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vendredi, janvier 27 2012

Rien qu'une voix, ... qui appelait Verlaine ! dans la brume

Ce n'est pas que j'aie une passion pour Claudel, je le connais mal.
Mais ce poème des Feuilles de Saints, recueil que d'ailleurs je n'ai jamais eu l'occasion de feuilleter, est une évocation saisissante de Verlaine, poète que j'aime tant. Je l'ai rencontré il y a bien longtemps, dans l'anthologie de Seghers, Le Livre d'or de la poésie française, chez Marabout (le Claudel, parce que Verlaine, c'était au CM1, dans la classe de Mme Margat, école de la Figone, à Marseille. Dans l'interminable / Ennui de la plaine / La neige incertaine/ Luit comme du sable....). Pour moi la porte ouverte à toute la poésie. J'avais quinze ou seize ans.



             
VERLAINE

I.             Le faible Verlaine

L'enfant trop grand, l'enfant mal décidé à l'homme, plein de secrets et plein de menaces,
Le vagabond à longues enjambées qui commence, Rimbaud, et qui s'en va de place en place,
Avant qu'il ait trouvé là-bas son enfer aussi définitif que cette terre le lui permet,
Le soleil en face de lui pour toujours et le silence le plus complet
Le voici pour la première fois qui débarque et c'est parmi ces horribles hommes de lettres et dans les cafés,
N'ayant rien autre chose à révéler sinon qu'il a retrouvé l'Éternité.
N'ayant rien autre chose à révéler sinon que nous ne sommes pas au monde !
Un seul homme dans le rire et la fumée et les bocks, tous ces lorgnons et toutes ces barbes immondes,
Un seul a regardé cet enfant et a compris qui c'était,
Il a regardé Rimbaud et c'est fini pour lui désormais
Du Parnasse Contemporain et de l'échoppe où l'on fabrique des sonnets qui partent tout seuls comme des tabatières à musique !
Rien ne lui est plus de rien, tout cassé ! ni sa jeune femme qu'il aime
Pourvu qu'il suive cet enfant et qu'est-ce qu'il dit au milieu des rêves et  blasphèmes ?
Comprenant ce qu'il dit à moitié mais cette moitié suffit.
L'autre regarde ailleurs d'un œil bleu innocent de tout ce qu'il entraîne après lui.
Faible Verlaine ! maintenant reste seul car  tu ne peux aller plus loin
Rimbaud part, tu ne le verras plus, et ce qui reste dans un coin,
Écumant, à demi-fou et compromettant pour la sécurité publique,
Les Belges l'ont soigneusement ramassé et placé dans une prison en briques.
Il est seul. Il est en parfait état d'abaissement et de dépossession.
Sa femme lui notifie un jugement de séparation.
La Bonne Chanson est chantée, le modeste bonheur n'est plus
A un mètre de ses yeux, il n'y a plus que le mur qui est nu.
Dehors le monde qui l'exclut, et, au-dedans, Paul Verlaine,
La blessure, et le goût en lui des choses qui sont autres qu'humaines.
La fenêtre est si petite là-haut qu'elle ne permet de voir que l'azur
Il est assis du matin jusqu'au soir et regarde le mur :
L'intérieur où il est de ce lieu qui le préserve du danger,
De ce château par qui toute misère humaine est épongée.
[....]

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