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lundi, mai 20 2013

Quand la pluie étalant ses immenses traînées....


          Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Charles Baudelaire – Les Fleurs du Mal, Spleen et idéal, LXXVIII



Intarissablement, le ciel gris, au ras des toits, déverse une pluie froide, verticale, lourde, incessante. Dans le jardin reverdi, les poiriers, puis les pommiers n’ont pas eu le temps d’épanouir leurs belles fleurs blanches ou rosées aux rayons du soleil. Elles jonchent, tristement, la pelouse. Voici venu le tour de celles, délicates, du cognassier.  Les lilas courbent leurs grappes sous le poids des gouttes, toute la végétation, en écho à l’humeur des hommes, semble déprimée, et la promesse des fruits s’amenuise. Et pas d’asperges, samedi, au marché ! trop froid. Je pense, sans avoir pu le retrouver, à l’univers détrempé et inquiétant des Saisons, de Maurice Pons, où, avant le grand gel de l’hiver, il pleuvait ainsi, intarissablement.

mardi, octobre 25 2011

Chant d'Automne

                                 I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

                              II

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !

Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal, "Spleen et idéal"

vendredi, avril 25 2008

Marcel Aymé, encore...

Puisque je l'ai évoqué à propos de Russell Banks, je ne résiste pas au plaisir de vous coller ici le début d'une des plus bouffonnes "études de texte" que l'on trouve dans la littérature : Baudelaire passé à la moulinette d'un rationalisme grincheux d'inspiration classique.
C'est dans Le Confort intellectuel, titre qui à lui seul doit faire honnir son auteur à quiconque se glorifie de rechercher en toute chose le "dérangeant"...

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