samedi, décembre 4 2010

A propos de lecture (s) / propos de lectrice

J'écoute Finkielkraut, que j'aime bien malgré sa propension à la prophétie catastrophiste, sa parole possédée de pythie en proie à la transe. Il parle de livres et de lecture avec Charles Dantzig et Michel Crépu, et cite une prof  - Catherine Henry ? - qui s'émeut de ne plus pouvoir faire lire ses élèves, à cause de toutes les esquives que leur permettent les "nouvelles technologies".

J'ai une réponse, moi, absolument pas dans l'air du temps. Le meilleur moyen de partager une lecture avec une classe, une fois que l'on a obtenu d'eux une forme de discipline, c'est de lire avec eux, à voix haute, en classe. Évidemment ça demande du temps, et une pratique du commentaire cursif plus que de la sacro-sainte "lecture analytique". Mais ça marche, je l'ai fait, entre autres avec des garçons dont certains ne touchaient jamais un livre, dont l'un, 18 ans, m'a dit n'avoir jamais LU un livre. On a lu, ensemble, presque tout Le Vicomte pourfendu. Je leur dois un moment de bonheur pédagogique que j'ai déjà conté à satiété et que j'écris à présent : tout en commentant le texte avec eux (réponses à leurs questions, réflexion partagée sur les excentricités du récit) je me suis interrogée à voix haute sur le fait que c'était la moitié droite du vicomte qui était la mauvaise -

        «  - Je ne comprends pas, d'habitude, c'est le côté gauche qui est considéré comme néfaste...
           - Mais madame, (enfin, à quoi tu penses ?), la moitié droite, c'est la moitié sans cœur ! »

 Je considère cette mince anecdote comme la justification absolue de cette manière de travailler. Cela signifie que même une « mauvaise classe » peut apporter quelque chose à un professeur, dès lors qu'il y a échange. Cela signifie aussi que le livre les occupe, et se met à les habiter, même si ce n'est pas forcément un « grand livre », n'en déplaise à Finkielkraut et à ses invités.

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mercredi, mai 21 2008

« Il lui rendit le volume avec un sourire hautain. "Il ne faut pas lire de livres français. C'est le pays de la pourriture"

Vexée, Marie-Jeanne chercha dans la bibliothèque de quoi le faire revenir sur ses opinions. Elle eut la main heureuse. Josse lut avec beaucoup de plaisir François le champi et La Grande peur dans la montagne. Barrès en revanche ne lui plut guère, ni Péguy. Pendant une semaine aussi, il faut vivement intéressé par Fécondité, un des quatre Évangiles de Zola. C'est un livre, je crois, qu'on ne lit plus beaucoup. Aussi n'est-il pas inutile de préciser que l'auteur y présente les ménages sans enfants accablés de mille vicissitudes tandis que les parents de vingt-quatre marmots ont du bonheur qui leur sort de toutes les poches. La thèse était celle dont Josse faisait volontiers son ordinaire. Par-dessus le marché le caractère démonstratif de l'ouvrage lui plaisait. C'est comme cela qu'il concevait un livre, avec des idées, des principes, une utilité enfin. Il en parla au curé qui se fâcha tout net. "Zola! C'est à cause de Zola que la France est perdue." Josse, cette fois, regimbait. "Pas du tout. Ce qu'il dit est juste." Il lui apporta le volume. Le curé fut bien attrapé. Il n'avait jamais vu Zola sous ce jour-là. Il lut l'ouvrage avec intérêt, en nota quelques arguments pour un de ses sermons."

 Il s'agit de "Bergère légère", de Félicien Marceau.

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