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samedi, septembre 29 2012

Enfances - Martine Rassineux, François Da Ros

A l’arrivée à la bibliothèque municipale, on est saisi dès la façade par quatre immenses silhouettes d’enfants en plein élan, noirs fondus dans la nudité blanche de grandes toiles où seuls subsistent le mouvement et le geste. Et puis dans le grand hall, à gauche, les murs sont couverts de très grands lavis, garçonnets et fillettes en contre-plongée, pirouettant, tournoyant, tassés contre le sol ou envolés dans un bond immobile. On éprouve à les regarder un surprenant sentiment de familiarité et d’étrangeté à la fois : familiarité de la silhouette, des gestes du jeu saisis dans la cour de récré, étrangeté liée à l’absence totale de décor qui laisse l’enfant se détacher seul sur la page, au point de vue en contre-plongée qui écrase les silhouettes, à l’absence de visages… 

C’était encore plus saisissant hier soir à la nuit tombée, dans le hall où deux comédiens ont lu des textes sur l’enfance, au hasard Loti, Sarraute, Colette, Martine Rassineux elle-même, Peter Handke, Achim Von Arnim et bien d’autres… et puis les deux lourdes portes doublées de cuir rouge se sont ouvertes sur la salle de prêt et la petite salle d’expo qui la précède, et là, les mêmes silhouettes en petit format sur les murs, eaux-fortes cette fois, mais accompagnées, sur les vitrines, ou tendus sur des toiles, desdits textes magnifiquement typographiés en noir et rouge par le mari de l’artiste François Da Ros. Mélange des encres, des caractères, disposition des mots en vagues, en arc voire en colimaçon (sur un texte de Régine Detambel)… Vues à quelque distance, les eaux-fortes semblaient comme des idéogrammes mêlés à la danse des textes, à ces lettres-atomes infiniment combinables qui dans la parole fervente de François Da Ros sont depuis toujours les compagnes de l’homme dans sa quête de sens. J’ai pioché quelques  images sur le site des éditions « Anakatabase », nom cocassement érudit de l’escalier du petit séminaire où le typographe a rencontré les textes qui ont fondé sa quête spirituelle et artistique.

Il y a la petite asiatique à la queue de cheval tournoyante, ou celle que j’appelle à part moi « la petite gitane », sans doute ma préférée, il y a ces enfants, garçons et filles, qui les bras ouverts, semblent saluer le ciel ou le soleil, il y a ce garçonnet de dos, le bras tendu avec une grâce élégante, il y a l’enfant à la cabriole, il y a l’extase de jouer et de vivre… Sur la grande table au centre de la galerie, les planches de Généalogies,  , le dernier des livres composés à quatre mains par le couple. On en trouve quelques-unes sur le site d’Anakatabase : il y a de bien belles choses sur ce site allez-vous y promener. Les livres sont .  Une partie des eaux-fortes ici, juste pour vous ouvrir l’appétit. Surtout, allez à la bibliothèque Louis Aragon : cette expo d’enfants, de récrés et de lettres est littéralement inspirée.


samedi, avril 28 2012

Beaux livres

Une balade au L.A.M de Villeneuve d’Ascq nous a permis entre autres de découvrir à la bibliothèque de ces beaux livres – d’artistes, ou de dialogue, selon le terme d’Yves Peyré -. Moment de merveilles, devant ces livres qui sont comme les manuscrits enluminés des XIXe et XXe siècles.

« Le livre est si bien fait pour être orné ; il porte avec tant de bonheur toutes les élégances ! Eh ! quelle merveille, après tout, un bel exemplaire d'une bonne édition qui représente un chef-d’œuvre de l'esprit humain ! Quelle joie et quelle fête à le tenir dans ses mains, tremblantes d'une émotion ineffable ! On le regarde, on le contemple, on le retourne, on l'ouvre enfin, et voilà que soudain le véritable amateur, grâce au livre, entre en des ravissements infinis. »


Comme Verlaine, illustré par Bonnard. Des lithographies sépia, qui donnent le sentiment d'avoir été tracées par le peintre sur les pages mêmes du livre.


Ou encore l'inventivité graphique et typographique étourdissante de La Fin du monde filmée par l'ange de Notre-Dame de Cendrars (auteur et éditeur, à La Sirène) et Léger.


samedi, novembre 5 2011

Plaisir poétique et bibliophilique

Feuilleté hier – et photographié par faveur amicale – une petite merveille bibliophilique : Les Ludions de Léon-Paul Fargue, petits poèmes magnifiquement illustrés, ou plutôt exaltés, par Marie Monnier – sur très beau papier. Je n’en connaissais que le poème liminaire, que voici,

mais je ne résiste pas au plaisir d’offrir à la curiosité des lecteurs en visite le quatrain qui suit, potacherie de haute saveur à qui ne boude ni la forgerie verbale ni la facétie un peu lourdingue…

dimanche, janvier 20 2008

En 1913 paraissait un texte à tout jamais insolite et neuf,

dans sa forme poétique comme dans sa forme matérielle, publié aux éditions Des Hommes nouveaux par l’auteur soi-même - génial, torturé, fauché - auteur, sujet et éditeur d’un ouvrage qui allait provoquer dans le petit milieu parisien un scandale dû avant tout à l’incompréhension, aux préjugés et à l’ignorance : « le premier poème simultané », annonçait le prospectus, mince bande de papier peinte au pochoir par Sonia Delaunay, née Terck, russe d’origine et amie de Blaise Cendrars. Car c’est de lui qu’il s’agit, et de sa Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France. Cet immense dépliant de 2m de long sur 36 cm de large, prévu pour être tiré à 150 exemplaires - l’édition originale atteignant ainsi la hauteur de la Tour Eiffel - offrait à droite le texte, imprimé en divers caractères colorés de tailles diverses, à gauche, un ruissellement de couleurs, une composition-transposition inspirée à Sonia Delaunay par le récit d’un voyage initiatique : la traversée en Transsibérien de la Russie à feu et à sang par un adolescent lui-même à feu et à sang - qui trouvera dans le poème son nom et son écriture.

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