Lignes de Faille de Nancy Huston

Lignes de Faille, dernier opus de Nancy Huston, Actes Sud, septembre 2006. Prix Femina.
C'est le roman de quatre générations à reculons dans le temps, de 20 ans en 20 ans, entre 2004 et 1944, depuis Sol(omon), puis son père Randall, sa grand-mère Sadie jusqu'à l'arrière-grand-mère AGM ou Erra, ou Kristina ou Klarysa. Un grain de beauté erratique (devenu à la fin grain de "laideur" à extirper) lie entre eux les héritiers d'une douloureuse et sombre histoire, celle des enfants "aryens" arrachés à leurs familles polonaises ou ukrainiennes pour être élevés, dressés, aryanisés en Allemagne. C'est l'histoire des "lebensborn", les "fontaines de vie", dont Erra est une victime, et de leurs conséquences sur les générations qui les ont suivies.

Quatre monologues intérieurs d'enfants de six ans : Kristina, enfant passionnée par la vie et vibrante de chant devient Erra, fantasque cantatrice sans paroles et mère de Sadie, enfant écorchée et maladroite, qui devient à son tour une adulte rationnelle et envahissante, acharnée à la poursuite de son passé. Convertie au judaïsme le plus orthodoxe et mariée avec un juif, Sadie met au monde Randall, déchiré entre les USA et Israël, entre sa mère débordante et directive, et son père attentif, ironique, silencieux, et dramaturge impuissant à créer.

Le roman s'ouvre en Californie sur le monologue de Sol, fils de Randall et de Tessa, mère enrobante, dévorante et dévorée de bons sentiments, tout entière vouée à son fils, et totalement ignorante du voyeurisme cruel dont il est habité. De l'un à l'autre, le grain de beauté rond et duveteux erre sur les corps, talisman ou objet de répulsion, que Tessa veut faire disparaître du visage de Sol. Encore un roman hanté par l'Histoire, un roman pour panser - ou non ? - les plaies qu'elle a ouvertes. En tout cas, c'est très construit, c'est écrit, riche, lisible, c'est "une histoire" et je me dis que si ce livre n'avait pas été retiré de la sélection Goncourt pour les lycéens, il les aurait touchés et intéressés, émus sans doute.

Commentaires

1. Le vendredi, mai 4 2007, 21:56 par julia

C'est un roman qui m'a beaucoup touchée comme tous ceux d'ailleurs qui évoquent les camps de toute façon...Mais celui-là, montre à quel point toute la descendance est marquée au fer par le destin d'Erra, à quel point cet épisode traumatisant ne l'est pas que jusqu'en 1945...
On s'attache à cette famille qui fait ce qu'elle peut pour vivre avec et aller de l'avant. J'aime particulièrement le petit bonhomme qui ouvre le roman.

2. Le samedi, mai 5 2007, 08:25 par Agnès Orosco

C'est étrange, moi, ce premier personnage m'a glacée. A.
3. Le dimanche, mai 20 2007, 15:47 par Néna

Trés beau livre, mais le premier personnage (Sol) est sinistre et particulièrement inquiétant.

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