Victor Margueritte - La Garçonne

La Garçonne, de Victor Margueritte. Emprunté(e) à la B.M., puis lu(e) en vitesse  dans un intervalle du Temps de l’innocence d’Edith Wharton, avant de le passer à deux de mes élèves pour cause de T.P.E. Je n’en connaissais que le parfum de scandale.

- Très éventé, ma foi. C’est un roman antipathique. Du post-Zola, avec une intention polémique et didactique très marquée, et pas un personnage pour lequel on puisse éprouver quelque sympathie tant ils relèvent tous de la charge, de la caricature ou de l’allégorie. Il y a donc Monique (dont je crains fort que la rime ne soit délibérée, on rencontre bien aussi un gynécologue nommé Hilbour !!!), née avec le siècle, élevée avec tendresse, le souci de la santé du corps et de la sincérité du cœur par sa vieille tante célibataire, tante Sylvestre, sur les rives de la Méditerranée, loin de ses parents richissimes et indifférents. L’évocation de l’enfance ne manque pas de justesse, et donne au personnage de Monique une certaine épaisseur dans la détresse, la joie de vivre ou la tendresse. Jusqu’à son retour dans le Tout-Paris de l’après-guerre, où elle s’éprend du beau Lucien Vigneret, justement le parti qui convient, pour affaires, à son père. Las, Lucien n’est qu’un viveur insincère, et après l’avoir plaqué de façon retentissante, Monique se lance seule dans la vie. Elle ouvre un magasin de décoration avec lequel elle s’impose comme l’un des esprits du temps, en même temps qu’elle se jette méthodiquement dans l’exploration des plaisirs de la chair : femmes, hommes, drogues, partouzes, dégringolade et dépressions. Moyen pour l’auteur de vilipender l’hypocrisie bourgeoise, si ce n’est que l’entreprise relève plus du potin égrillard à la Willy que de la verve assassine. Taraudée par le désir d’un enfant qui donnerait sens à sa solitude et à sa féminité, Monique finit par trouver un apaisement momentané dans une liaison avec l’écrivain Régis Boisselot, une sorte de faune athlétique et rageur, rattrapé par une jalousie rétrospective qui aura raison de leur amour.  - Régis, parce qu’il veut commander… Reste Georges Blanchet, héros de la guerre et ex-théoricien du mariage et d’une relative égalité des sexes, qui apportera à Monique, dans les circonstances dramatiques requises par le genre romanesque, l’amour et l’équilibre tant recherchés.

Idéologiquement, c’est macho avec ingénuité, littérairement, c’est daté et pas très inventif - on y croise un magnat juif épris de Monique, avec toutes les caractéristiques anti-sémites de l’époque, doté d’un patronyme italien, « baron du Pape » ( ?), veuf d’une Sicilienne, qui parle comme Nucingen ! – et la « pornographie », qui fut tellement reprochée à Margueritte qu’il y perdit sa légion d’honneur, est très relative et somme toute presque de bon ton.

Le roman est de 1922. Il est, sur un sujet analogue, infiniment moins intéressant que La Vagabonde, de Colette, douze ans plus tôt. En vérité, le romancier, omniscient, est si manifestement le maître de sa créature féminine, que rien d’une parole ou d’une quête « féministes » ne peut s’y exprimer autrement que sur le mode de la démonstration. Monique est pour Margueritte une marionnette à travers laquelle il examine le problème de l’émancipation des femmes issue en particulier de la guerre de 14. Il en fait une histoire laïque de chute et de rédemption dont le lyrisme final frise, vraiment, le ridicule.

Seul plaisir authentique de cette édition – Flammarion 1979 – les textes virulents, pré-postface de l’auteur au 150ème mille, lettre ouverte de Monsieur Anatole France à la Légion d’honneur, lettre de Victor Margueritte aux membres du Conseil de l’Ordre de la Légion d’honneur, à la suite du scandale engendré par la publication du roman. Trois morceaux de verve polémique, où l’auteur gagne d’être comparé, indûment mais ça pose son homme, avec Flaubert et Baudelaire, et où s’exprime un art fort réjouissant, et très français, de la pointe et du persiflage.

Frontispice de Paul Émile Bécat pour l'édition Germaine Raoult de 1957.

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