installent sur la place de l'Hôtel-de-Ville une batterie de canons destinés à tirer sur d'éventuels avions ainsi qu'un guetteur en haut du beffroi (il y a aussi des veilleurs le long des voies). Le 15 juin 1915, le "clairon d'alarme" avertit ainsi la population d'une nouvelle attaque.

Les Saint-Quentinois prennent alors conscience de la capacité de destruction des bombes : 3 victimes civiles sont à déplorer et de nombreux bâtiments (maisons, commerces) sont endommagés autour de l'église Saint-Eloi.

Les bombardements de juillet 1916

Au matin du samedi 1er juillet, à 2h10 heure allemande, un avion apparaît du côté nord-ouest allant droit vers la basilique de Saint-Quentin mais il fait une déviation vers le sud en direction de la gare. Le pilote y lâche les bombes puis se retire. Dans le ciel, des flammes violentes et une épaisse fumée. Plusieurs détonations retentissent. Elie Fleury parle "d'une explosion effroyable" dix minutes plus tard. "Chacun a la sensation qu'une bombe explose chez soi : vitres cassées, meubles renversés, cloisons déplacées ... les glaces des magasins s'abattent sur la chaussée ou se pulvérisent ; les fermetures en fer se tordent en crissant, les volets sont décrochés ou arrachés et pirouettent sur le pavé".

D'autres avions bombardent ensuite la gare : plusieurs incendies se déclarent et se propagent provoquant de nombreuses explosions.

Incendie_de_la_gare.jpg
Source : Croquis de Paul Séret dans Sous la botte, 1926.

Les conséquences des bombardements sont aussi présentes dans la ville : un fragment d'obus est retrouvé place Coligny (place du Marché) et certains magasins et cafés sont endommagés. Mais les dégâts sont plus importants aux abords de la gare : la plupart des maisons de la place du Huit-Octobre ont été évacuées et les ateliers, dépôts, halles situés sur le quai du canal n'ont plus de toit ni de vitre.

Les Saint-Quentinois comprennent vite, malgré les dénégations des Allemands, que des trains de munitions ont sauté comme en témoigne "une excavation régulière qui n'avait rien de moins que cinq mètres de profondeur et une vingtaine de longueur : tout autour, les rails étaient coupés net". Selon Elie Fleury, quatre wagons contenaient chacun deux mines de 800 kg ce qui correspondrait à 6 400 kilogrammes de dynamite.

Elie Fleury oppose la réaction des Allemands qu'il juge "piteuse" ("Beaucoup d'officiers en ville et près de la gare déployèrent un manque complet d'héroïsme, même de vulgaire sang-froid") à la conduite des pompiers saint-quentinois qui ne ménagèrent pas leurs efforts pour éteindre les incendies jusqu'au lundi midi. Selon lui, les bombardements ont fait deux victimes dans la population saint-quentinoise et davantage chez les Allemands qui organisèrent les funérailles de 7 soldats le dimanche, 10 le lundi et 21 le mardi (mais il est difficile de savoir si toutes ces victimes étaient décédées suite aux bombardements de la gare).

L'aviateur anglais responsable des bombardements fut descendu par un avion allemand à Villeret. Elie Fleury nous dit que c'était "un gamin de 17 ou 18 ans" qui ne cachait pas sa joie à chaque explosion dans l'auto qui le conduisait à Saint-Quentin. "Le lieutenant Heintze, de l'état-major, organisa en son honneur une réception somptueuse chez Madame Marville, boulevard Gambetta -c'était l'usage- puis il fut conduit à la prison. La Ville solda l'addition."

Dans la nuit du 10 juillet 1916, Saint-Quentin est bombardé. Elie Fleury raconte que les bombardements commencent à 23h30 et durent 10 minutes. Selon lui, on entend le bruit d’un ou de plusieurs avions mais, malgré la nuit claire, il n'est pas possible de voir les appareils. C’est une pétarade ou il est difficile de démêler le coup de canon, l’éclatement de l'obus et de celui de la bombe.

Le lendemain matin, Elie Fleury se rend sur les lieux (les Champs-Elysées et ses alentours) : il constate une forte présence de curieux et surtout d'Allemands (200 officiers supérieurs sont présents selon lui). 17 bombes sont tombées sur les Champs-Elysées et 19 sur des maisons (entre la rue de l'Est et la rue Jeanne d'Arc).

Il n'y a pas de victimes mais des dégâts importants : Elie Fleury donne l'exemple d'une maison dont le rez-de-chaussée a été soulevé de 60 cm ou d'une autre dont les habitantes sont toutes jaunes en raison de la présence d'acide picrique dans la bombe. Il semblerait que les avions aient manqué leurs cibles (l'hôtel de l'état-major et l'usine de réparation des automobiles).

Bombe_rue_de_l_Est.jpg
Source : Croquis de Paul Séret dans Sous la botte, 1926.

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