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vendredi, juillet 8 2011

Le Jourde & Naulleau - Au Secours, Houellebecq revient !

            Eric Naulleau est éditeur. C’est aussi un pamphlétaire. Je l’ai découvert pour ma part il y a six ans, un dimanche, en une période où je travaillais de façon assez frénétique sur un programme imposé. Infraction dans ma ligne de travail, lecture subreptice du Jourde & Naulleau, éclats de rire. Ce manuel à la manière du Lagarde & Michard rassemble avec le plus grand sérieux ce que les auteurs considèrent comme la littérature d’imposture de la fin du XXe et du début du XXIe siècle.

Assignés en justice pour avoir mis en cause dans des ouvrages antérieurs la politique littéraire du Monde des Livres, et plus généralement le microcosme parisien de la critique littéraire, les auteurs ont répondu par ce petit bouquin qui, sur le modèle  de l’illustre précis de littérature, présente, pour chacun des auteurs visés, une mini bio, suivie d’une étude de l’esthétique de l’auteur et du courant littéraire auquel il appartient (majoritairement, le courant dit de « Durassic Park » ^^), enfin des extraits d’œuvres avec notes en bas de page et exercices. Démarche si rigoureusement fidèle à la tradition classique du commentaire de texte qu’elle en est plus désopilante. Certains des lecteurs de l’opus ont accusé les auteurs d’avoir pastiché leurs victimes pour les mieux discréditer. Que nenni ! le pastiche porte, non sur les auteurs étudiés, mais sur la forme du manuel. Les extraits des auteurs-phares de notre littérature hexagonale, Camille Laurens, Marie Darrieussecq, Christine Angot, BHL, Dominique de Villepin ou Philippe Sollers sont, hélas ! rigoureusement authentiques. Pour moi, qui ai dû un jour – par nécessité professionnelle (Goncourt des Lycéens) – m’avaler l’intarissable pavé intitulé Ni Toi ni moi (− Nous non plus !) la lecture du Jourde et Naulleau a eu quelque chose d’une revanche contre la nullité de cette logorrhéique prose du nombril, accompagnée d’un chœur critique qui, à grands renforts de concepts littéraires dévoyés, encense ce qui relève de la pure imposture.

Camille Laurens. Jolie femme, douloureuse (écoutez - c’est publié en CD – sa voix égrener ses spirituelles chroniques de vocabulaire, Tissés par mille. La virtuosité du texte est torpillée par l’insurmontable morosité de la voix.). Au fil de ses romans, cette agrégée de Lettres et spécialiste de La Rochefoucauld débite des historiettes sentimentales tendance porno soft, dont la seule légitimité littéraire semble l’accumulation des références qui les ponctuent. Il me reste de ma lecture accablée de Ni Toi ni Moi – roman épistolaire, soyons modernes, par courriels de la seule héroïne, et réécriture de l’Adolphe de Benjamin Constant, où, par apocopes successives, Ellénore devient Hélène, puis Elle -  le souvenir d’une scène de fellation à Amsterdam ( ?) – pas à Bécon-les-Bruyères, en tout cas – avec le lexique y afférent, mais sur fond de Kindertotenlieder (mânes d’Onan, nous te saluons !). Le J &N consacre à l’œuvre de ce bas-bleu une étude qui, un jour de neige de décembre dernier, a déclenché chez mes rares élèves, incrédules, une mémorable tranche de rigolade. Preuve s’il en est besoin de l’efficacité comique de ce pamphlet.

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samedi, février 19 2011

Houellebest, Houelleberk....

Il y a un petit côté Balzac, décidément, chez Houellebecq : à l’image de son illustre prédécesseur, il (le personnage, attention, pas l’auteur !), étoile ses brouillons de corrections successives, signes manifestes du travail du style et de la puissance de travail dont l’œuvre est le produit : « Avec réticence, Houellebecq sortit quelques feuilles. Il y avait très peu de ratures, mais de nombreux astérisques au milieu du texte, accompagnés de flèches qui conduisaient à d’autres blocs de texte, les uns dans la marge, les autres sur des feuilles séparées. A l’intérieur de ces blocs, de forme grossièrement rectangulaire, de nouveaux astérisques renvoyaient à de nouveaux blocs, cela formait comme une arborescence. »

Il en ressort une œuvre foisonnante et inassignable, ironique, référentielle, savamment architecturée, dont notre effort s’est borné, en quelques relevés, à tenter de repérer quelques lignes de force, penchants, tendances :

  • Midinette : ''Ils se regardèrent alors, sans parler, pendant quelques secondes, et Jed n’eut plus de doute : le regard qu’elle plongeait dans le sien était bel et bien un regard de désir. Et, à son expression, elle sut aussitôt qu’il savait.''
  • Connaisseur :'' « Vous savez que vous êtes avec une des cinq plus belles femmes de Paris ? » Son ton était redevenu sérieux, professionnel, il connaissait visiblement les quatre autres. A cela, non plus, Jed ne trouva rien à répondre. Que répondre, en général, aux interrogations humaines ?'' [Moraliste du XVIIe pour la coda]

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lundi, février 7 2011

... "il s'endormit aussitôt, le cerveau parfaitement vide".

Je suis en train de lire La Carte et le territoire. Quatre chapitres, pour l’instant, de préambule. Et deux de la première partie Et je suis partagée entre dégoût, ennui insurmontable, et perplexité très profonde. Jed Martin a eu une panne de chauffe-eau le 15 décembre, et il a été dépanné par un plombier croate qui va quitter le boulot pour s’investir dans le tourisme en rentrant au pays natal, - suit le prospectus. Il a des problèmes de communication avec son vieux père, qui pourtant, connaît Michel Houellebecq, un très bon écrivain (c’est le père qui le dit, mais le père ne serait-il pas une émanation de l’auteur ? ça me fait penser à Marcel Maréchal, parvenu depuis quelque temps déjà au sommet de l’histrionisme, qui dans une de ses dernières pièces, un ragoût de scènes classiques du répertoire, faisait faire par Molière soi-même l’éloge de je ne sais plus quelle pièce d’icelui récemment montée par Marcel Maréchal - Georges Dandin, c'est ça -, Houellebecq donc très bon écrivain parce que connu mondialement, qui pourrait lui faire le texte du catalogue de sa prochaine expo. Paske c’est un artiste, JM, et il cale sur sa toile Jef Koons et Damien Hirst se partagent le marché de l’art. D’ailleurs il cale tellement qu’après l’avoir mise en pièces il dégueule dessus et c’est la fin du préambule, « il était visiblement parvenu à une fin de cycle ». Digestif, au moins.

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