Mot-clé - Brontë (soeurs)

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samedi, juillet 11 2009

Le Cercle Littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer et Annie Barrows

Ma jeune et joyeuse amie Hélène appelle cela un « roman de bichette ». Dans sa nomenclature personnelle, cela semble désigner ce que j’appelle pour ma part un « roman reconstituant », avec une nuance supplémentaire de romanesque, versant féminin. Est-ce d’ailleurs un roman susceptible de plaire aux messieurs ? Oui, sans doute, si l’on considère que c’est LE libraire qui nous l’a conseillé, et que le succès mondial d’un bouquin ne peut tout de même pas venir de ses seules lectRICES ? Encore que. En tout cas, nous nous en entretînmes avec une satisfaction joyeuse, après l’avoir lu quasiment au même moment. Nous n’en avons même pas évoqué tel ou tel personnage ou telle ou telle anecdote. Seulement la sorte de plénitude éprouvée à trouver chaque situation et chaque personnage à sa place avec le ton juste, et le plaisir de dévorer  un-roman-qui-reste sans arrière-pensées en une période de grande fatigue. Autre « roman-de-lecteurs », au passage. Il faudrait se pencher sérieusement sur cette tendance, mais je n’ai certes pas pour l’heure l’esprit en état. Brèfle.
C’est un roman épistolaire, dont la voix « dominante » (encore qu’elle ne domine guère, en proie qu’elle est à toutes les incertitudes) est celle Juliet Ashton, 33 ans, autrice d’un best seller d’après-guerre, les Chroniques d’Izzy Bickerstaff pour le Spectator rassemblées en volume. Articles légers écrits au fil des six années de guerre pour lutter par l’humour contre le désarroi et le marasme. Mais Juliet en a assez d’Izzy, de la campagne de promotion du livre organisée par son cher ami, éditeur et mentor Sidney à travers le pays, et ses lettres à son amie Sophie (au demeurant sœur de Sidney mariée en Écosse) et à Sidney lui-même en témoignent. Elle en a assez de la guerre, et son prochain livre piétine. Jusqu’à ce qu’elle reçoive de Guernesey une lettre inattendue, cependant qu’un riche et séduisant éditeur new-yorkais a entrepris de l’assiéger à grands renforts de fleurs rares, de dîners fins, de sorties au théâtre et de soirées dansantes, à la grande réprobation de Sidney d’ailleurs.

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mardi, avril 8 2008

Anne Brontë - La Recluse de Wildfell Hall

J’ignorais tout de l’existence de ce roman. Pour moi, Anne Brontë n’avait publié qu’Agnès Grey. Merci à Carole de me l’avoir offert, et à Phébus de l’avoir publié. Jolie illustration de couverture.

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vendredi, juillet 27 2007

Le monde infernal de Branwell Brontë, de Daphné du Maurier, chez Phébus.

À moi fourgué par ma jeune libraire, qui connaît ma passion pour les romans de trois sœurs, en particulier pour Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent . Le bouquin date de 1960.


L'auteur, romancière de talent, dont deux ouvrages au moins ont enflammé mon adolescence : Rebecca - qui a inspiré le film de Hitchcock - et L' auberge de la Jamaïque (lui aussi source d'un film paraît-il médiocre du même, et que je n'ai pas vu), deux apothéoses de littérature romanesque au meilleur sens du terme, l'auteur donc, - elle-même issue d'une famille de créateurs qui ont côtoyé en la personne du sinistre Barrie (Peter Pan) un génie noir et destructeur -, tente, à travers lettres, juvenilia et biographies, de reconstruire le personnage de Branwell Brontë, le frère "maudit", d'analyser la nature de son génie, et la façon dont, de la création frénétique dans l'enfance à l'impuissance de l'âge adulte, sa déchéance a nourri et peut-être porté au jour la créativité de ses sœurs. C'est très documenté, irrigué tout du long par de larges extraits des poèmes (que l'éditeur a eu la courtoisie de citer en anglais avant d'en donner la traduction), de récits du Royaume d'Angria, c'est attentif et plein de sympathie. La figure de Branwell, le visage effacé par sa propre main du portrait qu'il avait exécuté de ses sœurs et de lui-même, y est dessinée avec conviction et humanité, de l'enfant feu follet, rouquin, myope, surdoué et tourmenté au petit homme adulte, incertain, velléitaire, épileptique et mythomane, alcoolique et opiomane, étouffé par l'atmosphère religieuse et féminine du presbytère de Haworth.

C'est passionnant. On y voit évoluer les trois sœurs, le père, la tante-mère, en filigrane de Branwell, figure centrale de la famille et du récit, et âme des torrentielles aventures inventées collectivement par les quatre enfants. Branwell, créateur du Royaume d'Angria et de Sir Alexandre Percy dit Northangerland (que de colère dans les noms!), héros de roman noir, débauché, satanique et tout-puissant, roi, pirate, et séducteur. Branwell, coauteur à l'origine des Hauts de Hurlevent , Branwell dont les sautes d'humeur et les excès, mêlés à ceux de son héros, ont nourri les sombres personnages masculins des romans de ses sœurs.
Le titre n'est pas terrible, mais c'est Branwell et Charlotte eux-mêmes qui avaient donné ce nom à leur royaume imaginaire. Et l'œuvre met en scène sous nos yeux une étrange histoire de fraternité créatrice partagée d'abord par les quatre enfants, d'imaginaire commun d'où a émergé une œuvre multiple et pleine d'échos, univers de mort et de souffrance qui a fini par offrir aux sœurs l'indépendance et la maturité de leurs voix propres, tandis que le frère y perdait peu à peu son génie et sa vie. Une singulière réflexion sur la lente et douloureuse destruction d'un talent trop tôt éclos, qui n'a pu trouver sa place ni parmi les siens, ni dans le monde.