mercredi, mai 1 2013

Il y avait à Montmartre...

« Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis de la rue d'Orchampt, un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé. Il portait un binocle, une petite barbiche noire, et il était employé de troisième classe au ministère de l'Enregistrement. En hiver, il se rendait à son bureau par l'autobus, et, à la belle saison, il faisait le trajet à pied, sous son chapeau melon.

Dutilleul venait d'entrer dans sa quarante-troisième année lorsqu'il eut la révélation de son pouvoir. Un soir, une courte panne d'électricité l'ayant surpris dans le vestibule de son petit appartement de célibataire, il tâtonna un moment dans les ténèbres et, le courant revenu, se trouva sur le palier du troisième étage. Comme sa porte d'entrée était fermée à clé de l'inté­rieur, l'incident lui donna à réfléchir et, malgré les remontrances de sa raison, il se décida à rentrer chez lui comme il en était sorti, en passant à travers la muraille. Cette étrange faculté, qui semblait ne répondre à aucune de ses aspirations, ne laissa pas de le contrarier un peu et, le lendemain samedi, profitant de la semaine anglaise, il alla trouver un médecin du quartier pour lui exposer son cas. Le docteur put se convaincre qu'il disait vrai et, après examen, découvrit la cause du mal dans un durcissement hélicoïdal de la paroi strangulaire du corps thyroïde. Il prescrivit le surmenage intensif et, à raison de deux cachets par an, l'absorption de poudre de pirette tétravalente, mélange de farine de riz et d'hormone de centaure.

Ayant absorbé un premier cachet, Dutilleul rangea le médicament dans un tiroir et n'y pensa plus. » ...


 

vendredi, avril 25 2008

Marcel Aymé, encore...

Puisque je l'ai évoqué à propos de Russell Banks, je ne résiste pas au plaisir de vous coller ici le début d'une des plus bouffonnes "études de texte" que l'on trouve dans la littérature : Baudelaire passé à la moulinette d'un rationalisme grincheux d'inspiration classique.
C'est dans Le Confort intellectuel, titre qui à lui seul doit faire honnir son auteur à quiconque se glorifie de rechercher en toute chose le "dérangeant"...

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jeudi, septembre 13 2007

Démodé, résolument.

Voilà des jours que je tourne autour du désir d’évoquer un auteur singulier et excentrique, sans parvenir à m’expliquer le silence épais, ancien, obstiné, qui l’enveloppe, et l’extrême défaveur qui est la sienne auprès de la critique « officielle », en tout cas de ceux qui détiennent la doxa critique; rarement en est-il fait mention dans les manuels de littérature. Charles Dantzig l’a assassiné dans son Dictionnaire égoïste de la littérature française, dont je parlerai un autre jour. Et pourtant ses dix-sept romans, ses dizaines de nouvelles, et deux recueils de contes parmi les plus délicieux qu’aient enfantés hommes et femmes de lettres, l’ensemble illustré par Topor - qui savait reconnaître ses pairs en fantaisie - occupent bien 30 cm sur les rayons de ma bibliothèque. Je viens d’y refaire une descente, c’est tout un univers qui m’habite, depuis bien longtemps.
                  Aymé Passe-muraille, par Jean Marais
Qui lit aujourd’hui Marcel Aymé?

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