mercredi, septembre 18 2013

Ernst Lubitsch - Sérénade à trois... une idée de la grâce

Regarder Sérénade à trois de Lubitsch, emprunté presque par inadvertance à la médiathèque, un soir de mélancolie, où le soleil picard, selon son habitude, se lève pour une petite heure vers 7h du soir… soleil dehors, donc, lumière chaude sur les arbres jaunissants, et sur l’écran, en noir et blanc, le rythme, la légèreté, le charme d’une comédie qui très vite, fait sourire de bonheur. Je n’avais, je crois, jamais vu Miriam Hopkins, ingénue libertine émouvante de naturel, de grâce, d’une sorte de saisissante aisance physique, une manière d’habiter son corps délié sans la moindre afféterie, d’adresser son sourire lumineux à faire fondre de reconnaissance. Aussi les deux inséparables amis que sont George (Gary Cooper) et Tom (Fredric March), artistes dans la dèche (un peintre, un dramaturge), tombent-ils sous le charme dès leur rencontre – ensommeillée -  dans un wagon de troisième classe entre Marseille et Paris. Inspiratrice, pomme de discorde, impresario improvisée non moins que sourcilleuse de la carrière de l’un comme de l’autre, Gilda Farrell s’installe et les installe dans un trio amoureux parfaitement licencieux qui, malgré les tribulations inhérentes à ce genre de situation, apparaît comme la seule issue possible, et, presque, morale. Il y a aussi le sentencieux  et bien-pensant Mr Plumket, homme d’affaire américain qui se voudrait le protecteur, le  mentor de Gilda, à défaut de mieux… il y a des dialogues en français avec un accent irrésistible, des gamins de Paris, des logeuses et des cabaretières, et cette histoire, libertine au meilleur et au plus libre sens du terme, entre trois « hooligans » (voyous), selon les critères et les termes de Mr Plumket, et qui se réclament comme tels. C’est encore, comme Easy Virtue, un film adapté d’une pièce de Noël Coward, où une immoralité spirituelle, élégante, insoucieuse du qu’en dira-t-on apparaît en somme comme la seule attitude possible face aux embûches et aux difficultés de la vie et de l’amour, un art de vivre. Une histoire, sans flonflons ni discours, de femme et d’hommes profondément libres.
Juste une question : comment comprendre – au-delà de la simple évidence, Gilda fait du dessin publicitaire -  le titre anglais, Design for living ?

mardi, mai 29 2012

Pause ciné : Un mariage de rêve

Easy Virtue (Un mariage de rêve), directed by Stephan Eliott. Un monument de délectation perfide. Avec deux monstres sacrés, Colin Firth, le père, sombre, désabusé, sardonique, intérieurement détruit par les séquelles morales de la guerre de 14, et Kristin Scott Thomas, la mère, amère, blessée, tyrannique, fielleuse, dressée dans l’obsession de perpétuer la propriété familiale, contre vents et marées. Je ne connaissais pas les deux jeunes gens : Jessica Biel, radieuse, provocatrice, voluptueuse, et Ben Barnes, charmant et attendrissant, naïf, un peu désarmé, dans les rôles de Larita et John Whittaker, les jeunes mariés. Ces deux-là se sont rencontrés au Grand Prix de Monte Carlo, dont Larita aurait été déclarée vainqueur (- queuse ? –crice ? – queure ? Aargh !) si elle n’avait pas été une femme. L’accueil fait à l’aventurière dévoyeuse de fils de famille dans la demeure familiale est glacial, à tous les sens du terme. Outre madame mère, flanquée de Poppy, sa chihuahua teigneuse, il y a les deux sœurs de John, (alias Panda^^), Hilda et Marion, toutes deux sérieusement menacées de devenir vieilles filles. Il y a aussi Sarah, fille du lord et ami voisin, qui aima John et lui était tacitement promise. Très classe, quant à elle. Et puis Furber, l’inénarrable ‘butler’.

Le réalisateur est canadien*, mais le film terriblement anglais. C’est une adaptation récente d’une pièce de Noël Coward datant de 1924, qu’Hitchcock avait déjà transposée à l’écran en 1928, un film muet.

Dans cette version-ci tout sauf muette, les dialogues sont éblouissants et il y a aussi beaucoup de musique, dès le sirupeux générique de début sur fond de soleil couchant dégoulinant. Très dansante - et très dansée, entre rocks et tango - elle est au petit poil, et certains des airs sont interprétés par les acteurs eux-mêmes.  « Let’s misbehave », «Conduisons-nous mal» ou  «Soyons inconvenants !», telle pourrait bien être la devise de ce film allègrement – et pourtant mélancoliquement – immoral.

NB : Surtout ne pas regarder la bande-annonce. C'est une vérole, elle contient, comme toujours, les meilleurs moments du film, et surtout ses surprises ! Haro sur les bandes-annonce, qui sont au film ce que sont désormais les quatrièmes de couv' aux livres, pour le plus grand désespoir de l'amateur.

* Non, Australien.