Hélène Picard citée par Colette.

A titre de curiosité, et pour accompagner cette étrange Femme au perroquet de Courbet dont on trouve ici une ébauche de commentaire, un poème d’Hélène Picard, cité par Colette en exergue de l’hommage qu’elle a rendu à son amie, morte en février 1945.

Poétesse originaire de Toulouse, assez sauvage, et passablement fêlée, Hélène Picard avait rencontré Colette lorsque celle-ci assumait au Matin le rôle de directrice littéraire des Contes des 1001 matins. Leur amitié a duré 22 ans, jusqu’à la mort d’Hélène Picard.

Colette, qui, dans Le Pur et l’impur, a reproché avec un sens meurtrier de la formule à Renée Vivien (née Pauline Tarn) d’avoir « exsudé son baudelairisme avec vingt ans de retard »,  - je cite de mémoire, le texte n’étant naturellement pas à sa place sur les rayonnages et donc sans doute prêté ou égaré – aurait bien pu l’appliquer aussi au poème ci-dessous, dans lequel on trouve, cependant, quelques beaux vers, en particulier les trois derniers, qu’elle citait volontiers.

 

Délivrance

 … O perroquets si lourds d’un si léger plumage,
J’aime à vous voir régner sur le trafic des ports,
Dans ces limpides bars couleur de paysage
Où l’on tache de gin les nobles passeports

Transpercé de couchant, qu’un phonographe saigne,
Qu’une fille s’enroue au brouillard de l’alcool,
Que l’excentrique mer brille comme une enseigne,
Qu’importe à l’arc-en-ciel captif de votre vol…

Qu’un jeu de dominos s’écroule sur la ruine
D’un frais marchand de fleurs, d’huîtres ou de corail,
Que la chanson des ports ait mal à la poitrine,
Qu’importe à la langueur de vos chauds éventails…

Qu’un triste matelot, sur son caban, épuise
Les ressources du soir et de l’accordéon,
Qu’importe à votre huppe orange, bleue et grise,
Pareille, vains oiseaux, au punch de l’horizon !

De toutes les couleurs, aux rires des fontaines,
Vous mangiez un biscuit quand Rimbaud s’embarquait,
Il ne vous atteint pas, l’affreux cri des sirènes,
Dans les bars de cristal, éclatants perroquets,
Frivoles favoris des sombres capitaines.

Colette est donc restée fidèle jusqu’à la mort à cette amie quelque peu égarée, à qui elle avait fait obtenir un prix de 3000 francs pour le recueil Pour un mauvais garçon (1927), recueil dont est issu le poème Délivrance. Picard était semble-t-il très amoureuse de Carco, lequel s’est toujours tenu soigneusement à distance.

Quelques éléments ici, sur le site des Amis de Colette.

Si l’œuvre d’Hélène Picard n’est donc pas impérissable, et l’on n’en trouve d’ailleurs quasi aucune trace sur la toile, la lecture de la correspondance entre les deux femmes, éditée par Claude Pichois chez Flammarion, ne manque pas d’intérêt. On y  trouve toutes sortes d’anecdotes privées – sur Colette, essentiellement -,  mais aussi des échanges d’ordre plus littéraire. J’adore lire les correspondances, regards à la fois obliques et intimes sur les auteurs, qui nous deviennent ainsi plus proches, plus familiers.

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