Regarder Sérénade à trois de Lubitsch, emprunté presque par inadvertance à
la médiathèque, un soir de mélancolie, où le soleil picard, selon son habitude,
se lève pour une petite heure vers 7h du soir… soleil dehors, donc, lumière chaude
sur les arbres jaunissants, et sur l’écran, en noir et blanc, le rythme, la
légèreté, le charme d’une comédie qui très vite, fait sourire de bonheur. Je
n’avais, je crois, jamais vu Miriam Hopkins, ingénue libertine émouvante de
naturel, de grâce, d’une sorte de saisissante aisance physique, une manière
d’habiter son corps délié sans la moindre afféterie, d’adresser son sourire
lumineux à faire fondre de reconnaissance. Aussi les deux inséparables amis que
sont George (Gary Cooper) et Tom (Fredric March), artistes dans la dèche (un
peintre, un dramaturge), tombent-ils sous le charme dès leur rencontre –
ensommeillée - dans un wagon de
troisième classe entre Marseille et Paris. Inspiratrice, pomme de discorde,
impresario improvisée non moins que sourcilleuse de la carrière de l’un comme
de l’autre, Gilda Farrell s’installe et les installe dans un trio amoureux
parfaitement licencieux qui, malgré les tribulations inhérentes à ce genre de
situation, apparaît comme la seule issue possible, et, presque, morale. Il y a
aussi le sentencieux et bien-pensant Mr
Plumket, homme d’affaire américain qui se voudrait le protecteur, le mentor de Gilda, à défaut de mieux… il y a
des dialogues en français avec un accent irrésistible, des gamins de Paris, des
logeuses et des cabaretières, et cette histoire, libertine au meilleur et au
plus libre sens du terme, entre trois « hooligans » (voyous), selon
les critères et les termes de Mr Plumket, et qui se réclament comme tels.
C’est encore, comme Easy Virtue, un
film adapté d’une pièce de Noël Coward, où une immoralité spirituelle,
élégante, insoucieuse du qu’en dira-t-on apparaît en somme comme la seule
attitude possible face aux embûches et aux difficultés de la vie et de l’amour, un art de vivre.
Une histoire, sans flonflons ni discours, de femme et d’hommes profondément
libres.
Juste une question : comment comprendre – au-delà
de la simple évidence, Gilda fait du dessin publicitaire - le titre anglais, Design for living ?
mercredi, septembre 18 2013
Ernst Lubitsch - Sérénade à trois... une idée de la grâce
Par Agnès Orosco le mercredi, septembre 18 2013, 22:12 - Cinéma