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samedi, janvier 28 2012

Verlaine encor...

                        
                            Clair de lune

      Votre âme est un paysage choisi
                  Que vont charmant masques et bergamasques
                  Jouant du luth et dansant et quasi
                  Tristes sous leurs déguisements fantasques.

       Tout en chantant sur le mode mineur
                  
L’amour vainqueur et la vie opportune,
                  
Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
                  
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

       Au calme clair de lune triste et beau,
                  
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
                  
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
                  
Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.

 (Les Fêtes Galantes, 1)

Verlaine et Rimbaud ont tous les deux cherché de nouvelles voies pour la poésie, mais pas du tout dans la même direction. Rimbaud a brisé ou étiré, il a « dérythmé » le vers, en particulier l'alexandrin, jusqu'à lui donner l'air de la prose (il n’y a qu’à voir pour cela Ma Bohême, qui est beaucoup plus qu’un petit poème d’école primaire, et qui, dit à voix haute, est un très prosaïque poème aux allures de prose - et la prose, selon Valéry, c’est la marche) et puis il est passé au poème en prose. Il a aussi exploré la route des images obscures, riche en virtualités futures, en particulier chez les surréalistes, mais dont on trouvait les germes chez Hugo et Baudelaire.

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vendredi, janvier 27 2012

Rien qu'une voix, ... qui appelait Verlaine ! dans la brume

Ce n'est pas que j'aie une passion pour Claudel, je le connais mal.
Mais ce poème des Feuilles de Saints, recueil que d'ailleurs je n'ai jamais eu l'occasion de feuilleter, est une évocation saisissante de Verlaine, poète que j'aime tant. Je l'ai rencontré il y a bien longtemps, dans l'anthologie de Seghers, Le Livre d'or de la poésie française, chez Marabout (le Claudel, parce que Verlaine, c'était au CM1, dans la classe de Mme Margat, école de la Figone, à Marseille. Dans l'interminable / Ennui de la plaine / La neige incertaine/ Luit comme du sable....). Pour moi la porte ouverte à toute la poésie. J'avais quinze ou seize ans.



             
VERLAINE

I.             Le faible Verlaine

L'enfant trop grand, l'enfant mal décidé à l'homme, plein de secrets et plein de menaces,
Le vagabond à longues enjambées qui commence, Rimbaud, et qui s'en va de place en place,
Avant qu'il ait trouvé là-bas son enfer aussi définitif que cette terre le lui permet,
Le soleil en face de lui pour toujours et le silence le plus complet
Le voici pour la première fois qui débarque et c'est parmi ces horribles hommes de lettres et dans les cafés,
N'ayant rien autre chose à révéler sinon qu'il a retrouvé l'Éternité.
N'ayant rien autre chose à révéler sinon que nous ne sommes pas au monde !
Un seul homme dans le rire et la fumée et les bocks, tous ces lorgnons et toutes ces barbes immondes,
Un seul a regardé cet enfant et a compris qui c'était,
Il a regardé Rimbaud et c'est fini pour lui désormais
Du Parnasse Contemporain et de l'échoppe où l'on fabrique des sonnets qui partent tout seuls comme des tabatières à musique !
Rien ne lui est plus de rien, tout cassé ! ni sa jeune femme qu'il aime
Pourvu qu'il suive cet enfant et qu'est-ce qu'il dit au milieu des rêves et  blasphèmes ?
Comprenant ce qu'il dit à moitié mais cette moitié suffit.
L'autre regarde ailleurs d'un œil bleu innocent de tout ce qu'il entraîne après lui.
Faible Verlaine ! maintenant reste seul car  tu ne peux aller plus loin
Rimbaud part, tu ne le verras plus, et ce qui reste dans un coin,
Écumant, à demi-fou et compromettant pour la sécurité publique,
Les Belges l'ont soigneusement ramassé et placé dans une prison en briques.
Il est seul. Il est en parfait état d'abaissement et de dépossession.
Sa femme lui notifie un jugement de séparation.
La Bonne Chanson est chantée, le modeste bonheur n'est plus
A un mètre de ses yeux, il n'y a plus que le mur qui est nu.
Dehors le monde qui l'exclut, et, au-dedans, Paul Verlaine,
La blessure, et le goût en lui des choses qui sont autres qu'humaines.
La fenêtre est si petite là-haut qu'elle ne permet de voir que l'azur
Il est assis du matin jusqu'au soir et regarde le mur :
L'intérieur où il est de ce lieu qui le préserve du danger,
De ce château par qui toute misère humaine est épongée.
[....]

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jeudi, mai 26 2011

Pierre Michon - Rimbaud le fils (1991)

Rimbaud Le Fils. Objet Littéraire Non Assignable. Entre la biographie très documentée, « la Vulgate » rimbaldienne et, comment dire ? un effort de fusion avec la psyché du poète. Un fils, celui-ci, telle est la thèse d’emblée énoncée : fils d’une mère pleine « d’imprécation et de désastre » et d’un père fantomatique, « dans le purgatoire de garnisons lointaines où il ne fut qu’un nom ». Deux parents qui, l’un après l’autre en lui bondirent et s’abîmèrent, en lui qui « dans le vieux tempo sommaire à douze pieds » mêla « le clairon des garnisons lointaines et les patenôtres de la créature de désastre », les mêla sur « la grande tringle à douze pieds » de ses ancêtres poètes que, très vite, il surpassa et sema, cassant la tringle.

Voilà. On suit ce Rimbaud-le-fils habité par le désastre familial sur ses traces de poète débutant dans le sillage de Virgile, dans l’élection du bon Izambard trop timoré, dans ses fugues vers la Belgique, à Douai chez les tantes « chercheuses de poux » d’Izambard, « trois douces Parques au fond d’un grand jardin ». « … Dans ce  jardin [où] il fit ce poème que tout enfant connaît, où il appelle ses étoiles comme on siffle ses chiens, où il caresse la Grande Ourse et se couche près d’elle ; ». Puis à Paris auprès de « Verlaine en chapeau derby sur le quai de la gare de l’Est », ce « Rimbaud [qui] fut la pierre sur quoi un destin trébuche. Et, plus que tout au monde, Verlaine aimait trébucher. »

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