Les différentes formes de l'occupation allemande › Enterrer les soldats morts au combat : le cimetière de Saint-Martin

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jeudi, décembre 11 2014

Enterrer les soldats morts au combat : le cimetière de Saint-Martin

Le rôle de l’empereur Guillaume II

Guillaume II est de passage à Saint-Quentin en mars 1915. Il connait la ville où il est déjà venu plusieurs fois. A cause de sa situation proche du front, il décide de faire construire un monument au cimetière Saint-Martin. L'artiste qui doit réaliser le monument est M. Vanschneider. Devant l’emplacement du futur monument, l’empereur et ses généraux serrent les mains des représentants de la mairie saint-quentinoise et l’empereur détaille ses instructions pour le monument. Le maire, M. Gibert, qui raconte la scène à Elie Fleury, explique : « l’empereur donna des explications, fit des croquis sur le terrain et me demanda s’il y avait dans les environs des carrières de pierre. » .Soudain, le monarque change brutalement de sujet et évoque Gaspard de Coligny, le défenseur de Saint-Quentin lors du siège de 1557 par les Espagnols. Il demande quel sentiment provoque l’homme chez les Saint-Quentinois. On lui explique alors que « Coligny est vénéré à Saint-Quentin : il y est considéré comme une personnalité d’ordre moral tout à fait supérieur. ».L’empereur ne cache pas sa satisfaction car il descend directement par les femmes de Coligny.

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Source : Wikipédia

Le monument aux morts

Elie Fleury nous fait une description très précise du monument. L’empereur a voulu que le monument ressemble à une œuvre grecque : un portique grec aveuglé par un mur est construit : "quatre colonnes doriques soutiennent un fronton surbaissé et font saillie au devant de ce mur". Sur l’une des extrémités, l’alpha et l’oméga de l’alphabet grec. L’architecture du fronton porte cette inscription : "Resquiescant in pace" . Deux statues sont aussi sur le monument : "sur deux dés de granit, au départ, se dressent des figures en bronze de 2 mètres 20m : un guerrier grec et un guerrier romain". Elie Fleury fait une description très précise du monument mais, comme dans tout son livre, il critique ce que font les Allemands à Saint-Quentin : "Le monument est de l'art classique tel qu'on le comprenait sous le bon roi Louis-Philippe" ; "Tout cela est d’une platitude déconcertante".

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Source : Archives Municipales

L’inauguration du cimetière militaire

Ce n’est pas l’auteur mais un conseiller municipal, Pierre Dony, qui nous raconte les faits. L’inauguration a eu lieu le 18 octobre 1915 : le jour et l'heure ont été révélés aux Saint-Quentinois peu de temps avant la cérémonie. Les tombes des soldats morts au champ d'honneur sont réparties de part et d'autre de l'allée menant au monument : à gauche les Français (150 tombes) et quelques Anglais, à droite, les Allemands (six cents tombes). Le narrateur est frappé par "la profusion de plantes, de fleurs fraichement coupées : tout cela est disposé avec un goût géométrique, à l'allemande". elles, sont méthodiquement organisées : les soldats allemands sont inhumés du côté droit, les Français du côté gauche, avec quelques Anglais.
La cérémonie est organisée de manière très théâtrale comme le montre l'arrivée de l'empereur.

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Source : Archives Municipales

Des discours sont prononcés lors de cette inauguration : le premier par un pasteur protestant allemand et un deuxième par un curé français, M. le chanoine Démaret. Lorsque ce dernier évoque le deuil des mères et des épouses, le visage de l’empereur semble témoigner d'un mouvement d'humeur comme lors du discours du maire A. Gibert quand il évoque « un même tableau de femmes en pleurs ». Le sujet est sensible et Guillaume II, selon narrateur, "ne veut pas amollir le coeur de ses soldats par la représentation d'un cortège de larmes et de détresses".
Le monument est ensuite remis officiellement à la mairie de Saint-Quentin et l'empereur dépose deux couronnes de fleurs, la première au pied des noms gravés des soldats français puis une seconde au pied de ceux des soldats allemands.

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Source : Archives Municipales

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Source : Archives Municipales

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Source: Archives Municipales

Un autre cimetière : les Champs-Elysées

A la fin de la guerre, on manque de place pour enterrer les morts, français comme allemands. Il n’y a plus de place dans le cimetière inauguré par l’Empereur, qui, de plus, a été touché par la guerre : le monument aux morts est abimé et le cimetière n’est plus entretenu.

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Source: Archives Municipales

Pour pallier à ce problème, les Champs-Elysées, et notamment l’allée principale, vont se transformer en véritable cimetière : les tombes seront retirées après la guerre comme celles des soldats français et anglais se trouvant dans le cimetière Saint-Martin (qui deviendra une nécropole réservée uniquement aux soldats allemands).



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Source: Archives Municipales

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Source: Archives Municipales