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vendredi, août 30 2013

Hélène Picard citée par Colette.

A titre de curiosité, et pour accompagner cette étrange Femme au perroquet de Courbet dont on trouve ici une ébauche de commentaire, un poème d’Hélène Picard, cité par Colette en exergue de l’hommage qu’elle a rendu à son amie, morte en février 1945.

Poétesse originaire de Toulouse, assez sauvage, et passablement fêlée, Hélène Picard avait rencontré Colette lorsque celle-ci assumait au Matin le rôle de directrice littéraire des Contes des 1001 matins. Leur amitié a duré 22 ans, jusqu’à la mort d’Hélène Picard.

Colette, qui, dans Le Pur et l’impur, a reproché avec un sens meurtrier de la formule à Renée Vivien (née Pauline Tarn) d’avoir « exsudé son baudelairisme avec vingt ans de retard »,  - je cite de mémoire, le texte n’étant naturellement pas à sa place sur les rayonnages et donc sans doute prêté ou égaré – aurait bien pu l’appliquer aussi au poème ci-dessous, dans lequel on trouve, cependant, quelques beaux vers, en particulier les trois derniers, qu’elle citait volontiers.

 

Délivrance

 … O perroquets si lourds d’un si léger plumage,
J’aime à vous voir régner sur le trafic des ports,
Dans ces limpides bars couleur de paysage
Où l’on tache de gin les nobles passeports

Transpercé de couchant, qu’un phonographe saigne,
Qu’une fille s’enroue au brouillard de l’alcool,
Que l’excentrique mer brille comme une enseigne,
Qu’importe à l’arc-en-ciel captif de votre vol…

Qu’un jeu de dominos s’écroule sur la ruine
D’un frais marchand de fleurs, d’huîtres ou de corail,
Que la chanson des ports ait mal à la poitrine,
Qu’importe à la langueur de vos chauds éventails…

Qu’un triste matelot, sur son caban, épuise
Les ressources du soir et de l’accordéon,
Qu’importe à votre huppe orange, bleue et grise,
Pareille, vains oiseaux, au punch de l’horizon !

De toutes les couleurs, aux rires des fontaines,
Vous mangiez un biscuit quand Rimbaud s’embarquait,
Il ne vous atteint pas, l’affreux cri des sirènes,
Dans les bars de cristal, éclatants perroquets,
Frivoles favoris des sombres capitaines.

Colette est donc restée fidèle jusqu’à la mort à cette amie quelque peu égarée, à qui elle avait fait obtenir un prix de 3000 francs pour le recueil Pour un mauvais garçon (1927), recueil dont est issu le poème Délivrance. Picard était semble-t-il très amoureuse de Carco, lequel s’est toujours tenu soigneusement à distance.

Quelques éléments ici, sur le site des Amis de Colette.

Si l’œuvre d’Hélène Picard n’est donc pas impérissable, et l’on n’en trouve d’ailleurs quasi aucune trace sur la toile, la lecture de la correspondance entre les deux femmes, éditée par Claude Pichois chez Flammarion, ne manque pas d’intérêt. On y  trouve toutes sortes d’anecdotes privées – sur Colette, essentiellement -,  mais aussi des échanges d’ordre plus littéraire. J’adore lire les correspondances, regards à la fois obliques et intimes sur les auteurs, qui nous deviennent ainsi plus proches, plus familiers.

mercredi, août 28 2013

Herbert Lottman - Colette

Petite chronique rapide :

En quête de références bibliographiques précises au sujet du compagnonnage de Musidora avec Colette, Marguerite Moreno, Annie de Pêne pendant la guerre de 14, je me suis trouvée en train de lire in extenso Colette, d’Herbert Lottman (1990), dont je crois qu’en fait je ne l’avais jamais lu. Biographie à l’américaine, très documentée, en quarante-quatre chapitres dont certains reprennent les titres d’œuvres, tant il y a une dimension autobiographique dans l’œuvre de Colette, et tant son écriture parfois douloureuse a ponctué sa vie : Claudine s’en va, La Vagabonde, L’Entrave, La Naissance du Jour… Musidora n’y est mentionnée que de façon allusive, tant pis. Mais ce qui était intéressant, c’était la façon dont il fait très clairement apparaître combien Colette était dès l’origine une déclassée, qu’elle est restée presque jusqu’à la fin, combien elle a été, dans sa sensualité affichée, dans son incarnation si charnelle, scandaleuse, et enfin combien sa vie a été, avant même le mariage avec Willy (Villy, parce que Gauthier-Villars), au temps où elle vivait chez ses parents, mais surtout après, placée sous le signe du manque d’argent, de la course contre la dèche, jusqu’à ce qu’enfin, les royalties venues de l’adaptation à succès de certaines de ses œuvres - Gigi surtout, en France (de Colette Aubry avec Danièle Delorme, 1949) et aux USA (de Vincente Minelli, 1958, avec Leslie Caron, Maurice Chevalier et Louis Jourdan, je l’ai vu, celui-là, c’est une comédie musicale assez charmante, sinon que je regrette qu’à la fin Gigi reste en robe du soir, au lieu de remettre sa robe d’écolière, comme elle fait dans l’explicit dans cette nouvelle absolument réussie, l’une des œuvres de Colette que j’adore. Légère, fine, allègre.) – jusqu’à ce qu’enfin les royalties donc la mettent tout à fait à l’aise. Ce qui est intéressant, aussi, et c’est un sujet que Lottman connaissait bien, c’est le récit de la vie pendant la guerre, la seconde en particulier. Où l’on voit que la nécessité de vivre, simplement, de manger, obligeait à bien des contorsions, loin de l’image manichéenne si habituelle d’une petite France romantiquement résistante contre une grande France veule et collabo. On y apprend aussi des tas de choses sur les frères Jouvenel, spécialement Renaud, et sur Colette de Jouvenel. Sur Maurice Goudeket (« good quéquette », le mot est de Valéry, mouarf !) comme promoteur de l’œuvre de sa femme : les éditions du Fleuron, c’est lui, je l’ignorais. C’est un ouvrage très documenté, avec notes et références à des articles parfois peu connus, une biblio, et un index. Assez bien traduit, malgré ici ou là des anglicismes ou des bizarreries que j’ai la flemme de rechercher. Du coup, j’ai remis le nez dans la Correspondance, que je butine, lorsque je suis fatiguée ou distraite. Lettres à Marguerite Moréno (l’amie de toujours), à Hélène Picard, la poétesse solitaire et azimutée, au « Petit Corsaire », rassemblées ensemble chez Flammarion. C’est une correspondance extrêmement vivante, alerte, inventive, dont des fragments entiers, au mot près, étaient restés dans ma mémoire. Au-delà des facilités, des afféteries parfois, de la préciosité par moments excessive de certaines des œuvres, Colette était une sacrée épistolière.

Le site de la Société des Amis de Colette est ici.

mardi, août 20 2013

Louis Feuillade, Les Vampires, Musidora

Qui poursuit qui, de Philippe Guérande et de son acolyte Mazamette (Oscar-Cloud. Os-car-Cloud-Mazamette ! quel scénariste est allé chercher un nom pareil ???) ou du Comte de Kerlor, de Satanas ou de Vénénos et de leur bande ? Il y a encore la charmante Fleur-de-lys, mais surtout il y a Irma Vep. Cela ne vous dit rien ?  L’amie de Colette et l’objet de tous les fantasmes des surréalistes cinéphiles, moulée dans son collant noir…

Irma Vep, anagramme de Vampire. C’est l’héroïne féminine sulfureuse, maléfique, des Vampires de Louis Feuillade, feuilleton cinématographique en dix épisodes aux titres croustillants : L’Homme aux poisons, Le Maître de la foudre, Les Noces sanglantes… Irma Vep, c’est Musidora, presque nue dans son maillot noir moulant dessiné par Paul Poiret - quel dommage qu’il ne lui ait pas associé des ballerines ou chaussons de cirque comme chaussures, parce que ses bottines à talons alourdissent sa silhouette et sa tenue, au demeurant un peu décevante en notre temps de latex et d’élasthane.

1915, en pleine guerre, dix épisodes de vols, de meurtres, d’enlèvements, d’escalades des toits de Paris, de voitures brimbalantes, de chevaux, de vélos … de grands hôtels et de beuglants, de melons et de huit-reflets, de soubrettes et de grisettes, de magnats et de malfrats, de jeunes et de vieilles gens, gens de maison, gens d’église, gens sans foi ou gens d’honneur, gendarmes et gens de plume, car Philippe Guérande est journaliste, et s’est voué à traquer les Vampires.

C’est une bande de criminels de haut vol, sans aucun scrupule. Sous la conduite du docteur Nox (clin d’œil à Jules Verne), des comtes de Noirmoutier ou de Kerlor, ou du baron de Mortesaigues – puis des susdits Satanas et Vénénos ^^ - ,  ils jouent de la gâchette, du poignard, du poison, du canon ou du gaz comme aussi de la prunelle. Car en travers de leur route, avant de se rallier à leur bande, s’est jeté Moreno, occasionnel amant d’Irma Vep, l’homme aux « yeux qui fascinent ». Bijoux et magots volés (avec enregistrement de voix sur rouleaux de cire !), tête coupée, cadavres et victimes enfermés dans des malles ou des placards, les Vampires sont suivis à la trace par le coriace Philippe Guérande, mimiques et postures expressives, la raie médiane et le cheveu horriblement plaqué (très difficile à gober comme jeune premier aujourd’hui), qui les démasque, les débusque, les harcèle de ses articles et de ses plaintes en justice. C’est lui qui dès le premier épisode devine en Mazamette (Oscar/Cloud/Mazamette !) le voleur de son dossier d’enquête. Lequel, de Vampire devenu honnête homme (croque-mort, puis richissime philanthrope) et ami de tous les instants, est doté avec son nez interminable d’un flair à toute épreuve pour tous les coups tordus et se mue souventes fois en sauveur providentiel.

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dimanche, novembre 18 2012

Victor Margueritte - La Garçonne

La Garçonne, de Victor Margueritte. Emprunté(e) à la B.M., puis lu(e) en vitesse  dans un intervalle du Temps de l’innocence d’Edith Wharton, avant de le passer à deux de mes élèves pour cause de T.P.E. Je n’en connaissais que le parfum de scandale.

- Très éventé, ma foi. C’est un roman antipathique. Du post-Zola, avec une intention polémique et didactique très marquée, et pas un personnage pour lequel on puisse éprouver quelque sympathie tant ils relèvent tous de la charge, de la caricature ou de l’allégorie. Il y a donc Monique (dont je crains fort que la rime ne soit délibérée, on rencontre bien aussi un gynécologue nommé Hilbour !!!), née avec le siècle, élevée avec tendresse, le souci de la santé du corps et de la sincérité du cœur par sa vieille tante célibataire, tante Sylvestre, sur les rives de la Méditerranée, loin de ses parents richissimes et indifférents. L’évocation de l’enfance ne manque pas de justesse, et donne au personnage de Monique une certaine épaisseur dans la détresse, la joie de vivre ou la tendresse. Jusqu’à son retour dans le Tout-Paris de l’après-guerre, où elle s’éprend du beau Lucien Vigneret, justement le parti qui convient, pour affaires, à son père. Las, Lucien n’est qu’un viveur insincère, et après l’avoir plaqué de façon retentissante, Monique se lance seule dans la vie. Elle ouvre un magasin de décoration avec lequel elle s’impose comme l’un des esprits du temps, en même temps qu’elle se jette méthodiquement dans l’exploration des plaisirs de la chair : femmes, hommes, drogues, partouzes, dégringolade et dépressions. Moyen pour l’auteur de vilipender l’hypocrisie bourgeoise, si ce n’est que l’entreprise relève plus du potin égrillard à la Willy que de la verve assassine. Taraudée par le désir d’un enfant qui donnerait sens à sa solitude et à sa féminité, Monique finit par trouver un apaisement momentané dans une liaison avec l’écrivain Régis Boisselot, une sorte de faune athlétique et rageur, rattrapé par une jalousie rétrospective qui aura raison de leur amour.  - Régis, parce qu’il veut commander… Reste Georges Blanchet, héros de la guerre et ex-théoricien du mariage et d’une relative égalité des sexes, qui apportera à Monique, dans les circonstances dramatiques requises par le genre romanesque, l’amour et l’équilibre tant recherchés.

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