Les différentes formes de l'occupation allemande

jeudi, décembre 18 2014

Organiser la vie des Allemands présents à Saint-Quentin

Le témoignage du journaliste allemand Georg Wegener

Un journaliste allemand, Georg Wegener, "correspondant sur le théâtre de guerre de l'ouest" du journal ''La Gazette de Cologne", est présent à Saint-Quentin en mai 1915. Elie Fleury cite des extraits des articles qu'il a écrit lors de son séjour :
Wegener évoque la qualité des hôpitaux à proximité du front et notamment le grand hôpital de guerre allemand, installé à Saint-Quentin au Palais de Fervaques. L'auteur nous décrit ce "monument moderne" positivement car il emploie les termes suivants : "grandiose, fastueux avec ses deux ailes en saillie et un perron d'un grand effet". Il nous apprend que l'hôpital est installé dans la salle des Fêtes : "Cela vous donne une impression spéciale de voir, en ce brillant lieu de fête des Français, toutes ces longues rangées de lits de campement , ces visages jeunes et pâles, les soeurs s'empressant avec un zèle discret d'un lit à l'autre". Dans le hall d'entrée du Palais de Fervaques, on a érigé un autel destiné au service divin pour les malades.
L'auteur décrit aussi les brasseries allemandes créées dans la ville "principalement pour la garnison de Saint-Quentin et pour le soldats qui sont de passage dans la ville". Il nous apprend notamment que "la maison Kasten, firme bien connue de Hanovre, a installé un restaurant de vin sur le marché et un hôtel à la gare, ce qui est particulièrement agréable pour le officiers venant des tranchées du front en permission dans la ville."
Il décrit aussi le Foyer du soldat qui se situe près de la basilique dans une maison spacieuse et "abandonnée" par ses propriétaires. On y trouve un salon de lecture avec des journaux et des revues, une salle de correspondance, des jeux de toute sorte et un jardin garni de tables et de chaises. Les soldats peuvent aussi acheter, à prix réduit, du thé, du café, de la bière, des petits pains. Des conférences "à la portée de tous" sont faites quasiment tous les soirs. Un cinéma avec des films "patriotiques et amusants" a été installé récemment. Pour un soldat allemand, le Foyer lui permet de se détendre et de surtout ne pas penser à son foyer qui doit lui manquer dans son pays. Il lui permet aussi de s'éloigner des "plaisirs malsains" et des "mauvais lieux" qu'ils seraient ammenés à fréquenter par tristesse ou par ennui...
Wegener nous apprend aussi qu'une école d'artillerie de l'armée a été créée le 4 octobre 1914 "avec un noyau de 53 ouvriers de la fonderie de canons de Spandau" (en mai 1915, il y en a 260). Selon lui, "on utilisa le ateliers et les machines d'une usine que l'on trouva, comme toujours en France, dans un état de saleté, de désordre et de délabrement indicibles". L'objectif est de remettre en état le matériel d'artillerie détérioré au cours des combats.

Règlementer la prostitution à Saint-Quentin

Elie Fleury nous explique que les Allemands ont pris en charge très tôt le problème de la prostitution. Cela s'explique par le fait que toutes les prostituées ayant des maladies sexuellement transmissibles ont été expulsées, comme d'autres malades, de l'Hôtel-Dieu en septembre 1914. Elles ont à nouveau exercé leur métier et, selon Elie Fleury, "l'effet fut rapide et dévastateur pour l'envahisseur". Les Allemands décident de créer "une maison pour y mettre, outre les femmes actuellement en traitement, le grand nombre de celles qui, selon toute vraisemblance, y arriveront". Il s'agit de l'école maternelle de la rue de Fayet. Il y eut cinquante pensionnaires en moyenne originaires de Saint-Quentin ou de ses environs. D'une manière générale, toute femme soupçonnée "d'aller ou d'être allée avec un Allemand" devait se présenter deux fois par semaine dans cette maison. "Elle était photographiée, inscrite et recevait, avec un numéro d'ordre, un petit livret cartonné où un coup de timbre, dans les cases disposées à cet effet, constatait sa venue. Sur la couverture, un papillon vert énumérait les heures interdites après 5 heures du soir".
Selon Elie Fleury, le 21 novembre 1914, 1 020 femmes avaient passé par la maison de la rue de Fayet et 400 avaient reçu un petit livret et étaient soumises à la double visite hebdomadaire. Il conclut ainsi : "La situation s'était assainie, au point même de devenir parfaite"
Elie Fleury montre aussi que la prostitution s'est développée à Saint-Quentin en raison de la proximité du front. Beaucoup d'officiers allemands y venaient "faire la fête" dès que l'occasion se présentait ce qui explique, selon l'auteur, que les "maisons de rendez-vous" (ou maisons closes) y étaient nombreuses.

Contrôler les informations venues du front

Amplifier les victoires, taire les défaites

Les Allemands, pensant avoir gagné la guerre contre les Russes lors de l’offensive d’Hindenburg en février 1915, crient leur joie, sonnent les cloches et annoncent la nouvelle aux Saint-Quentinois par des affiches. Mais les Allemands ont bien trop vite crié victoire puisque les Russes contre-attaquent. Elie Fleury rapporte la réflexion d'un officier de la Kommandantur : « Nous avons peut-être été un peu trop vite ».
Les Allemands utilisent la propagande et le "bourrage de crânes". Ils essaient de ranger les Saint-Quentinois de leur côté en discréditant systématiquement l'Angleterre qu'ils accusent d’être le seul responsable de cette « guerre néfaste ». Ils accentuent le côté coupable de l’Angleterre en proférant à plusieurs reprises des accusations – souvent fausses- à leur encontre : « Fidèle à ses traditions et à son histoire, l’Angleterre a abandonné le malheureux pays la Belgique ».

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Les Allemands font tout pour décourager les derniers espoirs d’une possible libération de Saint-Quentin. Ainsi, le 15 janvier 1915, dans une dépêche officielle, les Allemands relatent les derniers évènements du front : ces derniers ont livré une bataille contre les Français quelques jours plus tôt et ont gagné. Dans cette dépêche, les Allemands insistent sur les pertes françaises et les prises d’artillerie. Les Allemands enjolivent sûrement la réalité : ils font tout pour rabaisser le moral de la population saint-quentinoise, notamment grâce à cette phrase : «le succès des Allemands est d’une haute portée».

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La Gazette des Ardennes

Les Allemands ont créé un journal, écrit en français et destiné aux populations occupées de France et de Belgique, la Gazette des Ardennes. Le premier exemplaire est publié en novembre 1914 et sera suivi de 527,734 numéros jusqu'en juin 1916. Ses objectifs étaient de donner des informations du front totalement contrôlées par les Allemands. Elie Fleury était contre ce journal qu'il considérait comme « une arme de guerre » car il publiait des traductions de communiqués allemands officiels. Cependant, l'habilité des Allemands est de joindre à ces dépêches la publication de la liste des prisonniers ou des morts français. C'est pour cette raison que les Français des zones occupées achètent la Gazette des Ardennes. Elie Fleury déplore cependant que certains Français envoient des articles pour qu'ils soient publiés.

Exercer une censure

Les Allemands organisent une censure à Saint-Quentin. L’ordonnance du 10 mai 1915 en est la preuve. Ainsi, les Saint-Quentinois sont obligés de soumettre tout ce qui est imprimé au bureau de censure. Toutes personnes ne respectant pas cette ordonnance soit par négligence soit intentionnellement étaient punies d’une amende pouvant aller jusqu’à 12.000 marks soit 15.000 francs et un emprisonnement allant jusqu’à 3 ans.

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Punir toute résistance à l'ordre allemand

La "gendarmerie allemande"

La police militaire est chargée, en temps de paix, de la sécurité et de la bonne application des lois au sein de l'armée. En temps de guerre, elle a des fonctions supplémentaires : elle assure la protection de ses officiers et des personnes politiques. Elle est aussi chargée de la surveillance des prisonniers de guerre et contrôle l’approvisionnement. En Allemagne, elle porte le nom de « Feldengendarmerie » ("gendarmerie allemande" dans le livre d'Elie Fleury).
L'auteur nous présente les gendarmes allemands comme des personnes puissantes. L’expression "maître du pavé" prouve qu’ils sont supérieurs aux Français. Le pouvoir des gendarmes, quel que soit leur grade, ne peut être contredit. Leur autorité parait sans limites. Ils terrifient la population et les officiers n’osent pas se mettre en travers des ordres d’un simple gendarme. Cependant, cette présentation d'Elie Fleury ne semble pas objective : les gendarmes allemands semblent avoir tous les droits et sont décrits comme des êtres brutaux, et violents.
Le chef de cette police militaire s’appelle Von Malzhan (un "ivrogne" et un "bourreau"). 5 postes de gendarmerie sont présents à Saint Quentin. Ils sont répartis dans tous les quartiers afin de mieux contrôler les habitants. le quartier général se trouve rue Wallon de Montigny (dans l'usine Bernheim). Chaque poste est organisé de la même manière : un maréchal-des-logis faisant fonction de commissaire, deux gendarmes et un interprète. De plus 6 patrouillards circulent dans toute la ville par deux pendant deux heures toutes les six heures.
Elie Fleury exploite le témoignage de M.Honoré, directeur du tissage David et Maigret où est installé le poste de gendarmerie n°2 (rue Denfert-Rochereau). Il décrit les gendarmes allemands comme des personnes sans gène, terrorisant sa famille et obligeant sa cuisinière à leur faire à manger. Il montre leur brutalité avec l’exemple d'une femme de 70 ans, frappée, jetée à terre et laissée inconsciente pour avoir réclamé sa fille, arrêtée par les Allemands ou celui d'un ravitailleur battu et trainé par l'oreille sur plusieurs mètres. Ils maltraitent aussi les enfants qu'ils ramassent dans le quartier pour cirer leurs bottes et nettoyer leurs locaux. Le témoin souligne aussi leur cruauté envers les chiens qu'ils trouvent dans la ville : ils sont lâchés dans la cour, poursuivis et tués à coups de bâtons ou pendus. Les gendarmes allemands sont aussi décrits comme des voleurs puisqu’ils entrent dans les maisons abandonnées et embarquent les objets de valeur pour les envoyer en Allemagne.

Un exemple de "répression"

Dans la nuit du 23 au 24 juin 1915, les fils téléphoniques au coin de la rue du Quatre-Septembre et de la rue Alfred Clin ont été coupés. Pour les Allemands, il s'agit d'un sabotage. La ville de Saint-Quentin doit verser un dédommagement de 200 000 marks (monnaie allemande). De plus certains civils, réquisitionnés en tant qu’"otage"seront contraints de surveiller le poteau pendant un certains nombre de jours. Le soir du 2 juillet à 8 heures doivent se présenter à la Kommandantur six hommes français. Sur le brassard de chaque otage est écrit un mot en allemand qui signifie "garde-de-punition-française". La garde du poteau doit être faite par groupe de deux hommes pendant deux heures sans fumer. Ils ne doivent pas s’éloigner du poteau et attendre le roulement avec le prochain groupe français. Des soldats allemands effectuent des rondes la nuit pour surveiller les "otages" français. Le témoignage de Fleury est intéressant car il montre que les rondes se sont déroulées de façon amicale entre Français et Allemands et que le regard des Saint-Quentinois change à l'égard des Allemands : "Ah ! La guerre ! Quel malheur ! Vous en France, nous en Allemagne, on serait si bien !" ; "Nous aimons bien Franzous. Malheur, la guerre". L'anecdote est aussi destinée à souligner l'écart entre le commandement allemand et les simples soldats. La punition est ici disproportionnée et absurde d'autant plus que, selon les habitants du faubourg Saint-Jean, la rupture des fils est due à la maladresse d'un télégraphiste plutôt qu'à un attentat.

Le rôle de l'abbé Boudet

L'abbé Boudet est un prêtre de la paroisse Saint-Jean. Il a été arrêté le 9 juillet 1916 par les Allemands. Elie Fleury nous raconte comment il a "résisté" à l'ordre allemand. Son premier "acte de résistance » à l’autorité allemande remonte à l'entrée des Allemands dans Saint-Quentin (28 août 1914). Vers 5 heures du soir, alors qu’il remonte la rue de Baudreuil, il croise un détachement de l’armée allemande où il aperçoit un soldat anglais se faufilant derrière les arbres des Champs-Elysées. Il le cache chez M. et Madame Lecomte habitant au 154, boulevard Gambetta. Il revient le chercher le lendemain et le ramène, habillé en ecclésiastique, chez lui au 40, rue Emile-Malezieux.
Elie Fleury montre l'audace et le culot de l'abbé Boudet. Il fait faire de faux papiers par l'imprimeur Harwich afin de faciliter la circulation dans la ville et d'éviter à de nombreux jeunes gens d’aller travailler en Allemagne. Craignant que les autorités découvrent ce trafic et la présence de personnes recherchées par les Allemands dans sa maison, Elie Fleury nous raconte qu'il "trouva tout simple de se présenter chez le "général-curé", l'aumônier en chef et inspecteur de l'armée 2, Uppenkamp, et de lui demander une garantie pour son "patronage". Très flatté qu'on eût recours à lui, le général-curé fit apposer sur la porte de l'abbé une pancarte le dispensant des perquisitions de patrouilles."Il bénéficia aussi de la complicité du commissaire, M. Lambert, qui lui fournit des papiers et des cachets du commissariat ainsi que ceux de la Kommandantur qu'il pouvait se procurer.
L'abbé Boudet a accueilli dans sa maison essentiellement des soldats français, anglais ou russes (anecdote de ceux vivant dans le bois d'Origny-Sainte-Benoite depuis la bataille de Guise et ramenés par un ravitailleur rue Emile Malézieux). Selon Elie Fleury, "le nombre des pensionnaires s'accroissait sans cesse et la maison et même les maisons voisines avaient été machinées comme un théâtre de féeries". S’il y avait une alerte, les "pensionnaires" de l'abbé Boudet pouvaient fuir grâce à une armoire sans fond qui communiquait avec la maison voisine de Madame Parjouet. Au rez-de-chaussée, ils pouvaient se sauver par un ouverture pratiquée dans la cheminée. La cave avait aussi un escalier tournant qui abritait une cachette. Cette maison, qui devenait une vraie caserne, avait été organisée pour loger une soixantaine de personnes. La nourriture était toujours suffisante grâce à la générosité de Saint-Quentinois mis dans la confidence. La lessive se faisait toutes les semaines au dehors. On peut émettre des doutes sur ces derniers points : une telle présence "d'ennemis" dans la maison de l'abbé Boudet ne serait pas passé aussi longtemps inaperçue.
L’abbé Boudet fut cependant arrêté le 7 juillet 1916 car les Allemands avaient trouvé chez lui des documents compromettants. Il fut inculpé pour avoir « avoir été détenteur d’un communiqué interdit » (les Allemands ne surent jamais le rôle qu'il a joué auprès des soldats de l'Entente, éloignés du front et de leurs armées). Il fut arrêté à son confessionnal et refusa de retirer son surplis et son étole. Il fut déporté en Allemagne et transféré de camp en camp où il faisait toujours son entrée en étole et en surplis, ce qui, nous dit Fleury, "occasionnait chaque fois une émeute"."Je veux montrer, disait-il, comment les Allemands traitent un prêtre français". Elie Fleury précise que son "oeuvre" fut poursuivie par un autre vicaire de la paroisse Saint-Jean, l'abbé Fouchard.

Exploiter les ressources de la ville

Le pillage des usines

Elie Fleury nous explique que les Allemands ont commencé, dès janvier 1915, le pillage des usines et des maisons de commerce de Saint-Quentin. Ce pillage est organisé par le capitaine Goërz qui, dans le civil, est un important industriel près d'Aix-la-Chapelle. Il nous raconte le pillage de l'usine Morel à Gauchy. il faut six chariots, une dizaine de soldats et quinze ouvriers réquisitionnés pour enlever la marchandise :"rien n'est négligé : coton fil simple, trame et chaîne, coton retors, gazé, mercerisé et noir. Même les fonds de caisses des ouvrières qui n'ont pas terminé leur tâche sont ramassés et pesés comme le reste". Goërz donne un reçu sur lequel Il indique le contenu et le poids « 29.679 kilogrammes et une fraction » mais refuse d'indiquer la valeur (« 106.000 francs »).

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Usine Morel, Source : Inventaire du Patrimoine Culturel de Picardie

A partir de mars, d'autres usines furent touchées : on réquisitionne la totalité du coton, de l'amidon et des fécules (Usines Decaudin, Léon Frères, Béguin). Parfois les usines sont reconverties par les Allemands comme le tissage Sébastien transformé en "maison de convalescence et de désinfection". L'usine Cliff devient une blanchisserie militaire occupant trente hommes et deux cents femmes. Deux autres usines sont transformées en garage pour les ambulances et en atelier pour réparer les véhicules militaires. Les ateliers Mariolle, dans le faubourg d'Isle, sont destinés à réparer le matériel de guerre, y compris les pièces d'artillerie.

Utiliser la main d'oeuvre présente à Saint-Quentin

Dès le début de l’occupation, les habitants de Saint-Quentin sont soumis à un dilemme : soit travailler pour l’ennemi qui a besoin de main-d’œuvre (ce qui permet d'avoir un revenu, très faible cependant) soit rester inactif et sans revenu (avec le risque d’être déporté dans des camps de travail obligatoire en Allemagne).
Les Allemands pensent que « Personne ne doit rester inactif. L’inactivité est mauvaise conseillère ». Ils ne souhaitent pas voir dans la ville une population sans travail et sans ressources, notamment masculine.
C'est pourquoi ils organisent un contrôle régulier de la population masculine de Saint-Quentin. Dans un avis du 16 octobre 1914, la Kommandantur indique que tous les hommes de 18 à 48 ans peuvent être appelés, à tout moment et individuellement, à se présenter devant les autorités allemandes. Il s'agit de s’assurer qu’ils sont bien présents dans la ville. « Toute personne qui ne répondra pas à cet appel sera recherchée, arrêtée et immédiatement envoyée en Allemagne. Il s’ensuivra de plus des mesures coercitives contre la Ville ».
Un autre avis du 23 octobre 1915 oblige tout habitant ayant plus de 15 ans à posséder sur soi une pièce d’identité. Chacun doit se présenter avant le 15 novembre 1915 muni de son carnet de famille et de deux témoins inscrits sur les listes électorales. Une carte de couleur jaune est délivrée aux habitants de Saint-Quentin et une carte de couleur bleue aux personnes "qui n'ont pas leur domicile habituel à Saint-Quentin". Les « cartes jaunes » doivent se présenter une fois par mois devant les autorités pour attester de leur présence en ville. Les « cartes bleues » doivent se présenter à chaque fin de quinzaine.

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Source : Bibliothèque Municipale de Saint-Quentin

En 1914, les Allemands réquisitionnent les enfants et les vieillards pour le nettoyage des cantonnements et, ponctuellement, de la main d'oeuvre réquisitionnée à l'aide d'affiches ( « Ordre : il faut tant d’homme à tel endroit à telle heure »). En janvier 1915, l’engagement de travailleurs civils prit de l’ampleur. Ils eurent besoin de nombreux ouvriers pour accomplir le pillage de grandes usines textiles comme David, Maigret et Donon, Pannier, Sidoux, Charles Basquin, Hugues,etc. Ils transformèrent aussi le boulevard Cordier en un grand chantier de mécanique et de construction. Des prisonniers durent y travailler mais il fallut aussi engager des ouvriers qualifiés comme des charpentiers, des mécaniciens, des forgerons, des serruriers, etc. Les salaires étaient payés par la Ville. Ils étaient faibles (2 à 3 francs). Elie Fleury a pu se procurer auprès des services de la mairie, un état détaillé de cette main d'oeuvre : 875 hommes et 1079 femmes travaillaient dans 91 établissements pour les Allemands. La somme de 125 785,37 francs a été donnée par la municipalité pour les rémunérer au mois d’octobre 1915.
Les Allemands cherchent ensuite à contrôler encore plus cette main d'oeuvre. Ils interdisent ainsi aux ouvriers de chercher du travail par eux mêmes. Il est aussi formellement interdit de quitter son poste. Les salaires sont aussi réglementés : une journée de 9 heures de travail est payée 2,5 franc ; les ouvriers mariés ou de plus de vingt ans peuvent obtenir une augmentation (plus 0.50 franc avec possibilité d'arriver jusqu’à 4 francs de salaire).
Les Allemands mettent donc en place un système complexe pour organiser le travail des ouvriers. Des cartes de couleurs différentes sont distribuées en fonction de l'âge, de la condition physique et des compétences de l'ouvrier.

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Source : Bibliothèque Municipale de Saint-Quentin

La réquisition des métaux

Une ordonnance datée du 1er août 1916 explique aux Saint-Quentinois que "tous les objets de ménage et d'installation composés entièrement ou principalement de cuivre, nickel, étain ou d'alliages de ces métaux, notamment de laiton, bronze... sont saisis et seront enlevés prochainement".Sont exclus de la réquisition les objets de culte, les objets d'Art et "la robinetterie des conduites d'eau et de gaz et celle des chauffages centraux, les poêles de bain, les loquets de portes et de fenêtres". La valeur des objets saisis doit être remboursée en bons communaux.
On commence par les comptoirs en étain des marchands de vin (les "zincs"). Chez Madame Lambert-Bucourt, commerçante rue du Palais-de-Justice (actuellement rue Victor-Basch), la perquisition dure deux heures et demie. Les Allemands ne laissent rien ni les plateaux de la balance de cuisine, ni la pomme d'escalier. Parfois, certains arrivent à "sauver" quelques objets auxquels ils tiennent particulièrement en donnant des bouteilles d'alcool aux soldats.
A partir de novembre 1916, les réquisitions sont de plus en en plus importantes et de mieux en mieux organisées : "Assez souvent, trois équipes se suivent dans la même maison : la première prend, la deuxième gratte et la troisième racle". Un certain nombre de Saint-Quentinois se plaint que de nombreux objets, qui ne sont pas concernés par l'ordonnance du 1er août 1916, disparaissent lors des perquisitions.

Imposer l’ordre allemand

Le 28 août 1914, les Allemands arrivent dans Saint-Quentin et déclarent la ville sous leur contrôle. A partir de ce jour et jusqu’à la fin de la guerre, Saint-Quentin va vivre sous l’emprise allemande.

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jeudi, décembre 11 2014

Gérer les prisonniers français et étrangers

Les prisonniers français en transit à Saint-Quentin

En janvier 1916, les Saint-Quentinois apprennent que le village de Frise a été pris par les Allemands sur le front de la Somme. Il y a 927 prisonniers selon les dépêches allemandes qui doivent transiter par Saint-Quentin.
Les Allemands prennent des mesures pour empêcher les débordements et les manifestations de patriotisme : "A partir de midi, gendarmes et patrouillards arrêtent la circulation depuis la gare jusqu'à la place et font entrer de force les passants dans les magasins. Les fenêtres doivent être fermées : les spectateurs qui regardent aux carreaux sont menacés". Une partie des prisonniers va à la Bourse de Commerce, l'autre à la caserne où le service d'ordre est moins important. La foule crie de nombreuses fois : "Vive la France !". Certains parviennent à discuter avec quelques soldats.
Les Saint-Quentinois sont cependant surpris de l'apparence des soldats : "Quelle douleur ! Il y en a à barbe grise, il y en a de très jeunes. Tous n'ont pas de casque, mais des calots, des passe-montagne, de vieux képis. Et cette boue !"
Le dimanche suivant, 200 nouveaux prisonniers arrivent et sont enfermés dans une usine. Grâce à la bienveillance des gardiens allemands, les Saint-Quentinois parviennent à leur faire passer de l'argent et de la nourriture.
Quand les prisonniers quittent Saint-Quentin, ils se dirigent vers la gare avec une attitude différente selon Elie Fleury : "Cette fois, nos soldats, brossés, reposés, avaient fière mine et ils défilèrent à bonne allure et pas du tout en attitude de vaincus : Nous aurons notre tour, semblaient-ils dire."
Le départ du train de prisonniers donnent lieu à une véritable manifestation de patriotisme : "Tout le faubourg d'Isle s'était transporté le long de la voie et ce furent des acclamations, des baisers envoyés du bout des doigts, des cris de : Vive la France ! Les prisonniers, la moitié du corps hors des portières, répondaient sur le même ton..."
Le 6 septembre 1916, 1 400 prisonniers arrivent à Saint-Quentin : 450 sont enfermés dans l'église Saint-Martin, le reste dans l'usine David et Maigret. Cette nouvelle arrivée entraîne une nouvelle manifestation de solidarité et de patriotisme. De la nourriture et de la vaisselle ("car c'est de vaisselle qu'on sait que les prisonniers manquent le plus"). Quand les prisonniers quittent Saint-Quentin (la plupart sont déportés en Allemagne), "ils avaient chacun une musette avec chemises, chaussettes, savon, serviettes, cache-col et mouchoirs, sans compter les cigares, les paquets de tabac et même de pièces d'argent jetés dans leurs rangs. C'étaient une acclamation continue. Ils répondaient : "çà va bien ! Merci ! On n'a pas fini de se souvenir de Saint-Quentin"

Utiliser les prisonniers de guerre : l'exemple des Russes

Les Russes sont comparés à des esclaves. Un Allemand lettré dira même à Elie Fleury qu’ils sont victimes « d’un esclavage antique ». Mais d’après le directeur du journal local, les esclaves grecs ou romains avaient des garanties alors que les Russes étaient plutôt dans les mains de "barbares" sans aucune garantie de survie.

Photo_1.jpg Source : Elie Fleury Sous la botte - Illustration Paul Séret

Ces Russes ont été acheminés depuis le front Est jusqu’à Saint-Quentin par train. Ils sont envoyés dans le Nord de la France pour travailler dans les champs, à la démolition des usines, à la réparation des routes ou encore à la construction des gares et de voies de chemin de fer. On pense que les Russes n’étaient que quelques milliers dans le Nord de la France mais bien plus nombreux en Allemagne à travailler dans des camps de prisonniers. Cela peut paraître étonnant que des Russes viennent travailler en France mais ce sont plus de 90 000 Russes que les Allemands ont capturé fin août 1914. Les Allemands ne mirent pas longtemps à les envoyer dans les zones occupées pour les faire travailler.
Les Russes sont maltraités : ils sont mal nourris et souvent tabassés par les Allemands s’ils ne travaillent pas assez vite. Elie Fleury fait une description très négative des Allemands : il les dépeint comme des barbares, des sauvages "inhumains". On peut cependant se demander si Elie Fleury n'exagère pas la description des mauvais traitements que subissent les Russes dans le but de discréditer encore plus les occupants allemands.
Les Saint-Quentinois prennent les Russes en pitié et essayent de leur faire passer des vivres tels que du riz, des pommes de terre, du pain ainsi que du cidre. Elie Fleury nous raconte quelques une de ces tentatives : « de braves femmes font cuire et égoutter du riz salé et l’entassent dans des sacs de toile en forme de saucisson. Elles les jettent par-dessus les murs, là où les Russes travaillent ou gîtent » ou encore « M. Cartignies fît des pommes de terre en quantité et les sema le long du grillage pour que les Russes se servent »
Paradoxalement, les traitements infligés aux Russes s’adoucissent avec l’avancée de la guerre. Elie Fleury écrit que « Vers le milieu du mois de novembre 1916, les affreux traitements infligés aux Russes commencèrent à cesser. » En effet les gardiens allemands sont aussi mal nourris que leurs prisonniers et à condition d’obtenir une part, ils acceptent que les Saint-Quentinois fassent passer des vivres.

Enterrer les soldats morts au combat : le cimetière de Saint-Martin

Le rôle de l’empereur Guillaume II

Guillaume II est de passage à Saint-Quentin en mars 1915. Il connait la ville où il est déjà venu plusieurs fois. A cause de sa situation proche du front, il décide de faire construire un monument au cimetière Saint-Martin. L'artiste qui doit réaliser le monument est M. Vanschneider. Devant l’emplacement du futur monument, l’empereur et ses généraux serrent les mains des représentants de la mairie saint-quentinoise et l’empereur détaille ses instructions pour le monument. Le maire, M. Gibert, qui raconte la scène à Elie Fleury, explique : « l’empereur donna des explications, fit des croquis sur le terrain et me demanda s’il y avait dans les environs des carrières de pierre. » .Soudain, le monarque change brutalement de sujet et évoque Gaspard de Coligny, le défenseur de Saint-Quentin lors du siège de 1557 par les Espagnols. Il demande quel sentiment provoque l’homme chez les Saint-Quentinois. On lui explique alors que « Coligny est vénéré à Saint-Quentin : il y est considéré comme une personnalité d’ordre moral tout à fait supérieur. ».L’empereur ne cache pas sa satisfaction car il descend directement par les femmes de Coligny.

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Source : Wikipédia

Le monument aux morts

Elie Fleury nous fait une description très précise du monument. L’empereur a voulu que le monument ressemble à une œuvre grecque : un portique grec aveuglé par un mur est construit : "quatre colonnes doriques soutiennent un fronton surbaissé et font saillie au devant de ce mur". Sur l’une des extrémités, l’alpha et l’oméga de l’alphabet grec. L’architecture du fronton porte cette inscription : "Resquiescant in pace" . Deux statues sont aussi sur le monument : "sur deux dés de granit, au départ, se dressent des figures en bronze de 2 mètres 20m : un guerrier grec et un guerrier romain". Elie Fleury fait une description très précise du monument mais, comme dans tout son livre, il critique ce que font les Allemands à Saint-Quentin : "Le monument est de l'art classique tel qu'on le comprenait sous le bon roi Louis-Philippe" ; "Tout cela est d’une platitude déconcertante".

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Source : Archives Municipales

L’inauguration du cimetière militaire

Ce n’est pas l’auteur mais un conseiller municipal, Pierre Dony, qui nous raconte les faits. L’inauguration a eu lieu le 18 octobre 1915 : le jour et l'heure ont été révélés aux Saint-Quentinois peu de temps avant la cérémonie. Les tombes des soldats morts au champ d'honneur sont réparties de part et d'autre de l'allée menant au monument : à gauche les Français (150 tombes) et quelques Anglais, à droite, les Allemands (six cents tombes). Le narrateur est frappé par "la profusion de plantes, de fleurs fraichement coupées : tout cela est disposé avec un goût géométrique, à l'allemande". elles, sont méthodiquement organisées : les soldats allemands sont inhumés du côté droit, les Français du côté gauche, avec quelques Anglais.
La cérémonie est organisée de manière très théâtrale comme le montre l'arrivée de l'empereur.

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Source : Archives Municipales

Des discours sont prononcés lors de cette inauguration : le premier par un pasteur protestant allemand et un deuxième par un curé français, M. le chanoine Démaret. Lorsque ce dernier évoque le deuil des mères et des épouses, le visage de l’empereur semble témoigner d'un mouvement d'humeur comme lors du discours du maire A. Gibert quand il évoque « un même tableau de femmes en pleurs ». Le sujet est sensible et Guillaume II, selon narrateur, "ne veut pas amollir le coeur de ses soldats par la représentation d'un cortège de larmes et de détresses".
Le monument est ensuite remis officiellement à la mairie de Saint-Quentin et l'empereur dépose deux couronnes de fleurs, la première au pied des noms gravés des soldats français puis une seconde au pied de ceux des soldats allemands.

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Source : Archives Municipales

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Source : Archives Municipales

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Source: Archives Municipales

Un autre cimetière : les Champs-Elysées

A la fin de la guerre, on manque de place pour enterrer les morts, français comme allemands. Il n’y a plus de place dans le cimetière inauguré par l’Empereur, qui, de plus, a été touché par la guerre : le monument aux morts est abimé et le cimetière n’est plus entretenu.

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Source: Archives Municipales

Pour pallier à ce problème, les Champs-Elysées, et notamment l’allée principale, vont se transformer en véritable cimetière : les tombes seront retirées après la guerre comme celles des soldats français et anglais se trouvant dans le cimetière Saint-Martin (qui deviendra une nécropole réservée uniquement aux soldats allemands).



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jeudi, octobre 16 2014

Déporter ou évacuer une partie de la population saint-quentinoise

Déporter

Le 15 juin 1915, un train contenant 460 Saint-Quentinois entre en gare de Saint-Quentin. Il vient d'Allemagne et transporte des personnes rapatriées pour différentes raisons : maladie, fin de peine ou grâce accordée suite à une intervention.
Elie Fleury recueille le témoignage d'Henry Leblay. Pensant qu'il était concerné par l'affiche du 29 novembre 1914, destinée pourtant uniquement aux "personnes appartenant aux armées", il se rendit à la Kommandantur. Il fut déporté, alors qu'il n'était que simple garde des voies ferrées, pour le camp de Wetzlar avec les soldats de la 10ème armée territoriale présente à Saint-Quentin lors de l'arrivée des Allemands. Wetzlar est une ville d’Allemagne située dans le Land de Hesse, à mi-chemin entre Francfort-sur-le-Main et Cassel, à environ 500 kilomètres de Saint-Quentin.
Henri Leblay raconte qu'ils furent entassés à 42 dans un wagon à bestiaux et qu'ils n'ont pas pu manger pendant les 36 heures de voyage. Il nous renseigne ensuite sur les conditions de vie dans le camp de Wetzlar. Ils étaient peu nourris : on leur donnait un quart de café et une boule de pain de 4 livres par 10 hommes et par journée à leur lever, à 5 heures du matin ainsi qu'une soupe très délayée et composée d'orge, de féverolles, d'avoine ou de rutabagas à 10h du matin et à 6h du soir. Ils devaient travailler dans des carrières de pierre. Les punitions étaient nombreuses (la plus fréquente était d'être privé de nourriture pendant toute une journée). Selon Elie Fleury, "les coups de poing, de pied ... pleuvaient à tort et à travers".
Des industriels allemands demandaient parfois de la main d’œuvre au camp. Au début, il y eut de nombreux volontaires, "espérant avoir un peu plus à manger" car ils touchaient un salaire. Mais, selon Elie Fleury, "le travail leur était rendu si pénible par les injures des contremaitres et l’hostilité des populations qu’ils demandaient à rentrer au camp où ils étaient punis, en arrivant, de quinze jours de prison, comme paresseux".
Henri Leblay raconte ensuite qu'une photographie de groupe fut mise en scène à destination des pays neutres : "Un beau jour apparurent des officiers qui offrirent une cigarette à chaque homme convoqué au rassemblement et les firent asseoir devant des tables où étaient des verres et des bouteilles. On entendit le déclic d'un appareil photographique et l'orgie se termina là. A grands coups de poing, les hommes furent poussés dans les baraques et durent jeter leurs cigarettes mâchurées"
La description de la foule des 460 déportés en gare de Saint-Quentin par Elie Fleury est une condamnation de la déportation pratiquée par les Allemands et de la brutalité de la Première guerre mondiale : "Sont-ce bien des humains ? ... Ils paraissent ne pas s'être lavés depuis des mois. ils ont perdu ce que l'on peut appeler la dignité de l'alimentation. Traités, en effet, comme des bêtes immondes, on leur jetait une pitance dégoûtante dans des récipients qu'ils trouvaient au tas d'ordures : boîtes à sardines, faÏences cassées, casseroles trouées, et il leur était interdit de se servir de fourchette et de couteau. Battus, engueulés, voués à l’inaction, ils sont presque tous ... dans un état d'hébétude complet qui semble irrémédiable. A la façon dont ils se précipitent sur la nourriture que la ville leur a fait préparer, on saisit sur le fait le retour à l’animalité. Ils bousculent un camarade qui tombe et se casse le bras sur l'angle du trottoir". Elie Fleury termine son récit en précisant que certains disent : "C'était mieux en Allemagne". La ville n'était pas préparée à accueillir ces déportés ce qui explique la déception de certains déportés à leur retour.

Evacuer

Le dimanche 7 mars 1915, à 8h30 du matin, le comte Bernstorff, commandant la ville de Saint-Quentin, avertit le maire, M. Gibert, qu’il va faire partir un train à 15 heures pour évacuer en Suisse et, de là, en France non occupée par les Allemands, « 500 personnes de la classe pauvre ». Il lui dit ensuite qu’il faut 600 personnes à évacuer pour le lendemain lundi à la même heure, et 500 pour le mardi. Elie Fleury raconte l'embarras de la municipalité : "de quel droit pousser hors de chez eux des Saint-Quentinois ?". Cependant, il montre aussi les "avantages" de cette mesure : le départ de ces personnes représente moins de bouches à nourrir et à aider financièrement. De plus, il s'agit d'une évacuation vers la "France libre".
La mairie décide, dans un premier temps, d'évacuer un certain nombre de personnes hospitalisées à Saint-Quentin et originaires de la Somme : 89 hommes, 121 femmes et 209 enfants de moins de 15 ans originaires des environs de Roye, Péronne et Chaulnes. On y ajoute 40 prostituées malades ainsi qu'un "certain nombre d'indésirables indiqués par la police et quelques miséreux de bonne volonté".
Le lundi 8 mars, les Allemands utilisèrent cependant la violence : "ils fermaient une rue, entraînaient dans les maisons les plus modestes et saisissaient les gens au lit : "Habillez-vous, il faut partir !". les pauvres diables, à peine vêtus, étaient poussés dehors, parqués à la gendarmerie et finalement conduits à la gare sans boire ni manger .... D'autres gendarmes parcouraient la ville en auto et happaient au passage tout ce qui leur paraissait "bouche inutile". De vieux ménages se trouvèrent ainsi désunis sans que la femme sût ce qu'était devenu le mari ou réciproquement."
D'autres évacuations furent organisées. Un nombre croissant de personnes se portent volontaires pour quitter la ville occupée et, au fur et à mesure, la procédure d'évacuation est mieux organisée par les Allemands qui en tirent aussi profit : les Saint-Quentinois doivent désormais payer pour leur voyage comme le montre l'affiche suivante datée du 1er janvier 1916 :
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