J'écoute Finkielkraut, que j'aime bien malgré sa propension à la prophétie catastrophiste, sa parole possédée de pythie en proie à la transe. Il parle de livres et de lecture avec Charles Dantzig et Michel Crépu, et cite une prof - Catherine Henry ? - qui s'émeut de ne plus pouvoir faire lire ses élèves, à cause de toutes les esquives que leur permettent les "nouvelles technologies".
J'ai une réponse, moi, absolument pas dans l'air du temps. Le meilleur moyen de partager une lecture avec une classe, une fois que l'on a obtenu d'eux une forme de discipline, c'est de lire avec eux, à voix haute, en classe. Évidemment ça demande du temps, et une pratique du commentaire cursif plus que de la sacro-sainte "lecture analytique". Mais ça marche, je l'ai fait, entre autres avec des garçons dont certains ne touchaient jamais un livre, dont l'un, 18 ans, m'a dit n'avoir jamais LU un livre. On a lu, ensemble, presque tout Le Vicomte pourfendu. Je leur dois un moment de bonheur pédagogique que j'ai déjà conté à satiété et que j'écris à présent : tout en commentant le texte avec eux (réponses à leurs questions, réflexion partagée sur les excentricités du récit) je me suis interrogée à voix haute sur le fait que c'était la moitié droite du vicomte qui était la mauvaise -
- Mais madame, (enfin,
à quoi tu penses ?), la moitié droite, c'est la moitié sans cœur ! »