Hyacinthe et Rose, de François Morel
Par Agnès Orosco le samedi, mai 21 2011, 22:26 - Littératures française et francophones - Lien permanent
Je n’ai pas l’habitude de chroniquer ici de la
littérature jeunesse. J’en suis peu lectrice (on ne peut pas tout faire) et si
j’en offre passablement aux jeunes gens qui me sont proches, comme j’en offris
en leur temps à mes enfants, je me fie pour cela aux conseils éclairés de
Soizic, qui depuis désormais dix ans anime chez Pages d’Encre le rayon
littérature jeunesse, avec passion, éclectisme, et talent. Comme j’y passais
aujourd’hui - c’est pour moi un rituel très ancien que de passer à la librairie
le samedi pendant le marché, même si je n’y achète rien, même si ça se
transforme, comme samedi dernier, en séance de karaoké dans la librairie
heureusement quasi déserte (ma fille à l’autre bout, côté
adultes, ‘non je ne connais pas cette dame’…, et LE client, j’espère que nous ne lui avons pas fait peur) à chanter avec Vanessa, la collègue de Soizic …
MIKE BRANT, puis Joe Dassin, devant l’ordi pour les paroles, et qu’est-ce qu’on
s’est marrées ! – comme j’y passais donc, elles m’ont toutes deux mis
entre les mains avec un bel ensemble et un éloge à l’unisson un immense album
jeunesse, magnifiquement illustré de fleurs géantes : Hyacinthe et Rose, de François Morel, illustré par Martin Jarrie. « François
Morel, mais si tu sais le Deschiens ! – Ben non, désolée, je ne sais pas,
moi, les Deschiens je ne les ai vus qu’au théâtre, je n’avais pas la télé,
alors je ne connais vraiment que Yolande Moreau ». Bref. François Morel
évoque dans cet album – que je dise tout de suite que j’ai sursauté d’horreur
devant les marges de droite pas justifiées qui sont une verrue à chacune des
pages illustrées d’une voire deux planches géantes de fleurs somptueusement
colorées – la mémoire de ses deux grands-parents en sempiternelle guerre
conjugale, Hyacinthe et Rose, donc.
Hyacinthe le coco, qui cultive dans son jardin pour les funérailles des camarades un rosier rouge toujours fleuri à contretemps, Rose qui le pille pour orner les autels aux fêtes de Marie et se nourrit des logorrhéiques paraboles horticoles du curé, le caquet d’icelui toujours sèchement rabattu par les sarcasmes d’Hyacinthe. Un couple en guerre, uni par sa passion commune des fleurs. Un récit où il est question d’enfance, de rituels, d’interrogations, de langage des fleurs, de transmission, de tendresse. D’amours, d’hostilités, de dépits, de catastrophes, de bonheurs. Et même si mon goût me porte plus aux portraits de fleurs à la mode impressionniste, ce beau livre-jeunesse-pour-adultes vibre du dialogue entre le texte et les images.
Près du puits se trouvaient des désespoirs du peintre. Des petites fleurs minuscules, si légères qu’elles étaient toujours frissonnantes. Pour tenter de contredire leur nom, je tentais de les peindre mais c’était effectivement désespérant. Trop petites, trop légères. Je renonçais ; mais je pris l’habitude de saisir mes pinceaux pour représenter des coquelicots, des roses, des narcisses. C’était quand même un peu plus concluant. Juste des fleurs peintes, mais aussi le souvenir ému de mes grands-parents, le parfum de l’enfance, l’envie que le monde soit ouvert, généreux, coloré, porteur de promesses et de beauté. Des espoirs du peintre que je ne deviendrais jamais.
Mais écrivain, il l’est devenu, car il fait resurgir la saveur d’une époque et de ses gens. Et il a su trouver son peintre. On y sourit, la larme à l’œil parfois. Havre de lecture émue au cœur d’un samedi ensoleillé. Merci, les filles !
C'est chez Thierry Magnier.
Et les fleurs sont celles du jardin de Mirella. Sentez-vous l'odeur exquise du seringa ?
Commentaires
Je suis très heureuse que tu aies pris le temps de le lire... et que tu l'aies aimé, même si j'avais peu de doutes à ce sujet...
Et ma foi, cet album est absolument parfait pour inaugurer une nouvelle rubrique ! Et merci pour tes mots...
Bises
;-)
Tibi in librorum dilectione.
A.
Bon, mais quand est-ce qu'on chante ??? :D
Le myosotis et puis la rose
ce sont des fleurs qui disent quelque chose
mais pour aimer les coquelicots
et n'aimer qu'ça, faut être idiot....
On y va ?
:-D