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mardi, avril 16 2019

The shop around the corner : un délice !

Mr Kralik-James Stewart est jeune et irrésistible en vendeur modèle de la maroquinerie Matuschek & Cie, longiligne et super chic avec ses vestons croisés. Il entretient une correspondance avec une inconnue raffinée et romanesque qui comme lui a envie de se cultiver - il cite « Zola’s Mme Bovary », :-) -, et il ne cesse de se chamailler avec Klara Novak, la nouvelle employée, qui méprise le vendeur terre à terre, mesquin et matérialiste qu’elle le soupçonne d’être, alors qu’elle entretient une correspondance avec un inconnu raffiné, cultivé, plein de tact !…. Deux porcs-épics se lardant sans mesure ni précautions de piquants à la moindre conversation. Il y a un employé servile et flagorneur (Vadas), deux demoiselles de magasin (Flora et Ilona) pleines de compassion, le fidèle et bienveillant Pirovitch - avec sa femme, son fils et son bébé, et qui disparaît dès que le patron demande « un avis sincère et honnête » -, Pepi le coursier qui est un vrai Gavroche, un lot soldé de boîtes à cigarettes-boîtes à musique en simili cuir repoussé qui jouent Ochy Tchornya (Les Yeux noirs), des portes qui s’ouvrent, se ferment, qui battent, qui claquent, des conversations sur le coût d’installation d’un ménage, un rendez-vous avec œillet et Anna Karénine (Rendez-Vous est le titre français du film), et Mr Matuschek dont l’humeur se dégrade au fil du film et qui se met à traiter très mal le pauvre Mr Kralik dont la dignité et la loyauté sont mises à rude épreuve.

Dialogues enlevés, très théâtraux, clins d’oeils à la littérature française (Hugo et Corneille sont mis à contribution, l’insatisfaite Mme Matuschek s’appelle Emma) photo magnifique, sentiments subtils et fraternels chez des petites gens menacées par le chômage qui rôde dans les rues de Budapest,  rien n’est caricatural. Quant à oser la dernière scène !!! C’est du cinéma absolument revigorant, humaniste jusqu’au bout des ongles, beau, gai, adorable. Merci Lubitsch.

samedi, septembre 21 2013

More Lubitsch

Depuis j’ai vu deux autres Lubitsch : Le Ciel peut attendre (1943), avec Don Ameche et Gene Tierney, et One Hour with you, avec Jeanette MacDonald et Maurice Chevalier, film réalisé en collaboration avec Cukor, qui se serait très mal entendu avec l’acteur français (1932). Le second, c’est-à-dire le premier dans le temps, en noir et blanc, est, sinon une comédie musicale, du moins une comédie avec pauses chantées.

Eh bien, ce sont des films très enlevés, réalisés au petit poil, mais les personnages masculins sont si falots, si veules, malgré leur passion, dans un cas des femmes, dans le second de sa femme, et les femmes si dépendantes (quoique Gene Tierney, malgré des robes atrocement monochromes et surchargées de dentelles et autres froufrous, et une coiffure ahurissante, soit particulièrement chic à tous les sens du terme) que je n’ai pas adopté l’histoire, comme j’avais pu le faire pour Sérénade à trois. Il y a dans ces films du rythme, de l’esprit, une science vaudevillesque, mais elle se borne à répéter une sorte d’immoralité sociale figée depuis le XIXe, réduisant à une mécanique somme toute désuète et peu engageante les histoires de trios qu’elle met en scène.

Une raison majeure sans doute à cette différence de ton, et de philosophie : les scénarios des deux films que je viens d’évoquer sont de Samson Raphaelson – un scénariste d’une longévité extrême, mort à 99 ans ! - alors que celui de Sérénade à trois est de Coward, habité, semble-t-il, par un mordant bien plus acerbe que son collègue new-yorkais. Il n’empêche, ce Raphaelson devait être un type cultivé et amateur de littérature française. L’épouse d’André Bertier-Maurice Chevalier se nomme Colette, et sa garce de « very best friend » Mitzi. Cela évoque furieusement le personnage scandaleux de Colette et sa longue liaison avec la baronne Mathilde de Morny, dite Missy. Il y a aussi une scène presque inutile et très amusante où le « meilleur ami » d’André, Adolphe, amoureux de Colette, s’aperçoit que le bal auquel il est invité N’EST PAS un bal masqué et qu’il doit donc se dépouiller de sa tenue de Roméo. Interpellé avec hargne à ce sujet, le maître d’hôtel auteur du canular s’incline suavement en disant « Le collant va si bien à Monsieur ». Il s’appelle… Marcel.^^

Voilà. J’ai raté me dit-on un Billy Wilder merveilleux de légèreté, passé dimanche sur Arte, Ariane (Love in the afternoon, 1957), avec Gary Cooper, Audrey Hepburn et Maurice Chevalier, excusez du peu ! Wilder est un digne héritier de la « Lubitsch touch ». Je vais me mettre en quête, et vive la comédie !.

 

mercredi, septembre 18 2013

Ernst Lubitsch - Sérénade à trois... une idée de la grâce

Regarder Sérénade à trois de Lubitsch, emprunté presque par inadvertance à la médiathèque, un soir de mélancolie, où le soleil picard, selon son habitude, se lève pour une petite heure vers 7h du soir… soleil dehors, donc, lumière chaude sur les arbres jaunissants, et sur l’écran, en noir et blanc, le rythme, la légèreté, le charme d’une comédie qui très vite, fait sourire de bonheur. Je n’avais, je crois, jamais vu Miriam Hopkins, ingénue libertine émouvante de naturel, de grâce, d’une sorte de saisissante aisance physique, une manière d’habiter son corps délié sans la moindre afféterie, d’adresser son sourire lumineux à faire fondre de reconnaissance. Aussi les deux inséparables amis que sont George (Gary Cooper) et Tom (Fredric March), artistes dans la dèche (un peintre, un dramaturge), tombent-ils sous le charme dès leur rencontre – ensommeillée -  dans un wagon de troisième classe entre Marseille et Paris. Inspiratrice, pomme de discorde, impresario improvisée non moins que sourcilleuse de la carrière de l’un comme de l’autre, Gilda Farrell s’installe et les installe dans un trio amoureux parfaitement licencieux qui, malgré les tribulations inhérentes à ce genre de situation, apparaît comme la seule issue possible, et, presque, morale. Il y a aussi le sentencieux  et bien-pensant Mr Plumket, homme d’affaire américain qui se voudrait le protecteur, le  mentor de Gilda, à défaut de mieux… il y a des dialogues en français avec un accent irrésistible, des gamins de Paris, des logeuses et des cabaretières, et cette histoire, libertine au meilleur et au plus libre sens du terme, entre trois « hooligans » (voyous), selon les critères et les termes de Mr Plumket, et qui se réclament comme tels. C’est encore, comme Easy Virtue, un film adapté d’une pièce de Noël Coward, où une immoralité spirituelle, élégante, insoucieuse du qu’en dira-t-on apparaît en somme comme la seule attitude possible face aux embûches et aux difficultés de la vie et de l’amour, un art de vivre. Une histoire, sans flonflons ni discours, de femme et d’hommes profondément libres.
Juste une question : comment comprendre – au-delà de la simple évidence, Gilda fait du dessin publicitaire -  le titre anglais, Design for living ?