Deux extraits de « bonnes feuilles » entendus par
inadvertance sur France Culture. La première fois, c’était Amélie Nothomb. Une voix
acide, qui m’a rappelé celle de Karin Viard, mais avec une diction tellement
trébuchante que je me suis inquiétée pour la comédienne. Raté, c’était l’autrice,
qui lisait elle-même l’incipit de son roman-de-la-rentrée. Une resucée de Barbe Bleue version colocation, avec
sombre et mystérieux séducteur au nom espagnol, lequel proposait pour un loyer
dérisoire (500 euros, quand même) un appart grand luxe dans quelque chose comme
le XVIe arrondissement. L’héroïne se nomme Saturnine, elle est belge, elle n’en
peut plus de partager le deux-pièces et l’hospitalité de sa copine Corinne à Marne-la-Vallée,
et la brochette de bourgeoises chics qui attend avec elle dans l’antichambre a
flairé en elle la future élue du fascinant Don Juan qui les fait toutes rêver.
Sur
fond de banalités diverses, catalogue d’agences immobilières, études
sociologiques sur les appartements parisiens ou le regard hypothétiquement porté
par les Français sur les Belges ou sur les aristocrates, l’autrice, qui en est
à son vingtième roman mais à son soixante-treizième enfantement (ce qui fait un
total de 53 fausses-couches si je sais compter, quelle santé ! – ou quel
gâchis), l’autrice donc accumule les formules gnomiques, sentences et autres
aphorismes, dans un style qui associe quelques afféteries (un « brushing
impavide », hypallage ?) avec un lot de platitudes, et emploie l’insupportable
tournure « l’insupporter » qui m’insupporte. Elle parle de son œuvre avec
ardeur et conviction, et une sorte de naïveté aveugle et satisfaite. Sachez quand
même qu’il s’agit d’une réhabilitation du personnage de Barbe Bleue ignominieusement
traité par Perrault, et de son droit au secret.
Cette fille doit largement friser la cinquantaine, et l’énergie qu’elle met à se mettre en scène au lieu de travailler son talent a quelque chose de profondément pathétique.