Milena Agus, Mal de pierres, chez Liana Levi.

Mal de pierres, Mal di pietre, Mali de is perdas en dialecte sarde. La voix de la narratrice, jeune femme éperdue d'amour pour sa grand-mère, retrace, recompose, retisse la vie de celle-ci : dans les années 40, grâce et gaucherie infinies mêlées, elle est au village celle que l'on courtise puis que l'on fuit étrangement, celle qui n'arrive pas à se faire épouser, aimée avec perplexité de son père et de ses sœurs, haïe de sa mère. Scandale : elle écrit des poèmes et des déclarations enflammées à ses soupirants. Folle, et atteinte du mal des pierres, coliques néphrétiques qui la terrassent régulièrement. Jusqu'à cette année 43 où, fuyant Cagliari détruite par un bombardement qui a anéanti sa famille et sa maison, arrive avec sa valise celui qui trouve refuge au village chez les arrière-grands-parents, et un mois plus tard épouse la grand-mère, malgré elle, qui ne l'aime pas.

Naît alors un étrange couple au village puis à Cagliari, l'homme communiste et athée, attentif et indifférent à sa femme, elle qui découvre la splendeur de la lumière sur le paysage de ville et de mer, la fraternité avec les voisins pauvres et chaleureux, une sexualité pour le moins excentrique… et qui perd tous ses bébés à cause du mal des pierres. Jusqu'à son départ sur le continent pour aller faire une cure, dans un endroit si dépourvu de charme et de soleil "qu'elle pense être arrivée dans l'au-delà", avant de croiser, le soir-même, le Rescapé avec sa jambe de bois.

Mêlant alors les fils de son histoire propre avec celle de la grand-mère, et la langue sarde (restituée telle que, dans son étrangeté radicale à qui connaît un peu d'italien - j'ai vu passer un verbe grec Macca esti , elle est folle -) avec la langue italienne, la narratrice, seule à entretenir avec sa grand-mère une relation d'harmonie et d'amour sans arrière-pensées, fait ressurgir autour d'elle son fils miraculeusement né et musicien, l'épouse d'icelui, l'autre grand-mère, Lia, murée dans son silence, son âpreté, son sens du devoir. Jusqu'à renouer et retisser tous les fils de sa généalogie et de sa géographie. C'est sobre, fantasque et drôle parfois, très "vocal" et intense. C'est beau. Lisez-le.

Commentaires

1. Le vendredi, mai 4 2007, 13:12 par Nathalie Laversin

Nous n'avons pas encore trouvé quelqu'un qui n'aime pas ce livre (professeurs de Français, documentalistes, lycéennes...) LHM Saint-Quentin.

2. Le vendredi, mai 4 2007, 13:56 par Philippe Sifflet

Pour qui aime la Méditerranée – ah, ce mistral, la mer et les paysages qui rythment les pages – ce livre sera aussi doux à humer que la fleur d'oranger des navettes provençales.
Pour qui aime la musique italienne, cette langue - ah, les citations en sarde – sera une chanson douce presqu'une berceuse (bravo à la traduction).
Pour qui aime l'excentricité - ah, ces personnages à l’étrangeté et à la densité si prégnantes – ce roman en troublera plus d'un(e).
Pour qui aime la littérature qui vous prend et ne vous lâche plus.
C'est effectivement un livre très beau, un livre cadeau. On attend avec impatience ses petits frères...
Pour en savoir plus sur Milena Agus, lire l'attachant portrait paru dans Télérama et accessible en ligne à cette adresse : www.telerama.fr/livres/M0...

NB : L'article a disparu.
3. Le vendredi, mai 4 2007, 14:49 par Agnès O

Merci pour ce lien et ce portrait !
Je vais mettre en ligne un commentaire de Francesco Masala, tiens, du coup !

4. Le lundi, décembre 10 2007, 23:35 par Angèle Paoli

Bonjour Agnès. Nous nous sommes croisées en d'autres temps, en d'autres lieux (le musée d'Amiens... le marathon Victor Hugo... Marianne...). J'ai appris l'existence de ton site grâce à Eva Almassy, rencontrée à Paris la semaine dernière.
Depuis mon moulin du Cap Corse (où je vis maintenant à l'année), je te retrouve autour de Milena et du commissaire Montalbano dont j'ai presque tous les livres... Mais ce n'est pas moi qui te les ai chipés. Juré !!!

[http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2007/03/milena_agusmal_.html]

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