lundi, mars 12 2012

Mademoiselle ?

Continuons en mode réac-et-ringard. La disparition officielle des mots, ça me met toujours très mal à l’aise. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’ils ressortiront, ailleurs, sous forme d’actes, de non-dits, de frustrations, en pire. Et j’ai beaucoup de mal à croire à la philanthropie de l’administration. Aussi ai-je adoré la charmante chronique de François Morel, vendredi, au volant sur les routes du « Garlaban couronné de chèvres » et piqué d’amandiers en fleurs. On peut l’écouter, ici. Apparemment, elle a suscité moult réactions foudroyantes.

Voici ce que dit de « mademoiselle » la première entrée du CNRTL : 

« I.

A. − Vx. [Titre employé pour désigner toute femme mariée qui n'était pas noble ou qui était noble mais non titrée ou pour s'adresser à elle] Dans cette pièce se tenaient le respectable bourgeois et sa femme, mademoiselle Lecamus (Balzac, Martyr calviniste, 1841, p. 58).On l'appelle mademoiselle, quoiqu'elle ait été mariée. Le nom de dame était encore réservé aux femmes nobles (Michelet, Insecte, 1857, p. 395).Le 19 janvier 1664, MlleMolière, la femme du poète, mit au monde un garçon (A. France, Génie lat., 1909, p. 126):

1. À Beaune, les premiers fidèles se recrutèrent parmi la noblesse...; à Dijon, parmi la noblesse et les gens de robe..., «M. Bossuet, conseiller au parlement et mllesa femme.»..., et ailleurs...» ... C'était le temps où les Espagnols menaçaient la frontière de Bourgogne (1636-1637). Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 545.

Fam. Mon Dieu! que vous êtes grosse! Moi qui vous ai vue comme un jonc, maintenant vous me paraissez une des tours de Notre-Dame. Ah, mamselle Sophie! qu'avez-vous fait là? Que monsieur votre mari ne s'attende pas à mes compliments pour vous avoir mise dans ce bel état (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1825, p. 735).

La dernière citation est gratinée ^^…

Rem. S'emploie dans le milieu du théâtre (et parfois du cinéma) pour désigner une actrice, même mariée, notamment une sociétaire de la Comédie-Française ou pour s'adresser à elle. »

Quelles femmes plus libres que les actrices ?

Et pour finir, un air de Nougaro :

J'avais rêvé d'un couple dont je sois l'Il, toi l'Elle
Imaginé une île amoureuse d'une aile
Et l'aile s'est posée sur ma lèvre de sel
Et nous voici cloués à l'Être universel

Oui, celle qu'on attend tous, nos rêves unis vers elle,
La voici à mon bras, l'infinie demoiselle
Et je nous vois, jeunes, en croix, pâmés, cieux
Et je nous vois jeunes, en croix, pâmés, cieux..

Mais, même en te voyant dans mon nid, hirondelle
Mais même en te voyant j'ai peur et je t'appelle
Par ton vrai nom traduit de la langue de Dieu
Mademoiselle-Je-n’en-crois-pas-mes-yeux…

A écouter par soi-même, car je n’en trouve pas de trace sur la toile, et je n’en ai qu’une très antique version en disque vinyle : « Femmes et famines » - que j'écoutais en boucle dans mes jeunes années de demoiselle.

samedi, mai 21 2011

Hyacinthe et Rose, de François Morel

Je n’ai  pas l’habitude de chroniquer ici de la littérature jeunesse. J’en suis peu lectrice (on ne peut pas tout faire) et si j’en offre passablement aux jeunes gens qui me sont proches, comme j’en offris en leur temps à mes enfants, je me fie pour cela aux conseils éclairés de Soizic, qui depuis désormais dix ans anime chez Pages d’Encre le rayon littérature jeunesse, avec passion, éclectisme, et talent. Comme j’y passais aujourd’hui - c’est pour moi un rituel très ancien que de passer à la librairie le samedi pendant le marché, même si je n’y achète rien, même si ça se transforme, comme samedi dernier, en séance de karaoké dans la librairie heureusement quasi déserte (ma fille à l’autre bout, côté adultes, ‘non je ne connais pas cette dame’…, et LE client, j’espère que nous ne lui avons pas fait peur) à chanter avec Vanessa, la collègue de Soizic … MIKE BRANT, puis Joe Dassin, devant l’ordi pour les paroles, et qu’est-ce qu’on s’est marrées ! – comme j’y passais donc, elles m’ont toutes deux mis entre les mains avec un bel ensemble et un éloge à l’unisson un immense album jeunesse, magnifiquement illustré de fleurs géantes : Hyacinthe et Rose, de François Morel, illustré par Martin Jarrie. « François Morel, mais si tu sais le Deschiens ! – Ben non, désolée, je ne sais pas, moi, les Deschiens je ne les ai vus qu’au théâtre, je n’avais pas la télé, alors je ne connais vraiment que Yolande Moreau ». Bref. François Morel évoque dans cet album – que je dise tout de suite que j’ai sursauté d’horreur devant les marges de droite pas justifiées qui sont une verrue à chacune des pages illustrées d’une voire deux planches géantes de fleurs somptueusement colorées – la mémoire de ses deux grands-parents en sempiternelle guerre conjugale, Hyacinthe et Rose, donc.

Hyacinthe le coco, qui cultive dans son jardin pour les funérailles des camarades un rosier rouge toujours fleuri à contretemps, Rose qui le pille pour orner les autels aux fêtes de Marie et se nourrit des logorrhéiques paraboles horticoles du curé, le caquet d’icelui toujours sèchement rabattu par les sarcasmes d’Hyacinthe. Un couple en guerre, uni par sa passion commune des fleurs. Un récit où il est question d’enfance, de rituels, d’interrogations, de langage des fleurs, de transmission, de tendresse. D’amours, d’hostilités, de dépits, de catastrophes, de bonheurs. Et même si mon goût me porte plus aux portraits de fleurs à la mode impressionniste, ce beau livre-jeunesse-pour-adultes vibre du dialogue entre le texte et les images.


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