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samedi, septembre 14 2013

Sarn - Webb, Santelli

Voilà, j’ai enfin regardé Sarn (1968), l’adaptation du roman par Claude Santelli, commandée il y a bien longtemps sur le site de l’INA.

Je l’ai regardée sans déplaisir. Mais avec distance. C’est une adaptation fidèle, mais il lui manque le souffle de passion, l’obscurité ardente et amère, la brume omniprésente, et le lyrisme, qui baignent le roman. Les acteurs sont bons – c’est la Raymone de Cendrars qui joue la plaintive mère Sarn, Anny Duperey (encore orthographiée avec deux ‘r’) y fait une jolie apparition en châtelaine arrogante, et Henri Virlojeux campe un Beguildy convaincant. Mais Dominique Labourier aux yeux de velours est une Prue trop enfantine, et ses cheveux manquent tant de  naturel ! Gédéon aussi, avec son corps délié et adolescent, n’a pas la passion rude, abrupte, que j’imagine à ce personnage tragique. Et puis la campagne  - les alentours de Paimpont - est trop propre, trop claire, et les scènes de foule trop policées… tout y manque de bruit et de fureur.  Bref, il faut que je relise Sarn, pour l’obscur et puissant mystère qui en émane, sans que, je l’espère, les images de Claude Santelli, cette fois, n’y interfèrent.

dimanche, mai 5 2013

Balade normande

Fantaisie

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très-vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue... et dont je me souviens !

Gérard de Nerval  - Odelettes in Petits Châteaux de Bohême (1853)

          L’un naissait au moment où l’autre touchait à la fin de sa vie douloureuse, troublée, « illuminée ».  L’un, c’est Guy de Maupassant, né, cela semble confirmé, au château de Miromesnil en Seine-Maritime, l’autre, c’est Nerval, dont la Fantaisie m’a trotté dans la tête alors que je me promenais, dimanche passé, par une belle et fraîche journée de printemps, dans les salles du rez-de-chaussée, le jardin potager, et le parc dudit château. En fait de coteau, on est sur un plateau, et point de rivière dans les parages, mais un saut-de-loup - ou haha, ( !), terme adopté par les Anglais -, dont j’ai découvert ce jour-là le sens et la physionomie, entre le bois et le parc, côté sud.

C’est un bien joli château, qui m’a évoqué aussi un des films de la série télévisée « L’Ami Maupassant », de Claude Santelli, - dont tous les épisodes que j’ai vus m’ont semblé parfaits (qu’attend-on pour la rééditer in extenso ? Je les préférais infiniment aux quelques « Chez Maupassant » honorables-sans-plus récemment produits par France 2). C’était Madame Baptiste (1974), une très sombre et saisissante histoire de fille de famille violée par un valet, qui m’avait beaucoup frappée, avec Isabelle Huppert dans un de ses tout premiers rôles, et un Roger Van Hool des plus séduisants. Il semblerait que là n’ait pas eu lieu le tournage, et pourtant sa physionomie, ses dépendances, ont fait ressurgir en moi les lointaines images du film.

Quelques images donc, en guise de promenade dominicale, dont celle prise à travers la grille hérissée qui évoque à la fois un bouquet de Saint Eloi, et, beaucoup plus rustique, l’arbre-aux-voyelles de Giuseppe Penone, au Luxembourg, autre promenade récente, autre réminiscence de Nerval.