Alan Bennett - La Mise à nu des époux Ransome

Suavement, exquisément acide... voilà ce qui me vient à l’esprit si j’essaie de définir le sentiment que me donne la lecture de La Mise à nu des époux Ransome (The Clothes They Stood Up In). C’est un roman de 1998, que le succès de La reine des Lectrices a dû pousser Denoël – et d’ailleurs ^^ - à republier dans cette jolie collection. Avec en couverture, la photo d’un couple, inénarrablement collet monté. Étrange (queer ?) à force de raideur.

Un couple d’Anglais moyens, monsieur est avoué, madame au foyer, retrouve au retour d’une représentation de Così (ainsi dit monsieur, qui se vautre dans Mozart, son seul ? vice) son appartement ENTIÈREMENT vide. Bouleversement absolu, brutal, incompréhensible, qui se répercute sur sa /leur vie. C’est l’occasion de dialogues, de portraits, de petits gestes, de presque riens qui sont autant de coups d’œil, d’instantanés sur la vie anglaise, sur le couple, sur l’amour, la sexualité, la fantaisie ou son absence, les raideurs apparentes et les douleurs enfouies. C’est une lecture absolument délectable : si le sujet est somme toute ténu, et son traitement comment dire, délibérément extérieur ? superficiel ? chaque phrase, sinon chaque mot est pesé, et... distillé, avec un merveilleux sens du style, de la scène, du dialogue, de la construction, et de l’understatement anglais.

Visite – à quatre heures du matin – d’un duo de policemen, après le cambriolage :

(...) -          Comment écrivez-vous Ransome, demanda le policeman. Avec ou sans « e » ?
-         
Partridge est l’une de nos nouvelles recrues, fraîchement diplômé, dit l’inspecteur en examinant la porte d’entrée. Il grimpe vite les échelons. Vous n’auriez pas une tasse de thé, par hasard ?
-         
Non, répondit sèchement Mr Ransome. Pour la bonne raison que nous n’avons plus de théière. Sans parler des sachets qui vont avec.
-         
Je suppose que vous souhaitez l’aide d’une conseillère, dit le policeman.
-         
D’une "quoi" ?
-         
Quelqu’un qui vient causer avec vous en vous tapotant l’épaule, dit l’inspecteur en examinant la fenêtre. Partridge pense que c’est important.
-         
Nous sommes tous des êtres humains, dit le policeman.
-         
Je suis avoué, dit Mr Ransome.
-        
Dans ce cas, dit l’inpecteur, votre dame pourrait peut-être essayer. Pour ne pas contrarier Partridge.

Mrs Ransome esquissa un sourire d’encouragement.

(...)

Bennett est un dramaturge et scénariste d’une très grande notoriété outre-Manche. Manifestement légitime...
J'allais oublier : la traduction est de Pierre Ménard, et ça, c'est de la belle ouvrage !

 

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