Ah Dieu ! que la guerre est jolie
Par Agnès Orosco le samedi, octobre 16 2010, 09:45 - Littératures française et francophones - Lien permanent
Pour moi, la violence faisait partie de l’existence, et il fallait s’y exercer. C’est pourquoi, d’ailleurs, je suis revenu de Suisse pour être soldat et désirais être soldat par le bas, pour voir la violence – pas l’exercer, la voir – mais au fond, j’y participais et j’ai bien dû m’y mettre aussi. J’ai donné des coups et j’en ai reçus. [...] Si la guerre avait été l’horreur continue que montre Barbusse dans Le Feu ou Remarque dans A l’Ouest rien de nouveau, c’était insoutenable. Il y avait des compensations ; d’énormes compensations. Elles ont été décrites souvent – après - par des psychologues. Il y avait des moments de bonheur véritable, même sur la ligne de feu.... il y avait des choses rudement belles à voir, quelquefois, quand ce ne serait que les feux d’artifice le soir... les fusées, l’odeur du champ de bataille qui était enivrante. Oui, tout cela. « L’air est plein du terrible alcool. » oui, tout cela Apollinaire l’a vu. Il n’y avait qu’un poète pour dire cela.
Ah, mon Dieu il a fait l’apologie de la guerre.
Non, il a tout simplement fait l’apologie de la vie dans la mort. Il a fait l’apologie de la paix dans la guerre. Car la paix dans la guerre, c’est quelque chose... le relâchement, tout d’un coup.
Ces propos
éclairants, stimulants, du peintre André Masson au cours d’entretiens avec
Georges Charbonnier, en 1957, (publiés chez Ryôan-Ji en 1985), sont cités au
chapitre IV : Prier, crier, recréer le front, du bouquin
passionnant que je suis en train de lire : Apollinaire, une
biographie de guerre, d'Annette Becker, chez Tallandier. Travail rigoureux,
minutieux de documentation écrit par une historienne, ce livre éclaire au plus
près, avec des intuitions excitantes, la création littéraire féconde (Calligrammes,
correspondance surabondante, articles, drame – Les Mamelles de Tirésias,
j’ai hâte d’y arriver) du poète devenu
combattant.
Petit partage d’un samedi matin.
