lundi, décembre 14 2009

Joseph Boyden - Les Saisons de la solitude

L’un des grands plaisirs de la lecture, c’est la clandestinité. Ces moments soustraits au cours ordinaire des journées ou des nuits, où l’attraction du livre, fût-il resté à l’étage sur la table de nuit, devient si forte qu’on laisse pour lui la préparation du repas, le paquet de copies entamé, ou, en plein réveil nocturne intempestif, le désir de se rendormir pour se réveiller fraîche le lendemain. On plonge, en s’accordant tout au plus un quart d’heure ou une demi-heure, et quand on lève le nez, le repas n’est pas prêt bien qu’il soit l’heure, les copies attendront le lendemain, ou bien le jour se lève et il est grand temps de filer. Remords et plaisir, et sans doute, plaisir parce que remords. Quand j’étais élève, je lisais en cours. Je me suis fait surprendre un jour en grec (nous étions moins d’une dizaine), plongée dans un Zola (c’était ma phase Rougon-Macquart enfilés à la queue-leu-leu) : "Agnès O, levez-vous". Naturellement le livre est tombé (L’Argent ? Le Ventre de Paris ?). Le savon a été du genre glacial, ce sont les pires. J’ai continué, ailleurs qu’en grec.
Ma dernière lecture volée, c’est  Les Saisons de la solitude, le dernier roman de Joseph Boyden, dévoré avec d’autant plus d’ardeur que je l’avais égaré pendant trois bonnes semaines, intense frustration. Je l’ai donc repris où je l’avais laissé, au tiers, puis j’ai relu presque tout l’ensemble. Autant dire que je reste une fervente lectrice de ce jeune auteur canadien, dont j’ai chroniqué ici les deux autres œuvres publiées, Le Chemin des âmes, puis le recueil qui l’avait en fait précédé chronologiquement Là-haut vers le nord. Au passage, aucun des trois titres n’est traduit littéralement. Celui-ci, c’est Through Black Spruce (À Travers les épicéas noirs ?). Ce qui apparaît à sa lecture, c’est que Boyden est en train de faire de son œuvre une fresque, une saga, que faut-il dire ? en tout cas, les deux héros, les deux voix de ce vaste roman sont Will Bird et sa nièce Annie, c’est-à-dire le fils et la petite-fille de Xavier Bird, « X », le héros du ''Chemin des âmes'', dont le fusil de tireur d’élite, enveloppé d’une couverture, est aussi l’une des voix mineures du roman. On croise aussi, page 92 exactement, le jeune Crow brûlé après avoir mis le feu à la maison de sa tante : c’est le personnage principal d’une des dernières nouvelles de Là-haut vers le nord, ''White-spirit'', une de celles qui réunissent et structurent toute la dernière partie. L’œuvre de Boyden se construit donc dans un souci affiché de cohérence, tissant à l’intérieur de chaque œuvre et entre les œuvres un réseau d’échos et de correspondances qui donnent au lecteur le sentiment d’une familiarité croissante avec cet univers et ses personnages.

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mercredi, avril 23 2008

Joseph Boyden - Là-haut vers le nord

En anglais Born with a tooth. C’est le titre de la première nouvelle, il y en a treize.

Les quatre points cardinaux : Est : Peine, Sud : Ruine, Ouest : Course, Nord : Retour. Trois nouvelles par point cardinal, quatre pour le dernier. Le recueil, traduit avec le concours du Centre National du livre, bénis soient-ils, date de 2001, c’est-à-dire avant la publication de Three-day road, Le Chemin des âmes, ce long et magnifique roman sur le retour au pays d’un indien tireur d’élite brisé par la guerre de 14.

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mercredi, mai 9 2007

Joseph Boyden :'' Le chemin des âmes'' -

(Three-day road, Albin Michel. Avril 2006.)
Niska, vieille indienne Cree venue attendre à la gare Elijah, l'alter ego et compagnon de chasse de son neveu mort à la guerre de 14, voit finalement descendre du train le neveu lui-même, brisé, unijambiste, silencieux et morphinomane. Au cours du voyage de trois jours (d'où le titre anglais) qui les ramène en canoë sur leurs terres ancestrales, le roman tisse étroitement les deux voix : celle de Niska, qui tente de rattacher à la vie le jeune homme en lui contant leur passé familial et en lui rappelant leur vie de chasseurs avant le grand départ, et la voix intérieure de celui que les Indiens ont appelé Petit oiseau danseur, les blancs Xavier Bird, et ses camarades de bataillon X, parce qu'il est un tel tireur d'élite qu'on peut l'assimiler au X qui figure au centre des cartons de tir.

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