Lectures d’été, Dan Franck, Pergaud...

Il y a eu :

Dan Franck, Bohèmes, au Livre de Poche - offert par Sylvain, qui y avait puisé les anecdotes illustrant notre récente balade dans Montmartre. Sous-titré (sur-titré ?) « Les Aventuriers de l’Art moderne », l’ouvrage narre, en trois parties et soixante-huit chapitres, la chronique des artistes début de siècle (1900-1930), de Montmartre à Montparnasse. Autour des figures centrales d’Apollinaire et Max Jacob, de Picasso, de Cocteau, de Kiki de Montparnasse ou de Desnos, du Bateau-Lavoir à la Ruche, du Lapin Agile à la Closerie des Lilas, l’auteur y fait défiler à grand renfort d’anecdotes le tout-Paris bohème des peintres et des poètes, des mécènes aussi comme des inspiratrices, qui ont fait l’histoire de l’art moderne en ce début agité, grouillant, bruyant, braillard et si vivace du vingtième siècle. Tous ces « métèques » qui avaient choisi Paris, pour y ancrer le plus tonitruant présent dans la rencontre et la rupture avec un prestigieux passé. De part et d’autre de la Seine, de part et d’autre de la Grande Guerre.

L’auteur a compilé des dizaines d’ouvrages, mémoires et études, qu’il restitue avec un grand sens de la narration et de la synthèse. Je connaissais bon nombre de ces bohèmes et de leurs aventures sombres ou cocasses, pour avoir quelque peu fréquenté Cendrars ou les Surréalistes, Apollinaire ou Jacques Doucet. J’en ai découvert bien d’autres, parmi lesquels Vlaminck, bien plus créatif et complexe que je ne le pensais, ou l’attachante et douloureuse figure du peintre Pascin.

Bohèmes est le volet documentaire d’un diptyque dont le second volet, que je n’ai pas lu, est un roman, Nu Couché. Le premier né de la césure d’avec le second, tranché dans la documentation pour laisser advenir la fiction. Il y a une suite, Libertad !, que je n’ai pas - encore – lue.


Relu, avec délices, La Guerre des boutons de Louis Pergaud, puis, dans la foulée, De Goupil à Margot, prix Goncourt 1910, dont j’ignorais tout. Un renard, une fouine, une taupe, un écureuil, une grenouille, un lièvre, une pie, tels sont les héros de ce recueil d’ « histoires naturelles » observées et racontées à hauteur d’animal. Tragédies de la vie sauvage, car du lièvre crucifié par les lapins de garenne en quête de territoires neufs à l’écureuil fasciné par l’œil meurtrier du fusil, en passant par la pie captive dans l’obscurité d’une taverne où de grimaçants êtres humains la réduisent à l’abjection de l’alcoolisme, c’est la cruauté, à tous les sens du terme - souffrance et sang versé – qui domine dans ce recueil. C’est magnifiquement observé et senti par ce jeune homme élégant, chapeau, écharpe négligemment rejetée sur l’épaule, œil de loup aigu et rieur, dont la photo figure au dos de ma vieille édition J’ai lu, et qui devait mourir cinq ans plus tard dans l’horreur boueuse des tranchées. Pour autant, le livre a mal vieilli. Son inscription dans la tradition des récits animaliers français depuis le Roman de Renart passe par les noms donnés à ses héros. Et si Goupil relève de la tradition la plus ancienne, si Roussard fait un nom de lièvre honorable, Nyctalette la taupe ne passe guère, en ces temps post NTM, sauf votre respect. Mais surtout, il y a dans ces récits une recherche trop visible de belle langue, avec une surabondance d’adjectifs – pas de substantif qui n’en ait un – qui, pour viser à l’exactitude de la sensation finit pas agacer, avec un souci du mot rare - « hiémal » plutôt qu’« hivernal » - qui sent son post symbolisme, ou décadentisme, de façon trop manifeste, et date.

J’y pensais ce petit matin où j’observais, émue et émerveillée, les escalades, les bonds et les dégringolades de quatre écureuils roux dans le vieux mûrier creux et les yeuses du bassin.


Commentaires

1. Le samedi, août 3 2013, 23:06 par s Brice

tiens... j'y étais lundi, à Montmartre.
Nous aurions pu nous croiser :)

2. Le dimanche, août 4 2013, 01:58 par Agnès

La mienne, de balade, est plus ancienne : fin avril.

A bientôt,

A.

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