samedi, juillet 31 2010

Petit accès de masochisme estival : Ragde III

Ce coup-ci, c’est « Dans de verts pâturages », le titre, à coloration biblique (voir Margido). J’aurais au moins appris à utiliser le traducteur en ligne norvégien-français. D’où il ressort que :
*  l’on boit beaucoup en Norvège, de la bière, du « snaps »  - et du champagne Bollinger chez les bobos (à mon avis, l’autrice a été sponsorisée par la marque, si l’on compte le nombre de fois où elle est mentionnée)
*  l’élevage des cochons n’est vraiment pas une sinécure, surtout en période de canicule
*  la vie en Norvège n’est pas absolument idyllique, surtout pour les paysans et les vieillards*.

Ce qui fait sans doute le succès international de ce bouquin, c’est pourtant tout le contraire de l’ancrage dans un univers spécifique. À l’image de la cuisine de Krumme, peut-être savoureuse, mais simple conjugaison de saveurs interlopes, la litanie des  recettes, des dialogues neu-neu ou branchouilles, des idées à la mode, des gestes interminables (on sort de là capable de décorer une vitrine, de soigner des cochons ou de toiletter un mort sans besoin de formation complémentaire), crée un univers passe-partout où le lecteur complaisant peut sans mal se reconnaître. L’amateur de belles histoires, quant à lui, construites, charpentées, écrites, suggestives, en ressort passablement exaspéré, et vouant à quasi tous les personnages, et en particulier au couple homosexuel d’Erlend (le petit mulot, mpfff...) et de Krumme (miettes), insupportable de snobisme, de fric, d’égoïsme, une solide détestation. Rassurez-vous, si j’ai eu la sottise de finir la trilogie, je ne l’ai pas achetée : on me l’a prêtée. 69 € pour un scénario de série télévisée, c’est un peu cher.

* Se reporter à ce sujet à Doppler, d'Erlend Loe, ici chroniqué il y a quelques mois. Ouvrage tout aussi mal traduit, mais tellement plus inventif !

 

vendredi, juillet 30 2010

Ragde, suite... GROGNON.

« Ce roman d’une grande noirceur, superbement écrit, est une description magnifique d’une famille engluée dans les non-dits. »

C’est ce que dit le Nouvel Obs’, cité en bandeau. Je ne dois pas avoir les bonnes lunettes, paske moi, j’y vois plutôt la Comtesse de Ségur, et encore, sans la cruauté. J’aime beaucoup la Comtesse, au demeurant, j’ai ri aux éclats à François le bossu et aux Deux Nigauds, alors que là, je vois plutôt une histoire édifiante, mal traduite, et découpée sur le mode du feuilleton : ça s’arrête en plein milieu d’un épisode crucial ! seulement, le principe du roman feuilleton, c’est que ça se vend au numéro de journal, alors qu’ici le volume (il y en a trois) coûte 22,90 €. Ça me paraît terriblement malhonnête : imaginez le lecteur qui n’achète que ce tome-là : il ignore le détail de ce qui s’est passé avant, et si ça ne lui plaît pas, il ignorera aussi ce qui se passe après que Torunn ait violemment « [ouvert] la porte qui donnait sur les bêtes et [allumé] les néons ». Même Harry Potter ne s’est pas permis ce genre de désinvolture, et chaque volume fait un tout, non ? Ajoutez à cela que mon exemplaire passe de la page 64 à la page 97 (deux fois), et que les trente-trois pages manquantes ont permis à Torunn de rencontrer l’homme provisoire de sa vie, à sa mère de se faire quitter, à Margido de se laisser séduire par une veuve...

La traduction est toujours défaillante : en particulier, le titre norvégien Eremittkrepsene, signifie « Bernard l’hermitte (s ?) », titre qui, à nouveau, fait sens, à la fois pour le volume et par rapport au précédent. D’où sans doute le choix, légitime, de le traduire par cette « Ferme des Neshov » plate et sans intérêt. Chronique de gestes, dialogues envahissants sans être forcément nécessaires... je crois que je commence à comprendre ce qui a fait CE best seller : une certaine manière, bien pensante, de capter un air du temps consensuel, et somme toute, assez niais. Dans le genre conte, je préfère Andersen.

mardi, juillet 27 2010

Anne B. Ragde - La Terre des mensonges (Berlinerpoplene)

Pas facile de lire La Terre des mensonges (drôle de titre d’ailleurs, le titre norvégien est Les Peupliers de Berlin, titre qui aurait parfaitement fait l’affaire en français me semble-t-il, et aurait été nettement plus fidèle à l’esprit du texte et donc plus compréhensible, mais on ne va pas chipoter même si encore une fois la traduction a été torchée - fautes de langue, de syntaxe, d’orthographe grammaticale, impropriétés.... - , le nom du traducteur figure sur la couverture, y a pourtant pas de quoi être fier ... non, non, non, je n’en veux pas aux auteurs du Nord ni aux maisons d’édition qui les font connaître, je leur en veux - aux éditeurs - pour l’absence quasi-totale de relecture qui précède l’édition et pour les bénéfices qu’ils tirent de best sellers sur le dos des AUTEURS ET DES LECTEURS !!!!), euh... « c’est un figuier-banian, cette phrase ! » - pas facile donc de lire ce bouquin dans une maison pleine de va-et-vient, de gens, de repas nombreux et de soirées tardives... Pour autant, la construction : mise en place scrupuleuse et réaliste de chacun des personnages dans son contexte familial (rudimentaire voire inexistant) et professionnel, permet de se familiariser au rythme d’une narration lente et bienveillante, avec les trois frères Neshov. Margido, l’entrepreneur de Pompes funèbres (beaucoup trop méthodique et cérémonieux pour qu’on puisse l’appeler croque-mort) confronté au suicide d’un adolescent fils d’agriculteurs - on a presque l’impression d’entrer dans une enquête policière dont l’enquêteur serait inassignable par rapport aux codes traditionnels, au début – puis son frère, mais quel lien de fraternité peut-on trouver entre deux êtres si dissemblables ? Tor, l’éleveur de cochons attentif à ses truies, dans la ferme délabrée et sinistre où il partage sa vie entre sa mère malade, à laquelle l’unit une relation fusionnelle, et son père fantomatique et presque imbécile, enfin Erlend, le décorateur de vitrines froufroutant et homosexuel, amoureux du clinquant et de la beauté et exilé à Copenhague où il partage la vie de Krümme (« miettes »), et puis appendice inattendu, Torunn, l’éducatrice de chiens, vous découvrirez qui elle est. L’hospitalisation de la mère, à l’orée de Noël, déchire les routines, les projets, les barrières, et réunit la famille, ses souvenirs, ses conflits, ses secrets...

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