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jeudi, octobre 4 2007

Considérations automnales

Mangez-moi, d’Agnès Desarthe était sorti à l’automne dernier, j’en avais entendu quelques comptes-rendus appétissants et puis… j’avais dû absorber pour cause de Goncourt des Lycéens toute la sélection dudit Prix en moins de deux mois. Marathon pour le moins indigeste, colonne bancale où les nauséabondes Bienveillantes sommaient en guise de chapiteau nombre d’autres pensums : l’exhibitionnisme ressassant quoique proustien d’Alain Fleisher*, la virtuosité effilochée de Michel Schneider**, les maussades, érudits et larmoyants grattages de nombril de Camille Laurens***, un Nothomb expédié par-dessus la jambe****, des frères Poivre aseptiques*****, le torrentiel et nébuleux QG du bruit (pour initiés)*******, le venimeux et racoleur Supplément au roman national******* : bien 2000 pages d’ennui, d’exaspération, ou d’indifférence.
Restaient un assez beau roman d’Antoine Audouard, Un pont d’oiseaux, l’interminable et charmant ennui du Bois des amoureux de Gilles Lapouge, Fils unique, de Stéphane Audeguy, tonique et inventif malgré longueurs et souci pédagogique, et puis Ouest, Lignes de failles et Contours du jour qui vient, le roman lauréat du prix.
Cinq romans sur quatorze, il m’a fallu ensuite une petite cure de plaisir désintoxicatoire, entre le très aimé Jørn Riel et la découverte éblouie de Mal de pierres (tous ouvrages évoqués çà et là sur ce blog).
J’en ai oublié Mangez-moi, depuis republié en poche - autant de gagné. Parce que ça aussi, c’est un problème : aussi vitaux que les fruits et légumes frais boudés par les Français, les livres de poche sont chers. J’ai peut-être trop de mémoire, mais je me souviens d’un temps où le compagnon de mes balades, de mes errances, de mes voyages, livre de poche stricto sensu, ne coûtait guère plus de 20 francs (3,5 € à tout casser), 1 ou 2 F dans les brocantes. Difficile aujourd’hui de trouver, chez 10/18, par exemple, un livre de poche à moins de 6 €. Sauf les Librio, à 2 € désormais, inépuisable source de classiques brefs certes, mais bien laids.

C’est à nouveau la rentrée littéraire. Il y a 727 nouveaux romans affichés, le petit monde branché des gendelettres s’agite, Camille Laurens et Marie Darrieusecq s’affrontent à grands coups de bébés morts - viragos tristes, bien loin des matrones aux grands coups de mamelles du marché de Brive-la-Gaillarde… on retrouve dans la nouvelle sélection Goncourt Amélie Nothomb – inspirée cette année paraît-il – et les frères Poivre, sont-ils donc d’année en année les seuls talents prometteurs ???
Et puis l’autre jour Philippe Claudel saisi au vol dans le poste : quel que soit le talent de cet auteur sombre et souvent inspiré, il y assenait en substance que l’auteur était là pour faire descendre ses lecteurs aux Enfers. !!! ??? Outre le côté convenu de ce credo contemporain entiché de noirceur, quelle présomption ! A-t-il la voix d’Orphée ? - Merci bien, je ne tiens pas à croupir dans les gouffres du Tartare, que je préfère en tout cas parcourir sous la houlette rieuse – mais oui ! - de Germaine Tillion, auteur en plein Ravensbrück d’une revue inspirée d’Offenbach Le Verfügbar aux Enfers, incroyable texte écrit dans un carton avec la complicité de ses camarades de camp. La dérision et la parodie mises au service des pouvoirs cathartiques du rire, où l’on apprend que l’hôte des camps appartient à l’espèce des gastéropodes, parce qu’il a toujours l’estomac dans les talons. J’espère de tout mon cœur que le théâtre du Châtelet, qui a produit l’an dernier l’opérette, va l’éditer en DVD, pour la plus grande édification des générations de la conscience douloureuse.
Vous l’aurez compris, je n’ai pas l’humeur à l’actualité littéraire...

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