Mademoiselle ?

Continuons en mode réac-et-ringard. La disparition officielle des mots, ça me met toujours très mal à l’aise. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’ils ressortiront, ailleurs, sous forme d’actes, de non-dits, de frustrations, en pire. Et j’ai beaucoup de mal à croire à la philanthropie de l’administration. Aussi ai-je adoré la charmante chronique de François Morel, vendredi, au volant sur les routes du « Garlaban couronné de chèvres » et piqué d’amandiers en fleurs. On peut l’écouter, ici. Apparemment, elle a suscité moult réactions foudroyantes.

Voici ce que dit de « mademoiselle » la première entrée du CNRTL : 

« I.

A. − Vx. [Titre employé pour désigner toute femme mariée qui n'était pas noble ou qui était noble mais non titrée ou pour s'adresser à elle] Dans cette pièce se tenaient le respectable bourgeois et sa femme, mademoiselle Lecamus (Balzac, Martyr calviniste, 1841, p. 58).On l'appelle mademoiselle, quoiqu'elle ait été mariée. Le nom de dame était encore réservé aux femmes nobles (Michelet, Insecte, 1857, p. 395).Le 19 janvier 1664, MlleMolière, la femme du poète, mit au monde un garçon (A. France, Génie lat., 1909, p. 126):

1. À Beaune, les premiers fidèles se recrutèrent parmi la noblesse...; à Dijon, parmi la noblesse et les gens de robe..., «M. Bossuet, conseiller au parlement et mllesa femme.»..., et ailleurs...» ... C'était le temps où les Espagnols menaçaient la frontière de Bourgogne (1636-1637). Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 545.

Fam. Mon Dieu! que vous êtes grosse! Moi qui vous ai vue comme un jonc, maintenant vous me paraissez une des tours de Notre-Dame. Ah, mamselle Sophie! qu'avez-vous fait là? Que monsieur votre mari ne s'attende pas à mes compliments pour vous avoir mise dans ce bel état (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1825, p. 735).

La dernière citation est gratinée ^^…

Rem. S'emploie dans le milieu du théâtre (et parfois du cinéma) pour désigner une actrice, même mariée, notamment une sociétaire de la Comédie-Française ou pour s'adresser à elle. »

Quelles femmes plus libres que les actrices ?

Et pour finir, un air de Nougaro :

J'avais rêvé d'un couple dont je sois l'Il, toi l'Elle
Imaginé une île amoureuse d'une aile
Et l'aile s'est posée sur ma lèvre de sel
Et nous voici cloués à l'Être universel

Oui, celle qu'on attend tous, nos rêves unis vers elle,
La voici à mon bras, l'infinie demoiselle
Et je nous vois, jeunes, en croix, pâmés, cieux
Et je nous vois jeunes, en croix, pâmés, cieux..

Mais, même en te voyant dans mon nid, hirondelle
Mais même en te voyant j'ai peur et je t'appelle
Par ton vrai nom traduit de la langue de Dieu
Mademoiselle-Je-n’en-crois-pas-mes-yeux…

A écouter par soi-même, car je n’en trouve pas de trace sur la toile, et je n’en ai qu’une très antique version en disque vinyle : « Femmes et famines » - que j'écoutais en boucle dans mes jeunes années de demoiselle.

Commentaires

1. Le lundi, mars 19 2012, 23:43 par Anne d'Evry

Salut Agnès!
Sais-tu que j'ai apporté ma contribution à la suppression de la rubrique "mademoiselle" dans les documents administratifs?
Le billet de François Morel, comme le tien, est un brin romantique. Il faut avoir éprouvé l'humiliation du regard condescendant de l'agent administratif quand on est mademoiselle, et de surcroît sans enfant. La vieille-fille n'est pas si loin dans les esprits.
Le journal La Croix (auquel je suis abonnée par conviction ... journalistique) a publié mon courrier:

« Mademoiselle »
"Faut-il maintenir l’appellation “Mademoiselle?» Merci à Françoise Dekeuwer-Desfossez de poser cette question (La Croix du 28 septembre). Il s’agit effectivement d’une discrimination. Allez dans n’importe quel service administratif, toute femme non mariée est automatiquement inscrite sous la civilité "Mademoiselle». Et pour les hommes, y a-t-il une rubrique "Mondamoiseau» quand ils ne sont pas passés chez M.le Maire? L’informatisation des données rend impossible de sortir de cette chape. Outre l’amour-propre des femmes, il faut penser aux enfants. Les banques émettent systématiquement les chéquiers sous la civilité "Mademoiselle» à toute femme non mariée. Quand elle est mère de famille, ce qui est fréquent, que pensent les enfants d’être les fils, les filles d’une "mademoiselle», comme s’il n’y avait pas de père, quand elles émettent un chèque? Ce qui m’étonne le plus, c’est que nombre de femmes ne voient là aucun problème, à moins qu’elles aient perdu toute combativité. On ne peut pas lutter contre le logiciel. Moyennant quoi, nous sommes noyés (hommes et femmes) dans une paupérisation des repères symboliques. Merci aux mouvements féministes de soulever ces questions et à La Croix de les relayer. Néanmoins, il me semble difficile de supprimer la civilité «Mademoiselle» pour les jeunes filles. L’usage de fixer une limite à 25ans garde une certaine élégance. Au-delà, cette disposition est vraiment discriminatoire et bien souvent humiliante.
Anne Santagostini
(Essonne)

Voilà pour mon point de vue!

2. Le mardi, mars 20 2012, 07:12 par Agnès

Merci de ta participation, Anne, Le sujet est vaste, et je n'ai pas le temps de débattre cette semaine, où comme tu le vois je suis passablement en panne. J'ai moi-même bataillé avec ma banque, et partiellement réussi à me transformer en madame, en particulier sur mes chéquiers. Pour le reste, j'ai tendance à penser que la meilleure attitude face aux messieurs arrogants ou rigolards est l'ironie, non ? Mais nous reprendrons le débat...

A bientôt!

Agnès

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