La semaine écoulée a
été particulièrement endiablée. Le
Bourgeois gentilhomme, mardi soir, mis en scène par Denis Podalydès à la
Maison de la Culture d’Amiens, jeudi, balade à Beauvais pour les Photaumnales, et le soir, Que ma joie demeure, ou Bach selon Alexandre
Astier, à l’espace Jean Legendre de Compiègne.
Le Bourgeois d’abord. Quel bonheur de voir Molière en costumes,
Molière où l’on rit aux éclats, non pas des excroissances greffées par tel ou
tel metteur en scène enragé à imposer au spectateur SA lecture de la pièce,
mais de l’énergie d’une langue inventive, d’un regard acéré sur les « vices
du temps », mis en œuvre par le jeu débridé de comédiens en pleine possession
de leur métier. Que j’étais heureuse de voir mes élèves rire sans retenue, d’entendre
la salle se gondoler aux balourdises de monsieur Jourdain postillonnant ses
syllabes, « Daaa, da, Faaa, fa », découvrant éperdu la différence
entre la prose et les vers, ou bondissant avec une grâce éléphantesque aux
assauts du maître d’armes. Pascal Rénéric. J’ignorais tout de ce comédien qui
allie avec brio lourdeurs ou boursouflure et la joie naïve de découvrir les
beautés de l’Art et de la science.
Il y a de magnifiques costumes chatoyants et
baroques de Christian Lacroix, des perruques à tout casser, un beau décor en
étage à échelles et à rideaux, la musique de Lully par l’ensemble baroque de
Limoges et Christophe Coin sur scène, et encore les chorégraphies sinueuses de Kaori Ito,
qui gagnent jusqu’à la charmante scène de dépit amoureux qui oppose Cléonte et
Lucile, auxquels font écho Covielle et Nicole.
J’ai regretté comme une baisse
de folie au moment crucial de la turquerie qui voit l’adoubement de monsieur
Jourdain en grand Mamamouchi. Le clin d’œil à Starwars était amusant, mais
pourquoi si peu de costume justement à ce moment pour un Jourdain quasi en
chemise ? regretté aussi à la fin le retour d’une musique trop bellement interprétée
au détriment d’un rythme, d’une apothéose plus délirants. Regretté enfin les
voix trop faibles – mal réglées sur les autres – des deux jeunes premiers,
Cléonte et Lucile. Mais c’étaient des défauts véniels. Le spectacle, enlevé,
chaleureux, jubilatoire nous a laissés hilares, béats, bienheureux, bien
au-delà du bus du retour.