Balzac - La Vieille Fille

Je sais désormais – question posée il y a plus d’un an – pourquoi Du Croisier ne pouvait pas avoir d’enfant. C’était dans Le Cabinet des Antiques, et « toute la ville le s[av]ait ». La ville, restée anonyme dans L C d A, c’est Alençon, clairement nommée et décrite dans La Vieille Fille, que je viens de terminer. On y retrouve Du Croisier, ou plutôt on l’y trouve, puisque l’épisode est antérieur, mais sous le nom de Du Bousquier. Et toute l’intrigue tourne autour du mariage de la riche et prospère, et assez sottement naïve, et vieillissante et plantureuse – ô combien ! -  mademoiselle Cormon (Rose-Marie-Victoire). Qui l’emportera du chevalier de Valois, coquet vieillard très Ancien Régime, du tartuffe républicain du Bousquier, ou d’Athanase Granson, le jeune homme à l’ironique prénom et aux rêves impossibles ? Qui l’emportera de l’Ancien Régime ou du monde neuf, ou de l’artiste étouffé dans l’œuf par la province étriquée qui l’a vu naître ? Car l’intrigue sentimentale (si peu - et si terriblement charnelle, à mots couverts) se double d’une intrigue férocement politique, et l’issue sardonique de ces manigances intéressées laissera derrière elle quelques cadavres, dont celui de la fidèle jument Pénélope (!). Autre « étude de femme », et Scène de la Vie de Province.

Drôle de bouquin. Encore un bref roman ou une longue nouvelle, dont la particularité est d’avoir été le tout premier « roman feuilleton », publié dans La Presse, d’Emile de Girardin (23 octobre – 4 novembre 1836, puis en volume en 1837, 39, et enfin, en 1844, intégré à La Comédie Humaine). On a du mal à imaginer qu’il ait fait vendre le journal, tant l’intrigue y est statique, souterraine, à demi-mot. Rien à voir avec un roman d’aventures, comme on imagine ordinairement les romans feuilletons. L’héroïne y apparaît au bout d’une bonne vingtaine de pages, qui ont servi à poser les trois rivaux et leurs intrigues, et la comparaison avec la spirituelle Suzanne, future « du Val-Noble », charmante grisette dont les manœuvres du premier chapitre vont retentir sur toute la suite de l’histoire et qui s’esquive alors à Paris, terrain de ses débuts dans la vie, la comparaison avec Suzanne donc n’est certes pas à son avantage.

Je n’en dirai pas plus. Il est formellement déconseillé d’entrer en Balzac par ce roman, qui affermirait sa réputation (très surfaite) d’auteur ennuyeux. Je poserai seulement, aux amateurs de contrepets, une question : voient-ils dans le patronyme de la vieille fille le même contrepet, si tristement expressif, que moi ? Et est-ce mon esprit mal tourné ou l’abus de ce sport qui me fait l’y voir, ou bien Balzac, lecteur de Rabelais et amateur de jeux de mots en tous genres, l’a-t-il attribué à dessein à son héroïne ? La question est ouverte.

Commentaires

1. Le vendredi, août 12 2011, 22:18 par Anne d'Evry

J'ai un peu cherché le contrepet...
Effectivement il est bien triste, mais pour une triste vieille fille, c'est discrètement bien vu, si c'est intentionnel.

2. Le samedi, août 13 2011, 12:03 par Agnès

Le contraire m'étonnerait.... ^^

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