Mot-clé - Bennett

Fil des billets - Fil des commentaires

lundi, octobre 24 2011

Anthony Trollope - Miss Mackenzie

Je n’avais croisé Anthony Trollope – Trollope tout court, d’ailleurs – qu’au détour de La Reine des lectrices , parmi les lectures de la reine. Nom enregistré dans un coin de mémoire, en attendant. Or samedi, Une Femme fuyant l’annonce, pavé envisagé comme lecture de vacances, avait déjà été emprunté à la bibliothèque et j’avais si peu d’idée de ce que je pourrais lire que j’ai entrepris de me balader dans les rayons, attendant de cueillir, à l’inspiration, le titre ou le nom d’auteur qui me ferait signe. Tant de titres et tant d’auteurs dont j’ignore tout ! Et voilà que Trollope. Pourquoi pas ?
Miss Mackenzie
, chez Autrement/Littératures – 2008 – collection bien intéressante et bien laide, texte imprimé sur du papier recyclé semble-t-il, pas désagréable au toucher et reposant à l’œil, mais la couverture coupée en deux entre photo d’illustration, en bas – assez dissuasive même si elle donne une idée du personnage éponyme – la moitié supérieure blanc glacé avec titre, auteur et nature de l’œuvre, et le petit cartouche rouge vif en haut à gauche, qui jure. Bref, nouvel exemple de l’inventivité très relative d’une certaine édition française en matière de jaquette, mais je fais confiance à l’éditeur.

Aussitôt emprunté, aussitôt entamé, avec, très vite, ce sentiment d’allégresse qui me saisit en entrant dans un roman selon mon cœur. Style alerte, situation du contexte familial, social, économique de l’héroïne expédiée avec vivacité pour ne pas ennuyer le lecteur – au prix peut-être de quelque confusion entre les différents Mackenzie, Ball, Johns et Jonathans entre lesquels se joue l’intrigue, mais on les resitue très vite en les voyant surgir, à leur moment. Nombreuses et savoureuses incursions enjouées de l’auteur : adresses au lecteur, clins d’œil amusés, analyses psychologiques, jugements de moraliste… et l’histoire romanesque et charmante d’une vieille fille (36 ans au début du roman), sorte d’Agnès totalement ignorante des us du monde, soudain révélée à la vie à cet âge déjà respectable en touchant un coquet héritage, et par la même occasion, quatre soupirants.

« Margaret Mackenzie avait par la force des choses mené une vie très retirée. Elle n’avait aucune amie à qui elle aurait pu confier ses pensées et ses sentiments. Aucun être vivant, je crois, ne savait qu’il existait dans Arundel Street, dans cette petite chambre qui donnait sur la cour, plusieurs rames de papier où Margaret avait consigné ses pensées et ses sentiments, des poèmes par centaines qui n’avaient rencontré d’autre regard que le sien, des mots d’amour audacieux dans des lettres qu’elle n’avait jamais envoyées, qu’elle n’avait jamais eu l’intention d’envoyer à personne. De fait, ces lettres commençaient sans destinataire et se terminaient sans signature. (…) Il s’agissait plutôt d’essais, par lesquels elle se prouvait à elle-même de quoi elle serait capable si le hasard voulait bien lui permettre un jour d’aimer. Nul n’avait deviné tout cela, nul n’avait songé à accuser Margaret d’avoir un esprit romanesque

Lire la suite...

jeudi, juillet 8 2010

Alan Bennett - La Mise à nu des époux Ransome

Suavement, exquisément acide... voilà ce qui me vient à l’esprit si j’essaie de définir le sentiment que me donne la lecture de La Mise à nu des époux Ransome (The Clothes They Stood Up In). C’est un roman de 1998, que le succès de La reine des Lectrices a dû pousser Denoël – et d’ailleurs ^^ - à republier dans cette jolie collection. Avec en couverture, la photo d’un couple, inénarrablement collet monté. Étrange (queer ?) à force de raideur.

Un couple d’Anglais moyens, monsieur est avoué, madame au foyer, retrouve au retour d’une représentation de Così (ainsi dit monsieur, qui se vautre dans Mozart, son seul ? vice) son appartement ENTIÈREMENT vide. Bouleversement absolu, brutal, incompréhensible, qui se répercute sur sa /leur vie. C’est l’occasion de dialogues, de portraits, de petits gestes, de presque riens qui sont autant de coups d’œil, d’instantanés sur la vie anglaise, sur le couple, sur l’amour, la sexualité, la fantaisie ou son absence, les raideurs apparentes et les douleurs enfouies. C’est une lecture absolument délectable : si le sujet est somme toute ténu, et son traitement comment dire, délibérément extérieur ? superficiel ? chaque phrase, sinon chaque mot est pesé, et... distillé, avec un merveilleux sens du style, de la scène, du dialogue, de la construction, et de l’understatement anglais.

Visite – à quatre heures du matin – d’un duo de policemen, après le cambriolage :

(...) -          Comment écrivez-vous Ransome, demanda le policeman. Avec ou sans « e » ?
-         
Partridge est l’une de nos nouvelles recrues, fraîchement diplômé, dit l’inspecteur en examinant la porte d’entrée. Il grimpe vite les échelons. Vous n’auriez pas une tasse de thé, par hasard ?
-         
Non, répondit sèchement Mr Ransome. Pour la bonne raison que nous n’avons plus de théière. Sans parler des sachets qui vont avec.
-         
Je suppose que vous souhaitez l’aide d’une conseillère, dit le policeman.
-         
D’une "quoi" ?
-         
Quelqu’un qui vient causer avec vous en vous tapotant l’épaule, dit l’inspecteur en examinant la fenêtre. Partridge pense que c’est important.
-         
Nous sommes tous des êtres humains, dit le policeman.
-         
Je suis avoué, dit Mr Ransome.
-        
Dans ce cas, dit l’inpecteur, votre dame pourrait peut-être essayer. Pour ne pas contrarier Partridge.

Mrs Ransome esquissa un sourire d’encouragement.

(...)

Bennett est un dramaturge et scénariste d’une très grande notoriété outre-Manche. Manifestement légitime...
J'allais oublier : la traduction est de Pierre Ménard, et ça, c'est de la belle ouvrage !

 

lundi, juin 29 2009

Alan Bennett – La Reine des lectrices (Denoël et d'ailleurs)

 Les livres sont une merveilleuse invention, vous ne trouvez pas ? dit-elle au recteur, qui opina de la tête. Au risque de passer pour une midinette, je dirais qu’ils ont tendance à développer la sensibilité des gens.

Jean Genêt, Ivy Compton-Burnett, Nancy Milford, Anita Brookner, J.R. Ackerley, Trollope, Jonathan Swift, Proust, Dylan Thomas, Kilvert, Vikram Seth, Silvia Plath, Lauren Bacall, E.M. Forster, Mary Renault, Babar, Dostoïevski, Shakespeare of course, Samuel Pepys, Jan Morris, John Cowper Powys, Jane Austen, Virginia Woolf, Alice Munro, Jane Austen, les Brontë, George Eliott, Thackeray, Dickens, Thomas Hardy, Betjeman, Philip Larkin, Christopher Isherwood, Henry James…. Il y a beaucoup d’Anglais, encore certains ont-ils dû passer à travers les mailles de ma liste. C’est que l’Uncommon Reader dont il est question dans cette brève pochade allègre et malicieuse, est sans doute la plus illustre des Anglaises. La Reine des lectrices, telle est la traduction française bien venue de cet ouvrage dont le titre anglais est un clin d’œil à Virginia Woolf, auteur du Common Reader, Le Lecteur ordinaire, ouvrage très connu outre-Manche mais parfaitement ignoré par chez nous.
Pas très « commune » en effet : c’est la reine d’Angleterre soi-même, Elizabeth la seconde, qui est un jour visitée par le virus de la lecture, à l’occasion du passage derrière les cuisines du bibliobus de Westminster intempestivement investi par ses chiens.



Lire la suite...