Un Immense asile de fous de Louis de Bernières


 

Ce livre est dédié à mes enfants Robin et Sophie. Puissent-ils emporter leur village avec eux où qu’ils aillent.

Ça c’est la dédicace.

 

Wilderness - Un monde sauvage  

There is a wilderness where once I lived
Là où j’ai vécu se trouve un monde sauvage
Whose every inch I knew and loved
Dont j’ai connu et aimé chaque parcelle.
I roamed there as a dreaming boy
J’y ai vagabondé en enfant rêveur
Before reality began.
Avant que la réalité ne commence ;
I walked there still, remembering,
J’y ai marché encore, avec mes souvenirs,
As I grew up beyond a man.
Quand j’ai dépassé l’âge d’homme.

Sweet little in that wilderness I knew
Je savais peu, heureux dans ce monde sauvage,
Of God’s indifference  and of lovers’ pain.
De l’indifférence de Dieu et des peines d’amour.
Too young to suffer, I remember
Trop jeune pour souffrir, je me souviens
Longer summers, deeper slumbers,
D’étés plus longs, de sommeils plus profonds,
Better laughter, warmer rain.
De plus grands rires, et de pluie plus tiède.

 Et ça, c’est le poème liminaire.

 Ce n’est pas un roman, plutôt une constellation de courts récits qui composent progressivement sous les yeux du lecteur un territoire légendaire, à la manière d’Ovide en quelque sorte. Sinon que le monde réenchanté par le souvenir des originaux qui l’ont peuplé n’est pas le vaste espace de la Méditerranée et des terres environnantes, mais celui, limité, d’un bourg anglais, dans le Surrey, sur la ligne de train pour Londres. Le village  de l’enfance, comme territoire en lambeaux de la mémoire. Village réel, rebaptisé Notwithstanding, LE casse-tête absolu pour un traducteur : c’est un adverbe anglais, qui signifie « en dépit de, nonobstant ». Dans sa postface, Louis de Bernières l’interprète comme « qui ne résiste pas », parce que lorsqu’il a entrepris la rédaction des premières nouvelles qui constituent le recueil, il pensait que l’univers qui avait été celui de son enfance avait disparu. Ce dont il s’est ensuite pris à douter, au moins pour ce qui concernait la topographie générale, et quelques coutumes. Quant aux hommes d’autrefois, tous excentriques à des titres divers, ce sont eux, les habitants de cet « immense asile de fous » qu’est l’Angleterre, (expression que Louis de Bernières emprunte à un interlocuteur français qu’il cite, et qui a fourni à la version française du texte un titre commode même s’il ne colle qu’à moitié) ce sont eux donc que le travail de l’écrivain entreprend de ressusciter.

A merveille. A peine entrée dans le livre, j’avais le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux. J’ai adoré l’histoire du « Mahouss Brochet » (The Girt Pike) et l’amour éperdu et muet du jeune Robert pour la blonde, gracieuse, et éphémère Mrs Rendall. Ou les conversations par ricochet de John le jardinier, Alan l’étudiant et Sylvie la cavalière avec l’araignée Georges. Il y a des histoires très sombres aussi, comme Cette Belle maison, ou, sous la futilité apparente, Lapin. Quant aux deux épisodes de ce qui est traduit comme « Grand Couillon », j’y ai tellement détesté Mr Chittock que j’ai dû abandonner un moment ma lecture…

J’ai retrouvé en fait dans cet ouvrage quelque chose de Jørn Riel. Le goût de conter, et les personnages récurrents qui assurent le liant de l’ensemble, et dont les liens entre eux – et avec nous, lecteurs - se tissent plus étroitement au fil du temps et de l’histoire. C’est un ouvrage sans prétention, et pourtant rigoureusement construit, plein de nostalgie et d’humanité lucide. Très différent de la trilogie sud-américaine que j’avais il y a longtemps dévorée et jamais chroniquée. Même si, en somme, on y retrouve, autrement, le réalisme – et la magie. Celle des lieux, celles des êtres, celle des mots.

Où l'on remarquera que l'édition anglaise est beaucoup plus joliment fantaisiste que la française.

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