La Ferme de Navarin de Gisèle Bienne

Comment ai-je pu ignorer si longtemps que le 21 janvier, c’était AUSSI la date de la mort de Cendrars ??? je le découvre, (ce n’est pas possible ! je l’avais simplement oublié, avec tout ce que j’ai lu, de et sur Cendrars !) en lisant La Ferme de Navarin, de Gisèle Bienne, collection ''L’Un & l’Autre'' chez Gallimard. En tout cas, sautons sur l'anniversaire ! Je viens de finir avec mes élèves l’étude de la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France – au passage, que les collègues qui en auraient marre de croiser ce texte sur ma liste de bac m’en excusent. C’est l’éblouissement de mes seize ans, et jusqu’aujourd’hui, j’ai rarement eu la déception de ne pas le voir « marcher ». Mes 1ère L cette année en sont tombées amoureuses. Le bonheur d’entendre, après avoir récité les premiers vers de ce long poème de 449 vers / versets ? libres : « C’est beau ! » pardon pour les blasés que la réaction ferait sourire. Bonheur de le lire et de l’entendre, elles veulent en faire une lecture à voix haute. Il y a tant de poètes que j’aime, mais le Cendrars de la Prose, c’est le plus flamboyant.

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Cendrars bienne.TN__.jpg, mai 2010

 


Connaissez-vous « L’Un & l’Autre » ? C’est une très jolie collection chez Gallimard, dirigée par J. B. Pontalis, éminent psychanalyste et écrivain mélancolique, discret, élégant. La collection http://www.gallimard.fr/collections/fiche_unautre.htm évoque des figures connues ou inconnues des arts, de la littérature, de l’histoire, ou parfaitement anonymes (les « Autres ») évoquées par des écrivains qui en quelque sorte se cherchent en évoquant ces autres-eux-mêmes (les « uns »). Le catalogue est riche, divers, surprenant, avec de très beaux titres : La Pleurante des rues de Prague (Sylvie Germain), Elle, Par Bonheur et toujours nue ou Verlaine d’Ardoise et de pluie (Guy Goffette), La Plus que vive (Bobin)…. J’en ai lu peu, somme toute, parce qu’ils sont chers (14, 90€ le volume, 84 titres parus, 58 auteurs, et peu en Folio), mais toujours avec surprise et plaisir. Le premier, c’était L’Enfant d’Aurigny de Catherine Axelrad, un Hugo à Jersey vu par une petite servante.

Dans les derniers titres, La Ferme de Navarin de Gisèle Bienne, dont j’avais lu Marie-Salope, l’un des titres-phares des éditions Des Femmes, il y a bien longtemps.

C’est une errance, à pied et en voiture, dans les paysages désolés ou les recoins secrets de la Champagne et au fil des textes du poète, en quête du Cendrars de la blessure, avant et après l’amputation. Errance mentale aussi, en quête d’elle-même, dont le grand-père a croisé ces chemins, laissant dans la famille une douleur indicible et un silence épais. Étendues arides, ossuaires et monuments : les lieux portent aussi la mémoire d’Yves Gibeau, inlassable collectionneur révolté des restes inépuisables de la grande guerre, comme celle des toiles d’Otto Dix ou du « J’Accuse » d’Abel Gance, où tourna Cendrars. Il y a de beaux passages sur la Prose, que l’auteur a croisée à vingt ans dans sa chambre d’étudiante pour ne plus l’oublier. Le texte est ponctué de nombreuses citations, de réflexions sur son inimitable rythme et ses images sauvages. C’est une rencontre intéressante et attachante avec Cendrars, une entrée oblique dans sa biographie. Où l’on apprend aussi que Myriam Cendrars a republié en 2006 une version revue et augmentée de sa biographie, qui m’avait autrefois bouleversée : autre quête, cette fois celle d’un père par sa fille délaissée, tardivement retrouvée. Un pavé, qui se lit comme un roman, et retisse, outre la vie de Blaise, les fils de celle de Féla, sa petite épouse résolue et bien souvent laissée pour compte, et des leurs trois enfants : Odilon, Rémy, et Myriam.


Nombreux sont ceux qui (re)viennent à Cendrars, semble-t-il. Le bref opus de Gisèle Bienne, sobre et juste, le pavé de Myriam, un Cendrars annoncé aux éditions Aden http://www.editionsaden.com/blais-cendrars.htm, une note passionnante d’Alain Garric sur Libellules (l’article est de 86, mais je l’ai découvert en août)
http://libellules.blog.lemonde.fr/2007/08/17/cendrars-bee-and-bee/, il doit y en avoir d’autres. Je m’en réjouis. L’incongruité radicale de ce dévoreur de vie, arpenteur d’écriture, de couleurs, de formes, de rythmes, romanesque poète, vates contemporain, mystique et ardent, souffle jusqu’à nous. Braises encore vives sous les cendres.

http://www.giselebienne.com/

Commentaires

1. Le mercredi, février 27 2008, 12:31 par carole

Oui, la ferme de navarin de gisèle bienne, c'est superbe.

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