Clair
de lune
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant
du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements
fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L’amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n’ont pas l’air de croire à leur
bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
Les grands jets d’eau sveltes parmi les
marbres.
(Les Fêtes Galantes, 1)
Verlaine et Rimbaud ont tous les deux cherché de nouvelles voies pour la poésie, mais pas du tout dans la même direction. Rimbaud a brisé ou étiré, il a « dérythmé » le vers, en particulier l'alexandrin, jusqu'à lui donner l'air de la prose (il n’y a qu’à voir pour cela Ma Bohême, qui est beaucoup plus qu’un petit poème d’école primaire, et qui, dit à voix haute, est un très prosaïque poème aux allures de prose - et la prose, selon Valéry, c’est la marche) et puis il est passé au poème en prose. Il a aussi exploré la route des images obscures, riche en virtualités futures, en particulier chez les surréalistes, mais dont on trouvait les germes chez Hugo et Baudelaire.